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CHAPITRE VI.

EMPRISONNEMENTS ET TRANSPORTATIONS DANS
LES DÉPARTEMENTS DE L'EST.

Ardennes, Côte-d'Or, Jura, Marne, Meurthe, Moselle, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Saône-et-Loire, Yonne.

ARDENNES.

Dans ce département, parmi les victimes, on compte: CHARLIER, chauffeur-mécanicien, à Réthel,

FOURNERET, fileur, à Sédan,

qui furent transportés en Afrique et internés à Tlemcen.

COTE-D'OR.

Celui qui présidait à l'administration du département de la Côte-d'Or en 1858, était M. Jean de Bry.

Ce département fournit à la transportation le nombre demandé de citoyens. Voici leurs noms :

LOUIS COLOT, modeleur, à Dijon.

RENARDET, ancien notaire.

MOREAU, notaire à Saulieu,ancien conseiller général.
MACHART, professeur de physique, à Dijon.

Le 24 février 1858, à cinq heures du matin, huit agents de police et le commissaire central pénétrèrent dans le domicile du citoyen Colot. Le commissaire central lui dit qu'il avait un mandat de perquisition; il protesta en vain contre cette étrange façon d'agir. Son appartement fut fouillé dans tous ses coins et recoins, et les agents de l'autorité ne trouvèrent qu'un rouleau de papier qui était un éssai sur le drainage et un projet de crédit agricole, deux pistolets espagnols, gravés et damassés de fleurs de lis en argent dont les batteries étaient brisées et que Colot conservait comme objet d'antiquité, et un petit couteau de chasse.

Ces objets saisis, on procéda à l'arrestation de Colot, qui fut conduit à la maison d'arrêt de Dijon. Son écrou fut dressé, et, avant d'entrer dans un cachot, il dut supporter l'humiliante formalité qui consiste en la visite des poches et de la personne. Arrivé dans une cellule où il fut mis au secret, il demanda successivement de la paille, car celle qui s'y trouvait était pourrie, de l'eau, car celle qui était dans la cruche sentait mauvais, du feu, car il faisait un froid terrible; il n'obtint rien. Seulement un gardien, qu'on aurait pu croire muet, lui apporta un morceau de pain et un peu de bouillon.

Le lendemain, il trouva sur le préau les citoyens Machart et Renardet. Ce dernier, qui revenait de Paris, avait été arrêté à la gare, à sa descente du train.

Tous trois, ignorant la cause de leur arrestation, écrivirent au procureur impérial et au préfet pour savoir de quel crime ils étaient accusés, mais ne reçurent pas de réponse.

Ils restèrent là onze jours sans communication avec le dehors. Enfin, le douzième jour, plus heureux que la plupart de leurs coreligionnaires, qui subissaient en ce moment le même sort qu'eux, ils purent recevoir leurs femmes, leurs sœurs, leurs familles. Pendant ce temps, comme nous l'écrit l'un d'eux, « on fabriquait à Paris la loi des suspects. »

α

Le 18 mars, un commissaire de police et deux agents les firent descendre à la geôle, et on leur lut « une paperasse » qui les condamnait à la transportation en Algérie. Les malheureux protestèrent de nouveau en demandant des juges. Des juges!...

Étaient-ils seuls frappés dans leur département? Ils l'ignoraient, quand, le lendemain, ils virent arriver le citoyen Moreau de Saulieu qui, arrêté dans son domicile, avait été amené à la prison les menottes aux mains.

Dans la nuit du même jour, vers une heure du matin, ils entendirent dans les couloirs de leur prison des bruits de voix et de sabres; on les prévint d'avoir à faire leurs malles, et on les conduisit à la gare du chemin de fer où une voiture cellulaire les attendait. On les y plaça dans la situation que nous aurons souvent occasion de dire, et ils partirent pour Marseille où ils arrivèrent dans la soirée.

Des militaires furent obligés de les soulever par les bras et de les porter dans les casemates du fort SaintNicolas.

Ils trouvèrent là nombreuse compagnie, GALAY, LE FAUCHEUX, BONNET, DE L'ALLIER, FLACHON et le docteur BLANSUBÉ de Saint-Étienne, et beaucoup d'autres.

Les casemates étaient pleines; ils furent obligés dans celles où ils étaient de se tenir debout à tour de rôle, pendant que les autres reposaient par terre. Le troisième jour, ils furent séparés, les citoyens Machart et Renardet

faisaient partie du premier convoi et partirent pour l'Afrique. Le lendemain Moreau et Colot faisaient partie du second convoi; ils étaient 45; ils furent hissés à bord du Griffon. Ils débarquèrent à Mers-el-Kébir, après avoir écouté toutefois une touchante allocution du commandant du bord qui leur manifesta ses regrets, et leur souhaita un prompt retour dans la métropole.

Ils furent conduits au camp Saint-André, où, sous la direction d'un officier du génie, et armés de pelles et de pioches, ils durent déblayer et nettoyer leur nouvelle prison.

Ils restèrent là quelque temps sous la surveillance d'un peloton du deuxième zouave qui avait la consigne de ne laisser pénétrer personne. Un jour, cependant, des dames d'Oran vinrent, au nom de la démocratie de cette ville, leur apporter des oranges, des fleurs et des cigares. Certes c'était là une démarche bien innocente, l'officier qui commandait l'escouade, s'en montra pourtant fort courroucé.

Quelques jours après ils furent divisés en quatre colonnes l'une fut dirigée sur Mascara, l'autre sur Tlemcen, la troisième sur Sidi-bel-Abès et la dernière sur Mostaganem. Moreau faisait partie de celle de Mascara, Colot de celle de Mostaganem; on leur fit une distribution de biscuit, et ils partirent à pied pour leurs destinations respectives.

Ces quatre citoyens sont tous rentrés depuis dans leur pays.

Colot est aujourd'hui employé à Dijon. Machart est mort il y a quelques mois; Renardet habite la France. Moreau, qui est le frère de l'ancien représentant du peuple de ce nom, habite Saulieu.

Quel avait été leur crime, leur seul crime? Ils avaient aimé la République.

JURA.

Il y eut dans ce département quatre transportations :

PAUL-ÉMILE PERRET, de Saint-Claude;

DEBRAND, pharmacien à Salins;

BERNARD, vigneron à Salins;

BELLEGUE, meunier à Pougny.

Les citoyens DEBRAND et BELLEGUE furent internés à Bougie, où ils arrivèrent avec vingt autres dans la nuit du 8 au 9 avril 1858. Ils logèrent à l'hôtel des Palmiers1, et furent ensuite placés sous le commandement du capitaine Cotelle.

Le citoyen BERNARD, interné aussi à Bougie, suivit le sort du citoyen Debrand.

Quant au citoyen PERRET, nous ne savons rien de particulier sur son compte.

1. Voir département du Loiret.

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