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ponsables tous les républicains français des fautes d un de leurs concitoyens. Mais, dans la situation actuelle, cette protestation n'est même pas nécessaire, puisque, comme nous l'avons vu plus haut, les tribunaux anglais, après de longs débats, qui ont duré plusieurs mois et ont occupé de nombreuses audiences, ont fait justice de la prétendue complicité du docteur Simon Bernard.

L'exécution d'Orsini et de Pierri, la condamnation de de Rudio et de Gomez, semblaient donc être suffisantes pour donner pleine et entière satisfaction à la vindicte légale. Il n'en fut pas ainsi. Et ce que nous allons raconter n'est que l'histoire des violences, des douleurs et des chagrins dont furent frappés des hommes qui n'avaient commis d'autre crime que d'être fidèles à leur loi et à leur devoir.

CHAPITRE III.

LA LOI DE SURETÉ GÉNÉRALE.

Rapprochement entre les suites de l'attentat du 14 janvier et celles de l'explosion de la machine infernale. Discours de l'Empereur.

M. Billault, ministre de l'intérieur.
Paris et du Spectateur.

Suppression de la Revue de Le général Espinasse, ministre de l'intéCirculaires aux préfets. — La loi de - La Terreur.

rieur et de la sûreté générale. sûreté générale.

M. de Morny.

I

Nous nous sommes principalement attaché, jusqu'ici, à montrer que tout se réunissait pour établir que nonseulement la France était restée étrangère à l'attentat du 14 janvier, mais que, dès le lendemain de cet attentat, l'instruction l'avait prouvé, de la façon la plus incontes. table, ce que personne, du reste, n'a jamais mis en doute.

On devait donc s'attendre à ce que le gouvernement, satisfait par le châtiment que devaient subir les vrais et les seuls coupables, épargnerait les innocents. Mais les traditions du Consulat et de l'Empire étaient trop vivaces encore pour qu'il en fût ainsi. Le second Empire a toujours aimé s'inspirer des traditions du premier. Dans la famille impériale, Bonaparte, premier consul ou empe

reur, est un Dieu dont les paroles et les actes sont sacrés. Il existe une bible Napoléonienne, dont on fait avec amour l'application, sans se préoccuper si ce qui était possible à une époque le sera toujours.

Or, le premier consul Bonaparte avait été, on s'en souvint, au mois de décembre 1800, l'objet d'un attentat _royaliste connu sous le nom d'explosion de la machine infernale. A cette époque, trois assassins aux gages du parti royaliste, Carbon, Limoëlan et Saint-Réjant, firent éclater, sous la voiture du premier consul, qui traversait la rue Saint-Nicaise pour se rendre aussi à l'Opéra, un baril de poudre, chargé de mitraille. A ce moment, quoique l'instruction eût démontré que le parti républicain était resté complétement étranger à cette tentative de meurtre, que le parti royaliste, seul, y avait prêté les mains, l'homme étrange qui présidait alors aux destinées de la France, n'entendant pas, disait-il, « faire de la métaphysique judiciaire », fit dresser une liste des cent trente-six républicains qui lui paraissaient les plus hostiles, et, par un arrêté du 14 nivôse, déportait, sans autre forme de procès, les individus inscrits sur cette liste. Il avait eu soin de faire proclamer, par son sénat,' cette mesure « conservatrice de la constitution ». C'est ce même sénat qui, quinze ans plus tard, proclama sa déchéance.

Le neveu du premier consul, oubliant non-seulement que l'attentat du 14 janvier n'avait pas même eu, comme celui du 3 nivôse, des Français pour auteurs ou complices, mais que l'histoire a flétri l'acte de son oncle, ne craignit pas de s'en inspirer, et, nous osons le dire, sans nécessité pour lui-même, sans justification, comme sans prétexte.

Ainsi continua, sur toute l'étendue de la France, la série des proscriptions, des exils et des transportations,

qui, commencées au 19 brumaire et au 14 nivôse, s'étaient poursuivies, sur des proportions infiniment supérieures, en décembre 1851 et en janvier 1852.

Alors se révéla au sein de notre malheureux pays l'existence de toute une classe de suspects. Quiconque avait été républicain et conservait sa foi politique; quiconque avait défendu le droit en 1851; quiconque avait été à cette date funèbre frappé par les vainqueurs; tous ceux qui, renfermés dans leur foyer domestique, attendaient le retour de la liberté; ceux surtout qui, l'année précédente, avaient osé prendre part à la lutte électorale, tous ces suspects purent trembler pour leur fortune et leur liberté. L'heure était venue où, sans motifs, sans explications, sans jugement, en pleine paix, ils allaient être jetés par centaines dans les geôles du pouvoir et de là transportés à Cayenne ou en Afrique.

II

Au moment de l'attentat, on était à la veille de l'ouverture de la session législative. Les chambres, en effet, s'ouvrirent le 18 janvier. A cette occasion, le chef de l'État prononça sa harangue accoutumée. Jamais, peutêtre, il n'avait écrit de sa vie des lignes où respire une semblable colère. Nous avons le devoir, pour donner une idée du ton général de ce discours, d'en citer l'extrait suivant :

« D'ailleurs, il est une vérité écrite à chaque page de l'histoire de la France et de l'Angleterre : c'est qu'une liberté, sans entraves est impossible tant qu'il existe dans un pays une action obstinée à méconnaître les bases fondamentales du gouvernement. Car alors la li

berté, au lieu d'éclairer, de contrôler, d'améliorer, n'est plus dans la main des partis qu'une arme pour renverser.

«

Aussi, comme je n'ai pas accepté le pouvoir de la nation dans le but d'acquérir cette popularité éphémère, prix trompeur de concessions arrachées à la faiblesse, mais afin de mériter un jour l'approbation de la postérité en fondant en France quelque chose de durable, je ne crains pas de vous le déclarer aujourd'hui, le danger, quoi qu'on dise, n'est pas dans les prérogatives excessives du pouvoir, mais plutôt dans l'absence des lois répressives; ainsi, les dernières élections, malgré leur résultat satisfaisant, ont offert en certains lieux un affligeant spectacle. Les partis hostiles en ont profité pour agiter le pays, et on a vu quelques hommes, s'avouant hautement ennemis. dés institutions nationales, tromper les électeurs par de fausses promesses et, après avoir brigué leurs suffrages, les rejeter ensuite avec dédain. Vous ne permettrez pas qu'un tel scandale se renouvelle, et vous obligerez tout éligible à prêter serment à la constitution avant de se porter candidat.

« La pacification des esprits devant être le but constant de nos efforts, vous m'aiderez à rechercher les moyens de réduire au silence les oppositions extrêmes et factieuses.

« En effet, n'est-il pas pénible dans un pays calme, PROSPÈRE, RESPECTÉ en Europe, de voir d'un côté des personnes décrier un gouvernement auquel elles doivent la sécurité dont elles jouissent, tandis que d'autres ne profitent du libre exercice de leurs droits politiques que pour miner les institutions?

J'accueille avec empressement, sans m'inquiéter de leurs antécédents, tous ceux qui reconnaissent la volonté nationale; quant aux provocateurs de troubles et aux organisateurs de complots, qu'ils sachent bien que leur temps est passé!

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