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don, et tous deux plaident cette cause comme pourrait le faire un seigneur russe ou un moine espagnol. Mais ces plaidoyers sont inutiles. La division des propriétés, ce grand scandale des regards anglais, ce phénomène que les voyageurs de cette nation ne peuvent concilier avec la prospérité dont jouit la France, la division des propriétés se fera jour en Angleterre sera-ce par le rapport des lois qui la prohibent et par des ventes légales? Sera-ce par des spoliations cruelles et des lois colorant ces spoliations? je l'ignore. Mais je reste convaincu en 1829 de ce dont j'étais convaincu en 1818, et le germe que j'indiquais à cette dernière époque s'est développé durant cet intervalle plus fortement et plus vite que je n'aurais osé l'augurer.

Амоводе

III. Mox p. 225-233+-5

DU PARLEMENT ANGLAIS SOUS CROMWELL, ET DU TRIBUNAT,
DEPUTS LA CONSTITUTION DE L'AN VIII, JUSQU'A SON ÉPU-

RATION.

Les principaux attentats qui souillèrent la révolution anglaise, notamment la mort de Charles 1or, n'appartiennent point au parlement. Plusieurs de ces attentats furent, au contraire, dirigés contre lui; tous furent commis par l'armée.

Dum pila valent fortes torquere lacerti,

Degenerem patiére togam, regnumque senatus?

LUCAN., Phars.

De même, le Tribunat, jusqu'à son élimination, en 1802, est demeuré étranger aux principales servilités qui se sont déployées sous Napoléon, et qui étonneront nos neveux, comme les servilités de l'empire romain nous étonnent.

Cependant, ni le Parlement sous Cromwell, ni le Tribunat sous Bonaparte, n'échappent à l'espèce de dédain qui attend les assemblées délibératives, lorsqu'elles ne résistent pas assez énergiquement à la tyrannie.

Je veux essayer de rendre compte des circonstances qui ont gêné le Parlement de la Grande-Bretagne et le Tribunat de France, courbés l'un et l'autre sous deux grands génies que grandissait encore une admiration où l'enthousiasme venait à l'appui de la lassitude, et je montrerai que ces deux corporations opprimées ne méritent point l'arrêt sévère que l'histoire paraît disposée à prononcer.

L'usurpateur qui arrive après une révolution faite pour la liberté ou en son nom, a beaucoup plus de moyens de se soutenir que toute autre espèce de despote.

Lorsqu'un gouvernement établi opprime, la nation se divise en deux partis, les opprimés et les oppresseurs; et comme il est de l'essence de l'arbitraire de peser sur tous successivement, bientôt la partie opprimée devient la majorité ou la totalité de la nation, moins quelques hommes.

Lorsqu'un usurpateur renverse un gouvernement établi et se met immédiatement à la place du gou

vernement renversé, la nation ne se trouve encore divisée qu'en deux partis, celui de l'ancien et celui du nouveau gouvernement. Mais lorsqu'après une révolution faite dans l'esprit de la liberté, un usurpateur s'empare de la puissance, il scinde en trois parts la nation : l'une regrette l'ancien gouvernement et s'efforce de le rétablir; l'autre regrette la liberté; la troisième défend l'usurpateur dont elle partage la puissance. Mais comme le parti qui regrette la liberté est celui qui a fait la révolution, et que c'est aussi d'une fraction de celui-ci que s'est formé le parti de l'usurpateur, ce parti se trouve le plus exposé, le plus affaibli, le plus hors d'état d'agir. L'usurpateur se servant de la source de son autorité, des réminiscences et des intérêts de la révolution, subdivise encore ce parti, parce qu'il y a dans les hommes une grande propension à croire aux bonnes intentions de la puissance, et que, quand la conviction n'existe pas, la lâcheté en prend la forme pour paraître moins vile. De la sorte le parti de la liberté se trouve réduit à un très petit nombre d'hommes, qui voient, dans toute tentative en sa faveur, outre un danger personnel, une occasion de triomphe pour les partisans de l'ancien despotisme.

L'usurpateur, de son côté, ne manque pas de représenter, tantôt l'un, tantôt l'autre de ces hommes, comme des agens, des fauteurs de l'ancien gouvernement, et sème entre eux la défiance.

Les amis del'ancien gouvernement, qui aimeraient mieux le despotisme qu'ils regardent comme légi

На

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time, que le despotisme usurpé, aiment mieux encore ce dernier que la liberté, d'abord comme vengeance contre leurs plus anciens ennemis, et secondement comme se rapprochant de ce qu'ils regrettent. Ils secondent donc ce gouvernement, en tant que mettant obstacle aux institutions libres renav renversées par leur idole; s'ils attaquent l'usurpateur, ce n'est que secrètement, lorsqu'ils se croient bien sûrs de leur fait, et toujours d'une manière qui empêche les amis de la liberté de faire cause commune avec eux. Enfin, comme une révolution froisse toujours beaucoup d'intérêts, et qu'inévitablement, après une révolution, le peuple prend en haine les désordres et les déchiremens qu'elle a causés, le parti ami de la liberté se trouve de tous les partis le plus défavorablement placé dans l'opinion publique. Le nouveau gouvernement procure au peuple un repos réel, les partisans de l'ancien lui offrent un repos à venir qui ne serait, à ce qu'ils disent, troublé par personne, et se font pardonner ainsi de menacer la tranquillité qui existe, parce qu'ils en promettent une plus durable; mais les amis de la liberté, que peuvent-ils offrir à cette désastreuse époque? Un bien auquel on ne croit plus, et dont la perspective d'ailleurs ne présente que quelque chose de vague et d'indéfini; et ce bien doit être acheté par des agitations nouvelles, et après les agitations, rien n'est prévu, rien n'est terminé, tout est à faire.

Si l'on veut peser ces considérations, si l'on pense que le parlement sous Cromwell, malgré la source

illégitime de ses pouvoirs, osa plus d'une fois montrer de la résistance, et sut mériter enfin l'honneur dêtre cassé, on sera porté peut-être à juger moins sévèrement cette corporation malheureuse.

De toutes les assemblées qui ont existé depuis la révolution française jusqu'à la Chambre nommée-en 1827, celle qui a le mieux rempli ses devoirs, si l'on calcule les circonstances, a été le Tribunat. Cela semble étrange à dire : je vais le prouver.

Je dois observer d'abord que je ne parle de la conduite du Tribunat que jusqu'à l'époque où vingt de ses membres furent expulsés. A cette époque, le Tribunat cessa d'être un pouvoir politique.

Le Tribunat n'a pas fait de grandes choses; il n'en pouvait, il n'en devait pas faire. La France sortait d'un état de trouble qui avait frappé la nation de lassitude et de terreur; les souvenirs des oppressions révolutionnaires et directoriales étaient empreints dans toutes les âmes; plusieurs journées, en violant le système représentatif, l'avaient dépouillé de tout prestige, et même de toute considération; la guerre extérieure était encore menaçante, et, dans l'intérieur, un pouvoir central, placé d'autant plus favorablement qu'il différait de tout ce qui avait existé, réunissait autour de lui toutes les forces réelles et toutes les espérances.

C'est dans des circonstances pareilles que se rassembla le Tribunat, corporation d'autant plus faible, qu'elle ne tenait plus de la nation la mission de la défendre; et la puissance qui avait imposé à cette

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