LES PERSONNAGES1. ARNOLPHE, autrement M. DE LA SOUCHE. HORACE, amant d'Agnès. ALAIN, paysan, valet d'Arnolphe. GEORGETTE, paysanne, servante d'Arnolphe. CHRYSALDE, ami d'Arnolphe. ENRIQUE, beau-frère de Chrysalde. ORONTE, père d'Horace, et grand ami d'Arnolphe. La scène est dans une place de ville. 1. L'édition de 1734 modifie ainsi cette liste : ACTEURS. ARNOLPHE, OU LA SOUCHE. AGNÉS, fille d'Enrique. HORACE, amant d'Agnés, fils d'Oronte. CHRISALDE, ami d'Arnolphe. ENRIQUE, beau-frère de Chrisalde, et père d'Agnés. UN NOTAIRE. ALAIN, paysan, valet d'Arnolphe. GEORGETTE, paysanne, servante d'Arnolphe. La scène est à Paris, dans une place d'un faubourg. L'édition de 1773 ne diffère de celle de 1734 qu'en ce qu'elle place le Notaire à la fin de la liste. 2. Les éditions anciennes qui accentuent l'e de ce nom (un bon nombre le laissent sans accent, même quand il est imprimé en minuscules) le marquent toutes, jusques et y compris celle de 1734, de l'accent aigu, sauf une seule, l'édition de 1733, qui porte, comme plus tard celle de 1773, Agnès. Dans la pièce, Agnès rime avec après, exprès, auprès, accès, frais; d'ordinaire les quatre premiers de ces mots étaient aussi marqués autrefois de l'accent aigu. 3. L'édition originale a bien ici Chrysalde; mais dans la pi ce même Chrisalde. Voyez ci-dessus, p. 34, note 2. L'ÉCOLE DES FEMMES. COMÉDIE. ACTE I. SCÈNE PREMIÈRE. CHRYSALDE, ARNOLPHE. CHRYSALDE. Vous venez, dites-vous, pour lui donner la main? ARNOLPHE. Oui, je veux terminer la chose dans demain1. CHRYSALDE. Nous sommes ici seuls; et l'on peut, ce me semble, 5 1. Selon Auger, dans demain.... « ne se dit pas. Ne se dit plus, serait peut-être plus juste, car il était bien facile de mettre ici dès demain, et l'on doit supposer que dans demain était usité alors, au moins dans le langage populaire. La préposition garde, dans cette locution, une valeur bien conforme au sens qu'elle a d'ordinaire devant les noms de temps, sens qui est, comme dit Richelet, de marquer « un temps à venir; » ainsi « dans une heure, dans deux jours. Nous lisons dans une lettre de Saint-Simon, du 9 mars 1722 (édition de 1873, tome XIX, p. 326) : « Je partirai la semaine prochaine, pour être dans le 12 avril à Paris. » MOLIÈRE. III II ARNOLPHE. Il est vrai, notre ami. Peut-être que chez Vous CHRYSALDE. Ce sont coups du hasard, dont on n'est point garant, Et bien sot, ce me semble, est le soin qu'on en prend. Mais quand je crains pour vous, c'est cette raillerie Dont cent pauvres maris ont souffert la furie; Car enfin vous savez qu'il n'est grands ni petits Que de votre critique on ait vus garantis; 15 Car vos plus grands plaisirs' sont, partout où vous êtes, De faire cent éclats des intrigues secrètes.... : ARNOLPHE. 20 25 Fort bien est-il au monde une autre ville aussi 1. 30 Que vos plus grands plaisirs. (1663a, 65, 66, 73, 74, 82, 1734.) 2. Que c'est un hommage rendu à son mérite. C'était dans ce sens un peu vague, comme celui de virtù en italien, que l'on employait souvent ce mot. Auger blâme l'impropriété de cette expression: « Quelle femme peut dire à son mari que c'est pour sa vertu qu'on lui fait des présents? » On ne le dirait pas, en effet, maintenant que le mot vertu, en parlant des femmes, a un sens trèsprécis, et ne s'entend ordinairement que d'une sorte de vertu, la chasteté, la fidélité conjugale. Mais, à la cour, et sous l'influence italienne, on avait, au moins au temps de Louis XIII, et depuis sans doute encore, singulièrement restreint et détourné le sens du mot vertu. On peut voir dans A. d'Aubigné (les Aventures du baron de Fæneste, livre Ier, chapitre 11) que a discourir de L'un fait beaucoup de bruit qui ne lui sert de guères; L'autre en toute douceur laisse aller les affaires, Et voyant arriver chez lui le damoiseau, Prend fort honnêtement ses gants et son manteau. Et le plaint, ce galant, des soins qu'il ne perd pas ; CHRYSALDE. 35 40 Oui; mais qui rit d'autrui 45 Doit craindre qu'en revanche on rie aussi de lui. J'entends parler le monde; et des gens se délassent A venir débiter les choses qui se passent; Mais, quoi que l'on divulgue aux endroits où je suis, Jamais on ne m'a vu triompher de ces bruits. J'y suis assez modeste; et, bien qu'aux occurrences Je puisse condamner certaines tolérances, Que mon dessein ne soit de souffrir nullement Ce que d'aucuns maris' souffrent paisiblement, Pourtant je n'ai jamais affecté de le dire; 50 55 la vertu, » voulait dire, pour les courtisans, ou tout au moins pour le Baron, discourir des duels, des bonnes fortunes, des modes nouvelles, et autres choses semblables. 1. Appåt est ici l'orthographe de l'édition de 1773, qui pourtant porte bien appas au vers 185, 2. Pour expliquer ses dépenses, pour les excuser. 3. Voyez ci-après, au vers 82. 4. Ce que quelques maris. (1663a, 65, 66, 73, 74, 82, 1734.) 164 Car enfin il faut craindre un revers de satire, Et l'on ne doit jamais jurer sur de tels cas De ce qu'on pourra faire, ou bien ne faire pas. 60 65 Que quelques bonnes gens diront que c'est dommage. ARNOLPHE. 75 Mon Dieu, notre ami, ne vous tourmentez point: Bien huppé qui pourra m'attraper sur ce point. Je sais les tours rusés et les subtiles trames Dont pour nous en planter savent user les femmes, Et comme on est dupé par leurs dextérités. 1. Auger explique accusés de souffrance par accusés d'avoir une humeur trop souffrante. Il semble bien que cette expression signifie simplement les maris malheureux, ceux à qui l'on impute le malheur d'être trompés. Et le sens du passage le veut ainsi; car Arnolphe, malgré son égoïsme et ses ridicules, est au moins peu disposé à souffrir de telles choses: ce qui lui donne le droit d'être sévère, lui aussi, pour les maris tolérants. Mais il n'a aucune pitié de ceux qui sont réellement trompés, et, à ce titre, il mérite d'être trompé à son tour sans qu'on le plaigne. 2. Bien habile, bien malin. Le Dictionnaire de l'Académie (1694) cite cet exemple : « les plus huppés y sont pris, » et le traduit par « les plus habiles Les éditions de 1665, 66, 73 remplacent huppé par y sont attrapés. » — duppé (sic); celles de 1674, 82, 1734, par rusé : mots qui se trouvent l'un au vers suivant, l'autre trois vers plus bas. |