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Quant à moi, ce n'est pas la mienne d'en tåter;
Et plutôt que subir une telle aventure....

CHRYSALDE.

Mon Dieu! ne jurez point, de peur d'être parjure.
Si le sort l'a réglé, vos soins sont superflus,
Et l'on ne prendra pas votre avis là-dessus.

Moi, je serois cocu1?

ARNOLPHE.

CHRYSALde.

Vous voilà bien malade!

Mille gens le sont bien, sans vous faire bravade,
Qui de mine, de cœur, de biens et de maison,
Ne feroient avec vous nulle comparaison.

ARNOLPHE.

Et moi, je n'en voudrois avec eux faire aucune.
Mais cette raillerie, en un mot, m'importune:
Brisons là, s'il vous plaît.

CHRYSALDE.

Vous êtes en courroux.

Nous en saurons la cause. Adieu. Souvenez-vous,

1310

1315

Quoi que sur ce sujet votre honneur vous inspire, 1320
Que c'est être à demi ce que l'on vient de dire,
Que de vouloir jurer qu'on ne le sera pas.

ARNOLPHE.

Moi, je le jure encore, et je vais de ce pas
Contre cet accident trouver un bon remède 2.

que c'est une «< raillerie,» il semble qu'il faut l'en croire, et ne pas attacher tant d'importance à cette morale résignée qu'il fut bien loin de pratiquer pour son propre compte, Il y a, au chapitre v du livre III de Montaigne, cinq ou six pages qui peuvent avoir fourni quelques arguments à ce plaidoyer ironique de Chrysalde.

1. Moi, je serai cocu? (1773.)

2. Il court heurter à sa porte. (1734.)

SCÈNE IX.

ALAIN, GEORGETTE, ARNOLPHE'.

ARNOLPHE.

Mes amis, c'est ici que j'implore votre aide 2.
Je suis édifié de votre affection;

Mais il faut qu'elle éclate en cette occasion;
Et si vous m'y servez selon ma confiance,
Vous êtes assurés de votre récompense.

1325

1335

L'homme que vous savez (n'en faites point de bruit)
Veut, comme je l'ai su, m'attraper cette nuit,
Dans la chambre d'Agnès entrer par escalade;
Mais il lui faut nous trois dresser une embuscade.
Je veux que vous preniez chacun un bon bàton,
Et quand il sera près du dernier échelon
(Car dans le temps qu'il faut j'ouvrirai la fenêtre),
Que tous deux, à l'envi, vous me chargiez ce traître,
Mais d'un air dont son dos garde le souvenir,
Et qui lui puisse apprendre à n'y plus revenir:
Sans me nommer pourtant en aucune manière,
Ni faire aucun semblant que je serai derrière.
Aurez-vous bien l'esprit de servir mon courroux?

ALAIN.

1340

S'il ne tient qu'à frapper, Monsieur, tout est à nous*: Vous verrez, quand je bats, si j'y vais de main morte.

GEORGETTE.

La mienne, quoique aux yeux elle n'est pas si forte',

1. ARNOLPHE, ALAIN, GEORGETTE. (1666, 73, 74, 82, 1734.)

Mes amis, c'est ainsi que j'implore votre aide. (1665, 66, 73, 74.)
Auriez-vous bien l'esprit. (1663a, 65, 66, 73, 74, 82, 1734.)

S'il ne tient qu'à frapper, mon Dieu! tout est à nous.

2.

3.

4.

5.

(1663a, 63, 65, 66, 73, 74, 82, 97, 1710.) La mienne, quoique aux yeux elle semble moins forte.

(1663a, 65, 66, 73, 74, 82, 1734.)

N'en quitte pas sa part à le bien étriller.

ARNOLPHE.

Rentrez donc; et surtout gardez de babiller'.
Voilà pour le prochain une leçon utile;

2

Et si tous les maris qui sont en cette ville
De leurs femmes ainsi recevoient le galand,
Le nombre des cocus ne seroit pas si grand3.

1. Les vers suivants sont précédés du mot seul dans l'édition de 1734. Qui sont dans cette ville. (1773.)

2.

1350

3. Ces vers semblent une traduction d'un passage de Plaute, qui termine, en guise de conclusion, son Soldat fanfaron (Miles gloriosus):

Si sic aliis machis fiat, minus hic machorum siet;
Magis metuant, minus has res studeant....

«Si l'on en faisait autant à tous les galants, on n'en verrait pas tant ici qu'on en voit; ils auraient un peu plus peur, et un peu moins de goût pour ce métier. >>

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ACTE V.

SCÈNE PREMIÈRE.

ALAIN, GEORGETTE, ARNOLPHE'.

ARNOLPHE.

Traîtres, qu'avez-vous fait par cette violence?

ALAIN.

Nous vous avons rendu, Monsieur, obéissance.

ARNOLPHE.

De cette excuse en vain vous voulez vous armer :
L'ordre étoit de le battre, et non de l'assommer; 1355
Et c'étoit sur le dos, et non pas sur la tête,
Que j'avois commandé qu'on fît choir la tempête.
Ciel! dans quel accident me jette ici le sort!
Et que puis-je résoudre à voir cet homme mort?
Rentrez dans la maison, et gardez de rien dire
De cet ordre innocent que j'ai pu vous prescrire.
Le jour s'en va paroître, et je vais consulter'
Comment dans ce malheur je me dois comporter.
Hélas! que deviendrai-je ? et que dira le père,
Lorsque inopinément il saura cette affaire?

1. ARNOLPHE, ALAIN, Georgette. (1666, 73, 74, 82, 1734.) 2. Ce vers est précédé du mot seul dans l'édition de 1734.

1360

1365

SCÈNE II.

HORACE, ARNOLPHE.

HORACE.

Il faut que j'aille un peu reconnoître qui c'est.

ARNOLPHE.

Eût-on jamais prévu.......... Qui va là, s'il vous plaît 1?

HORACE.

C'est vous, Seigneur Arnolphe?

ARNOLPHE.

Oui. Mais vous ?...

HORACE.

C'est Horace.

Je m'en allois chez vous, vous prier d'une grâce.
Vous sortez bien matin!

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Est-ce un enchantement? est-ce une illusion?

HORACE.

J'étois, à dire vrai, dans une grande peine3,
Et je bénis du Ciel la bonté souveraine
Qui fait qu'à point nommé je vous rencontre ainsi.
Je viens vous avertir que tout a réussi,
Et même beaucoup plus que je n'eusse osé dire,
Et par un incident qui devoit tout détruire.

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Il faut que j'aille un peu reconnoître qui c'est.

ARNOLPHE, se croyant seul.

Eût-on jamais prévu...?

(Heurté par Horace, qu'il ne reconnoît pas.)

Qui va là, s'il vous plaît? (1734.)

2. ARNOLPHE, bas, à part. (1734.)

1375

3. Comme il a été dit dans la Notice (ci-dessus, p. 153), l'édition originale avait ici sauté deux pages, contenant les vers 1372-1437, et qu'on a rempla cées, comme on a pu, par un carton.

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