SCÈNE IX. AGNÈS, ALAIN, GEORGETTE, ORONTE, ENRIQUE, ARNOLPHE, HORACE, CHRYSALDE1. ARNOLPHE, à Agnès. Venez, belle, venez, Qu'on ne sauroit tenir, et qui vous mutinez. 1720 Vous pouvez faire une humble et douce révérence 2. AGNÈS. Me laissez-vous, Horace, emmener de la sorte? HORACE. Je ne sais où j'en suis, tant ma douleur est forte. ARNOLPHE. Allons, causeuse, allons. AGNÈS. 1725 Je veux rester ici. ORONTE. Dites-nous ce que c'est que ce mystère-ci. Nous nous regardons tous, sans le pouvoir comprendre. ARNOLPHE. Avec plus de loisir je pourrai vous l'apprendre. 1. Les noms d'ALAIN et de GEORGETTE sont les derniers de cette liste dans l'édition de 1734. 2. « A peine rassuré, Arnolphe reprend son humeur railleuse, dit AiméMartin: il fait ici allusion aux révérences du balcon (acte II, scène v, vers 485-502). » 3. Les éditions de 1682 et de 1734 font précéder la phrase : « L'événement trompe.... », des mots : à Horace, Vous ne nous parlez point comme il nous faut parler. ARNOLPHE. Je vous ai conseillé, malgré tout son murmure, ORONTE. Oui. Mais pour le conclure, CHRYSALDE. Je m'étonnois aussi de voir son procédé. 1735 Quoi?... ARNOLPHE. CHRYSALDE. D'un hymen secret ma sœur eut une fille, 1740 Dont on cacha le sort à toute la famille. ORONTE. Et qui sous de feints noms, pour ne rien découvrir, CHRYSALDE. Et dans ce temps, le sort, lui déclarant la guerre 1, 1745 I. A cet époux, a est une trans 2. Sa natale terre, au lieu de sa terre natale, dit Auger, position insolite; » peut-être est-il plus juste de dire qu'elle l'est devenue, car Auger ajoute ce renseignement, auquel on peut se fier, que cet hémistiche se trouve plus de dix fois dans Rotrou, entre autres dans la comédie des Captifs, imitée de Plaute, où on lit ce vers (acte V, scène 1) : A me voir éloigné de ma natale terre. » ORONTE. Et d'aller essuyer mille périls divers1 Dans ces lieux séparés de nous par tant de mers. CHRYSALDE. Où ses soins ont gagné ce que dans sa patrie ORONTE. Et de retour en France, il a cherché d'abord CHRYSALDE. Et cette paysanne a dit avec franchise Qu'en vos mains à quatre ans elle l'avoit remise. ORONTE. Et qu'elle l'avoit fait sur votre charité', Par un accablement d'extrême pauvreté. CHRYSALDE. Et lui, plein de transport et l'allégresse en l'âme3, ORONTE. Et vous allez enfin la voir venir ici, Pour rendre aux yeux de tous' ce mystère éclairci. CHRYSALDE. Je devine à peu près quel est votre supplice; 1750 1755 1760 1. Comme nous l'avons dit ci-dessus, p. 219, note 4, des guillemets marquent dans l'édition de 1682 que les vers 1746-1749, et plus loin 1754-1757 se supprimaient à la représentation. 2. Comptant sur votre charité, ou, comme dit Auger, sur votre réputation de charité. 3. 4. Et d'allégresse en l'âme. (1674, 82, 1734.) 5. CHRISALDE, à Arnolphe. (1734.) ARNOLPHE, s'en allant tout transporté, et ne pouvant parler. Oh1! ORONTE. D'où vient qu'il s'enfuit sans rien dire? HORACE. Ah! mon père, 1765 Vous saurez pleinement ce surprenant mystère. Le hasard en ces lieux avoit exécuté Ce que votre sagesse avoit prémédité : J'étois par les doux nœuds d'une ardeur mutuelle2 Et c'est elle, en un mot, que vous venez chercher, 1770 1. Oh! est le texte de toutes les éditions antérieures à celle de 1734, qui, la première, remplace cette interjection par Ouf! Mais il paraît qu'à la scène la substitution s'est faite bien avant; car nous voyons que cette variante, qui termine, il en faut convenir, d'une manière plus expressive qu'oh! le rôle d'Arnolphe, a été raillée dès le dix-septième siècle, comme le fut plus tard le hélas! qui conclut la Bérénice de Racine. Boursault, dans la scène I du Portrait du peintre, représenté pour la première fois en 1663, fait dire à un partisan de Molière, qui recommande de voir la pièce et de ne pas s'en tenir à la simple lecture: Verra-t-on en lisant, fût-on grand philosophe, D'après une tradition de théâtre, qui remonte peut-être au temps de Molière, dit Auger, et qui n'en est pas meilleure pour cela, Alain et Georgette, à la représentation, s'en vont après avoir parodié chacun le ou d'Arnolphe. » Auger blâme cette tradition, parce que c'est ajouter deux syllabes au vers : assez mauvaise raison, ce semble, puisque le vers ici, deux fois coupé, est assez peu sensible à l'oreille de l'auditeur, et qu'on ne s'est jamais fait au théâtre grand scrupule d'introduire ainsi de simples interjections. Cailhava motive sa critique à ce sujet par une raison encore plus inattendue, c'est que ces ouf! ne peuvent que « refroidir le dénouement et troubler la reconnaissance, » Ce qu'il y aurait ici de plus simple à dire, c'est que cette répétition n'ayant pas été indiquée dans le texte, il ne faudrait pas l'y ajouter. L'édition de 1734 fait de ce qui suit la SCÈNE DERNIÈRE, à laquelle elle donne pour personnages: 2. ENRIQUE, ORONte, chrisalde, aGNÉS, HORACE. D'une amour mutuelle. (1673, 74, 82, 1734.) 3. Avec, pour avecque, dans les éditions de 1663 et de 1665. ENRIQUE. Je n'en ai point douté d'abord que je l'ai vue, CHRYSALDE. J'en ferois de bon cœur, mon frère, autant que vous, Et rendre grâce au Ciel qui fait tout pour le mieux. Ses soins officieux. (1674, 82, 1734.) FIN DE L'ÉCOLE DES FEMMES. |