Images de page
PDF
ePub

LES PERSONNAGES'.

URANIE.

ÉLISE.

CLIMÈNE.

GALOPIN, laquais 2.

LE MARQUIS.

DORANTE ou LE CHEVALIER.

LYSIDAS", poëte.

L'édition de 1734

1. Dans les éditions de 1675 A et de 1684 A, la liste des personnages est placée avant l'épitre dédicatoire. remplace le titre : LES PERSONNAGES, par ACTEURS.

2. GALOPIN, laquais, est le dernier de la liste dans l'édition de 1734, qui fait suivre son nom de ces mots : La scène est à Paris, dans la maison d'Uranie.

3. C'est bien ainsi (et non Lycidas, qui, ce semble, vaudrait mieux) que ce nom est imprimé dans l'édition originale; la prononciation du mot était sans doute conforme à l'orthographe : on peut le conclure de la forme Lizidor donnée, par imitation, au nom du poëte dans le Portrait du peintre : voyez ci-après, p. 340, note 5.

LA CRITIQUE

DE

L'ÉCOLE DES FEMMES.

COMÉDIE.

SCÈNE PREMIÈRE'.

URANIE, ÉLISE.

URANIE.

Quoi? Cousine, personne ne t'est venu rendre visite?

Personne du monde.

ÉLISE.

URANIE.

Vraiment, voilà qui m'étonne, que nous ayons été seules l'une et l'autre tout aujourd'hui.

ÉLISE.

Cela m'étonne aussi, car ce n'est guère notre coutume; et votre maison, Dieu merci, est le refuge ordinaire de tous les fainéants de la cour.

URANIE.

L'après-dînée, à dire vrai, m'a semblé fort longue.

1. Avant SCÈNE PREMIÈRE, on a mis, par mégarde, ACTE PREMIER dans les éditions de 1666, 73, 74, 82, 97, et ACTE I dans les éditions de 1710, 18.

2. On dînait généralement vers midi. Boileau dit dans sa III satire (1665, vers 30), en parlant du diner auquel il est invité :

J'y cours midi sonnant, au sortir de la messe.

ÉLISE.

Et moi, je l'ai trouvée fort courte.

URANIE.

C'est que les beaux esprits, Cousine, aiment la solitude.

ÉLISE.

Ah! très-humble servante au bel esprit; vous savez1 que ce n'est pas là que je vise.

URANIE.

Pour moi, j'aime la compagnie, je l'avoue.

ÉLISE.

Je l'aime aussi, mais je l'aime choisie; et la quantité des sottes visites' qu'il vous faut essuyer parmi les autres est cause bien souvent que je prends plaisir d'être seule.

URANIE.

La délicatesse est trop grande, de ne pouvoir souffrir que des gens triés.

ÉLISE.

Et la complaisance est trop générale, de souffrir indifféremment toutes sortes de personnes.

URANIE.

Je goûte ceux qui sont raisonnables, et me divertis des extravagants.

ÉLISE.

Ma foi, les extravagants ne vont guère loin sans vous ennuyer, et la plupart de ces gens-là ne sont plus plaisants dès la seconde visite. Mais à propos d'extravagants, ne voulez-vous pas me défaire de votre marquis incom

de

1. Auger fait remarquer (vers la fin de la scène I, tome III, p. 200, son édition) qu'Uranie tutoie Élise et n'en est pas tutoyée, ce qui suppose une différence d'âge entre les deux cousines, et explique aussi comment, dans toute la discussion qui va suivre, le ton de la première est plus sérieux, celui de la seconde plus vif et plus léger.

2. De sottes visites. (1733, 1773.)

mode? pensez-vous me le laisser toujours sur les bras, et que je puisse durer à ses turlupinades' perpétuelles?

[ocr errors]

1. Turlupinade, de Turlupin, qui alors était le sobriquet d'un acteur célèbre de l'Hôtel de Bourgogne. «Belleville dit Turlupin vint un peu après Gaultier-Garguille, et ils ont longtemps joué ensemble avec la Fleur, dit GrosGuillaume, qui étoit le fariné, Gaultier le vieillard, et Turlupin le fourbe, » (Tallemant des Réaux, tome VII, p. 171, dans l'historiette intitulée Mondory ou l'Histoire des principaux comédiens françois.) - Mais le mot de turlupin était beaucoup plus ancien, et s'était pris dans un sens fort différent. On le trouve, dès le quatorzième siècle, appliqué à une secte d'hérétiques, auxquels on imputait des mœurs fort dissolues, et dont un assez grand nombre furent brûlés vifs (voyez le Glossaire de du Cange, au mot Turlupini, ou Turelupini). On ne connaît pas l'origine de ce nom. Maintenant le mot turlupin, qui se prend au seizième siècle dans le sens de coquin, de gueux, et parfois aussi de misérable, se rattache-t-il au souvenir des turlupins hérétiques, et des misères qu'ils avaient endurées? C'est possible; mais on remarquera que Rabelais écrit tirelupin. Dans son Prologue du 1er livre (tome I, p. 6), il dit d'un de ses critiques : Autant en dit un Tirelupin de mes livres, » et le Duchat, dans sa note 21 sur le Prologue, pense que Rabelais a écrit tirelupin, parce qu'il supposait que ce nom était venu aux hérétiques ainsi appelés de ce qu'ils vivaient, « à la manière des Cyniques, auxquels on les comparoit, de lupins tirés par-ci par-là. » On remarquera toutefois que Rabelais prend ici le mot de tirelupin, non dans le sens d'indigent, ni surtout d'homme à plaindre, mais de coquin. C'est encore probablement en ce sens qu'il a donné ce nom au sommelier de Gargantua, sur lequel il n'y a pas lieu de s'attendrir, comme on va le voir. Frère Jean dit à Pantagruel : « J'ai ouï de plusieurs vénérables docteurs que Tirelupin, sommelier de votre bon père, épargne par chacun an plus de dix-huit cents pipes de vin, par faire les survenans et domestiques boire avant qu'ils ayent soif.» (Pantagruel, livre IV, chapitre LXV, tome II, p. 501 et 502.) Les deux formes tirelupin et turelupin existaient-elles simultanément? Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'on trouve aussi turelupin dans Rabelais, et dans un passage où l'on peut croire qu'il le prenait dans le sens du dix-septième siècle, bouffon, farceur. En énumérant (livre II, chapitre vi) les livres de la bibliothèque de Saint-Victor, livres auxquels il donne les titres les plus grotesques, il en cite un (tome I, p. 245) « composé par Turelupin »; un peu plus loin (p. 250) on trouve l'indication d'un autre livre, « la pelleterie des tyrelupins. » On peut admettre, ce semble, que les deux mots avaient une origine différente et qu'ils finirent par se confondre sous la forme moderne de turlupin, qui a prévalu. Il est probable qu'avant de devenir le nom de théâtre d'Henri Legrand, ou Belleville, le mot n'avait pas de sens bien précis; car, tandis qu'Oudin, dans ses Curiosités françoises (1640), au mot Enfant, donne cet exemple : « Enfant de Turlupin malheureux de nature, un qui n'a point de bonheur, » on trouve le même

• M. Édouard Fournier (Variétés historiques et littéraires, tome VI, p. 51 et suivantes) a reproduit une pièce qui date des premières années du dix-septième siècle : Harangue de Turlupin le Souffreteux

URANIE.

Ce langage est à la mode, et l'on le tourne en plaisanterie à la cour.

ÉLISE.

Tant pis pour ceux qui le font, et qui se tuent tout le jour à parler ce jargon obscur. La belle chose de faire entrer aux conversations du Louvre de vieilles équivoques ramassées parmi les boues des halles et de la place Maubert! La jolie façon de plaisanter pour des courtisans! et qu'un homme montre d'esprit lorsqu'il vient vous dire « Madame, vous êtes dans la place Royale, et tout le monde vous voit de trois lieues de Paris, car chacun vous voit de bon œil, » à cause que Boneuil2 est

[ocr errors]

mot employé pour désigner la seringue d'un apothicaire dans la Nouvelle fabrique des excellents traits de vérité, par Philippe d'Alcripe, sieur de Néri en Verbos, dont du Verdier, Bibliothèque françoise, cite une édition de 1579a: « Quand l'apothicaire vint pour lui appliquer son turlupin. (Page 26 du volume réimprimé pour la collection Jannet, 1853.) Il est probable que le mot, comme les turlupinades elles-mêmes, n'avait pas toujours grand sens pour ceux qui l'employaient. On lui trouvait sans doute une physionomie bizarre et grotesque, et on en abusait. La répétition de ce mot et de celui de turlupinade dans la pièce de Molière, semble prouver qu'il faisait rire le parterre, et il eut en effet un succès singulier, précisément auprès de ceux qu'il désignait, si l'on en croit de Visé. Pourquoi, dit Oriane dans Zélinde (p. 97 et 98), pourquoi font-ils (les marquis) si bonne mine à Élomire, et pourquoi ceux qu'il dépeint mieux l'embrassent-ils lorsqu'ils le rencontrent? — C'est, répond Zélinde, pour ce qu'il leur donne sujet de se rire les uns des autres et de s'appeler entre eux Turlupins, comme ils font à la cour, depuis qu'Elomire a joué sa Critique.

[ocr errors]
[ocr errors]

-

1. Le quartier « le plus bourgeois » de la ville, « qu'on appelle communément la place Maubert, » dit Furetière dans son Roman bourgeois (tome I, p. 7 de l'édition de M. P. Jannet). Elle tire son nom de Jean Aubert, deuxième abbé de Sainte-Geneviève.... Pendant tout le moyen âge, elle a joué le premier rôle comme rendez-vous des écoliers, des bateliers, des oisifs, des tapageurs. De nombreuses émeutes y ont éclaté...... Un marché y était établi de temps immémorial, qui a été transféré en 1819 sur l'emplacement du couvent des Carmes.» (THEOPHILE LAVALLÉE, Histoire de Paris, 2a série, p. 280 de l'édition in-12.)

2. Bonneuil-sur-Marne, dans le canton de Charenton-le-Pont.

a Voyez l'Avant-propos de l'éditeur de la réimpression Jannet.

« PrécédentContinuer »