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agréable, il peut servir d'idée à d'autres choses qui urroient être méditées avec plus de loisir1.

D'abord que la toile fut levée, un des acteurs, comme vous pourriez dire moi, parut sur le théâtre en habit de ville, et s'adressant au Roi, avec le visage d'un homme surpris, fit des excuses en désordre sur ce qu'il se trouvoit là seul, et manquoit de temps et d'acteurs pour donner à Sa Majesté le divertissement qu'elle sembloit attendre. En même temps, au milieu de vingt jets d'eau naturels, s'ouvrit cette coquille que tout le monde a vue, et l'agréable Naïade qui parut dedans' s'avança au bord du théâtre, et d'un air héroïque prononça les vers que M. Pellisson avoit faits, et qui servent de prologue.

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et de même alternativement jusqu'à la fin : en sorte que l'une des deux pièces servait d'intermède à l'autre. Tout est ici à observer: la bizarrerie de ce spectacle intermittent, sa nature, comparée au caractère public des spectateurs, enfin son énorme longueur, qui suppose en eux une prédilection bien patiente pour ces sortes d'amusements. >>

1. Toutes les pièces, dit Auger, que Molière composa pour être représentées d'abord devant le Roi (et elles sont en grand nombre) sont des comédies-ballets. »>

2. Voyez la Notice, p. 16.

3. « M. Pelisson »>, par une l, dans l'édition originale.

PROLOGUE'.

Pour voir en ces beaux lieux le plus grand roi du monde,
Mortels, je viens à vous de ma grotte profonde.

Faut-il en sa faveur que la terre ou que l'eau

Produisent à vos yeux un spectacle nouveau?

Qu'il parle ou qu'il souhaite, il n'est rien d'impossible2: 5
Lui-même n'est-il pas un miracle visible?

Son règne, si fertile en miracles divers 3,
N'en demande-t-il pas à tout cet univers?

Jeune, victorieux, sage, vaillant, auguste,

Aussi doux que sévère 1, aussi puissant que juste,
Régler et ses États et ses propres desirs,

ΙΟ

Joindre aux nobles travaux les plus nobles plaisirs *,

En ses justes projets jamais ne se méprendre,
Agir incessamment, tout voir et tout entendre,
Qui peut cela, peut tout, il n'a qu'à tout oser,

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Le théâtre représente un jardin orné de Termes et de plusieurs jets d'eau.

UNE NAYADE, sortant des eaux dans une coquille.

Pour voir en ces beaux lieux.... (1734.)

Nous avons trouvé à la bibliothèque de l'Institut (fonds Godefroy, carton 218, folio 34) une ancienne copie de ce prologue, sous le titre de « Ouverture de la comédie des Fascheux à Vaux ». En marge, et en regard du titre, on lit « M. Fouquet », écrit d'une autre main que le titre lui-même et les vers. Une troisième main, qui est celle de Denys Godefroy, a tracé ces mots à la fin de la pièce de vers : « Par M. Pelisson Fonta (abréviation de Fontanier, nom de la mère de Pellisson), au mois d'août 1661. » Les variantes que nous donnons en note sans indication d'origine sont celles que nous a fournies la comparaison de cette copie avec notre texte.

2.

Qu'on parle, qu'on souhaite, il n'est rien d'impossible. Une main autre que celle du copiste a écrit deux fois qu'il au-dessus de qu'on, mais sans rien effacer.

3.

Son règne si rempli de miracles divers.

4. Il eût été à souhaiter pour l'auteur même du prologue, le pauvre Pellisson, que Louis XIV eût tout à fait mérité cet éloge, et qu'il eût été à son égard

« aussi doux que sévère. »

5.

Joindre aux nobles travaux les seuls nobles plaisirs.

6.

Qui peut cela peut tout, et n'a qu'à tout oser.

Et le Ciel à ses vœux ne peut rien refuser.
Ces Termes marcheront, et si Louis l'ordonne,
Ces arbres parleront mieux que ceux de Dodone2.
Hôtesses de leurs troncs, moindres divinités,
C'est Louis qui le veut, sortez, Nymphes, sortez.
(Plusieurs Dryades, accompagnées de Faunes et de Satyres,
sortent des arbres et des Termes 3.)

Je vous montre l'exemple, il s'agit de lui plaire :
Quittez pour quelque temps votre forme ordinaire1,
Et paroissons ensemble aux yeux des spectateurs,
Pour ce nouveau théâtre, autant de vrais acteurs.
Vous, soin de ses sujets, sa plus charmante étude,
Héroïque souci, royale inquiétude,

Laissez-le respirer, et souffrez qu'un moment
Son grand cœur s'abandonne au divertissement :
Vous le verrez demain, d'une force nouvelle,
Sous le fardeau pénible où votre voix l'appelle,
Faire obéir les lois", partager les bienfaits,
Par ses propres conseils prévenir nos souhaits,
Maintenir l'univers dans une paix profonde,
Et s'ôter le repos pour le donner au monde 3.
Qu'aujourd'hui tout lui plaise, et semble consentir
A l'unique dessein de le bien divertir.

Fâcheux, retirez-vous, ou s'il faut qu'il vous voie 10,
Que ce soit seulement pour exciter sa joie.

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(La Naiade emmène avec elle, pour la comédie, une partie des gens qu'elle a fait paroître, pendant que le reste se met à danser au son des hautbois, qui se joignent aux violons 1.)

1. Terme, gaîne et buste d'une seule pièce. « Terme, chez les architectes, est une espèce de poteau ou de colonne, ornée par en haut d'une figure ou tête de femme, de satyre, ou autre, qui sert à soutenir des fardeaux dans les bâtiments, ou d'ornement dans les jardins. » (Dictionnaire de Furetière.) 2. Dans l'édition originale, « Dedone. »

3. Et des terres. (1663.) Ce jeu de scène, qui, dans l'édition originale, commence, en marge, à la hauteur du vers 21, est reporté après le vers 24 dans les éditions de 1663, 66, 73, 74, 82, 1734.

4.

Quittez pour un moment votre forme ordinaire.

Vous, soins de ses États, sa plus charmante étude,

6. Assurer l'obéissance due aux lois.

7. Faire obéir ses lois, partager ses bienfaits.

8.

Et perdre le repos pour le donner au monde.

9. Consentir à, au sens latin, être d'accord pour, dans,

10. Fâcheux, retirez-vous, et s'il faut qu'il vous voie.

11. La copie ne donne, dans ce prologue, aucune indication de jeu de scène.

MOLIÈRE. III

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1. LES PERSONNAges. (1666, 73, 74, 75 A, 82.) — L'édition de 1734 range et divise ainsi les personnages:

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2. L'édition originale porte ici CLYMENE; dans la pièce même (acte II, scène IV) CLIMENE.

3. Il faudrait sans doute écrire Charitidès, sorte de patronymique qui, d'après la composition grecque du mot, signifierait « fils des Grâces ». 4. La scène est à Paris. (1734.) – On peut ajouter qu'elle est sur une promenade, quelque place plantée d'arbres et fermée d'une grille et de portes comme la place Royale: voyez ci-dessus, p. 22, note 2, et les vers 177 et 248.

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LES FACHEUX.

COMÉDIE1.

ACTE I.

SCÈNE PREMIÈRE.

ÉRASTE, LA MONTAGNE.

ÉRASTE.

Sous quel astre, bon Dieu, faut-il que je sois né,
Pour être de Fâcheux toujours assassiné!

Il semble que partout le sort me les adresse,
Et j'en vois chaque jour quelque nouvelle espèce;
Mais il n'est rien d'égal au Facheux d'aujourd'hui ;
J'ai cru n'être jamais débarrassé de lui,
Et cent fois j'ai maudit cette innocente envie
Qui m'a pris à dîné de voir la comédie,
Où, pensant m'égayer, j'ai misérablement
Trouvé de mes péchés le rude châtiment.
Il faut que je te fasse un récit de l'affaire,
Car je m'en sens encor tout ému de colère.

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5

ΤΟ

Dans l'édition originale,

1. LES FÂCHEUX, COMÉDIE-BALLET. (1734.) P'orthographe est ici et dans le titre courant: LES FASCHEUX, bien qu'au titre initial du volume le mot soit écrit sans s: LES FACHEUX.

2. Toutes les éditions anciennes écrivent ainsi díné (ou disné). — Sur l'heure de la comédie, voyez ci-après, p. 40, la fin de la note 5 de la page 39.

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