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Je ne puis me réfoudre à finir cette Préface, fans rendre à celui qui a fait la Mufique, la justice qui lui eft dûe, & fans confeffer franchement que ses chants ont fait un des plus grands agrémens de la Piéce. Tous les Connoiffeurs demeurent d'accord que depuis longtemps on n'a point entendu d'airs plus touchans ni plus convenables aux paroles. Quelques perfonnes ont trouvé la Mufique du dernier Choeur un peu longue, quoique très-belle. Mais qu'auroit-on dit de ces jeunes Ifraélites qui avoient tant fait de vœux à Dieu, pour être délivrées de l'horrible péril où elles étoient, fi ce péril étant paffé, elles lui en avoient rendu de médioeres actions de graces? Elles auroient directement péché contre la louable coutume de leur Nation, où l'on ne recevoit de Dieu aucun bienfait fignalé, qu'on ne l'en remerciât fur le champ par de fort fongs Cantiques; témoins ceux de Marie, foeur de Moyfe, de Débora & de Judith & tant d'autres dont l'Ecriture eft pleine. On dit même que les Juifs, encore aujourd'hui, célèbrent par de grandes actions de graces le jour où leurs ancètres furent délivrés par Esther de la cruauté d'Aman.

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PERSONNAGE

DU PROLOGUE.

LA PIÉTÉ.

PROLOGUE.

LA PIÉTÉ.

U fejour bienheureux de la Divinité,
Je defcends dans ce lieu par la grace habité.
L'Innocence s'y plait, ma compagne éternelle,
Et n'a point fous les Cieux d'afle plus fiddle.
Ici, loin du tumulte, aux devoirs les plus fints
Tout un peuple naifant eft formé par mes mains.
Je nourris dans fon caur la femence féconde
Des vertus, dont il doit fanctifier le monde.
Un Roi qui me protège, un Roi victorieux
A commis à mes fo'ns ce dépôt précieux.
C'est lui qui raffembla ces colombes timides,
Éparfes en cent lieux, fans fecours & fans guides.
Pour ellés, à fa porte, élevant ce Palais,

Il leur y fit trouver l'abondance & la paix.

Grand Dieu, que cet ouvrage ait place en ta mémoire! Que tous les foins qu'il prend, pour foutenir ta gloire,

* La Mayon de Saint-Cyr

Soient gravés de ta main au livre où font écrits
Les noms prédestinés des Rois que tu chéris!
Tu m'écoutes. Ma voix ne t'eft point étrangère:
Je fuis la Piété, cette fille fi chère,

Qui t'offre de ce Roi les plus tendres foupirs.
Du feu de ton amour j'allume fes défirs.
Du zèle qui, pour toi, l'enflamme & le dévore,
La chaleur fe répand du Couchant à l'Aurore.
Tu le vois tous les jours devant toi prosterné,
Humilier ce front de fplendeur couronné;
Et, confondant l'orgueil par d'auguftes exemples,
Baiser avec respect le pavé de tes Temples.
De ta gloire animé, lui seul de tant de Rois
S'arme pour ta querelle, & combat pour tes droits
Le perfide intérêt, l'aveugle jaloufie,
S'uniffent contre toi pour l'affreufe héréfie.
La difcorde en fureur frémit de toutes parts.
Tout femble abandonner tes facrés étendarts.
Et l'Enfer couvrant tout de fes vapeurs
funèbres,
Sur les yeux les plus faints a jetté les ténèbres.
Lui feul invariable, & fondé sur la Foi,
Ne cherche, ne regarde, & n'écoute que toi;
Et, bravant du Démon l'impuiffant artifice,
De la Religion foutient tout l'édifice.

lui

Grand Dieu, juge ta caufe, & déploie aujourd'hui
Ce bras, ce même bras, qui combattoit pour
Lorfque, des Nations à fa perte animées,
Le Rhin vit tant de fois difperfer les armées.

Des mêmes ennemis je reconnois l'orgueil.
Ils viennent se briser contre le même écueil.
Déja, rompant par-tout leurs plus fermes barrières,
Du débris de leurs forts il couvre ses frontières.
Tu lui donnes un fils prompt à le feconder,
Qui fait combattre, plaire, obéir, commander;
Un fils, qui, comme lui, fuivi de la victoire,
Semble, à gagner fon cœur, borner toute fa gloire,
Un fils à tous ses vœux avec amour soumis,
L'éternel défespoir de tous ses ennemis:

Pareil à ces Efprits que ta justice envoie,
Quand fon Roi lui dit, pars, il s'élance avec joie,
Du tonnerre vengeur s'en va tout embraser,
Et tranquille à fes pieds revient le dépofer.
Mais, tandis qu'un grand Roi venge ainfi mes injures
Vous qui goûtez ici des délices fi pures,

S'il permet à fon cœur un moment de repos,
A vos jeux innocens appellez ce Héros.
Retracez-lui d'Efther l'hiftoire glorieuse,
Et fur l'impiété la foi victorieufe.

Et vous, qui vous plaifez aux folles paffions,
Qu'allument dans vos cœurs les vaines fictions,
Profanes amateurs des fpectacles frivoles,
Dont l'oreille s'ennuie au son de mes paroles,
Fuyez de mes plaifirs la fainte austérité.
Tout respire ici Dieu, la paix, la vérité.

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