ELISE. N'avez-vous point au Roi confié vos ennuis? ESTHER. Le Roi, jufqu'à ce jour, ignore qui je fuis. ELISE. Mardochée? Hé peut-il approcher de ces lieux ? ESTHER. Son amitié pour moi le rend ingénieux. A rempli ce Palais de filles de Sion, Jeunes & tendres fleurs, par le fort agitées, Et goûter le plaifir de me faire oublier. Mais à tous les Perfans je cache leurs familles. Compagnes autrefois de ma captivité, ESTHER, ELISE, LE CHEU R. UNE ISRAELITE chantant derrière le Théâtre. MA fœur, quelle voix nous appelle ! UNE AUTRE J'en reconnois les agréables fons. C'est la Reine. TOUTES DEUX. Courons, mes fœurs, obéiffons. Allons, rangeons-nous auprès d'elle. TOUT LE CHŒUR entrant fur la scène par plusieurs en troits différens. La Reine nous appelle. Allons, rangeons-nous auprès d'elle. ELISE. Ciel, quel nombreux effain d'innocentes beautés Que Dieu jette fur vous des regards pacifiques! ESTHER. Mes filles, chantez-nous quelqu'un de ces cantiques, Où vos voix, fi fouvent, fe mêlant à mes pleurs, De la trifte Sion célèbrent les malheurs. UNE ISRAELITE fenle chante. Déplorable Sion, qu'as-tu fait de ta gloire? Tout l'Univers admiroit ta fplendeur. Tu n'es plus que pouffière ; &, de cette grandeur, Il ne nous reste plus que la trifte mémoire. Sion, jusques au Ciel élevée autrefois, Jufqu'aux Enfers maintenant abaiffée ! Puiffai-je demeurer fans voix, Si dans mes chants ta douleur retracée, Jufqu'au dernier foupir n'occupe ma pensée. TOUT LE CHŒUR. O rives du Jourdain! O champs aimés des Cieux! Sacrés monts, fertiles vallées, Par cent miracles fignalées, Du doux pays de nos ayeux UNE ISRAELITE feule. Quand verrai-je, ô Sion, relever tes remparts, Tes peuples, en chantant, accourir à tes fêtes? TOUT LE CHU R. O rives du Jourdain ! O champs aimés des Cieux! Sacrés monts, fertiles vallées, Serons-nous toujours exilées? SCENE III. ESTHER, MARDOCHÉE, ELISE, LE CHŒUR. ESTHER. UEL profane en ce lieu s'ofe avancer vers nous ? Que vois-je, Mardochée, ô mon père, est-ce vous ? Un Ange du Seigneur, fous fon aile facrée, A donc conduit vos pas, & caché votre entrée? MARDOCHÉE. O Reine infortunée! O d'un peuple innocent barbare destinée! Nous fommes tous perdus, & c'est fait d'Ifraël. ESTHER. Jufte Ciel, tout mon fang dans mes veines fe glace! MARD OСНЕЕ. On doit de tous les Juifs exterminer la race, Les glaives, les couteaux font déja préparés. Tout doit fervir de proie aux Tigres, aux Vautours; ESTHER. O Dieu, qui vois former des desseins fi funestes, UNE DES PLUS JEUNES ISRAELITES. Laiffez les pleurs Efther, à ces jeunes enfans. ESTHER. Hélas, ignorez-vous quelles févères loix. |