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Il était donc nécessaire de l'étudier avec soin, tant pour la caractériser que pour reconnaître par quels traits elle s'éloigne ou se rapproche des autres substances azotées neutres de l'économie végétale.

La légumine, précipitée par l'acide acétique faible d'une de ses dissolutions concentrées, se présente toujours avec l'aspect nacré et chatoyant : d'une dissolution faible, elle se dépose en flocons.

Elle est insoluble dans l'alcool froid et dans l'éther. L'eau bouillante ne la dissout pas non plus. L'alcool faible et bouillant ne la dissout pas.

L'eau froide en dissout au contraire de grandes quantités. Quand on porte la liqueur à une température voisine de l'ébullition, elle se coagule et laisse précipiter des flocons cohérents qui ressemblent beaucoup à l'albumine coagulée.

Il résulte de là que, si l'on opère sur une dissolution aqueuse renfermant à la fois de la légumine et de l'albumine, et qu'on effectue la coagulation du mélange à chaud, le produit obtenu renfermera tout à la fois l'albumine et la légumine, ce qui, à l'analyse, fournira des résultats intermédiaires entre ceux qui représentent la composition de ces deux substances.

L'acide acétique concentré, mis en contact avec le dépôt nacré, en est absorbé et détermine celui-ci à se gonfler en prenant une demi-transparence. Le produit qui en résulte se dissout complétement dans l'eau bouillante. Par l'évaporation, en obtient une substance d'aspect gommeux, susceptible de se redissoudre dans l'eau, et qui possède la composition de la légumine, comme on le voit par les nombres suivants :

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Quand on ajoute de l'acide acétique faible à une dissolution de légumine, elle se précipite immédiatement. Un excès d'acide redissout le précipité formé, et la liqueur s'éclaircit tout à coup, sans que la légumine ait pris l'aspect gélatineux dont on vient

de parler. En saturant l'acide en excès par l'ammoniaque, on fait reparaître la légumine, qui se précipite de nouveau. Un excès d'ammoniaque la redissout à son tour.

Parmi les acides, il en est un, l'acide chlorhydrique, dont nous devions plus particulièrement étudier l'action. Faible, il précipite la légumine, comme l'acide acétique; concentré, il la dissout, et la dissolution ne tarde pas à prendre cette teinte bleu-violet qui caractérise les substances analogues à l'albumine. Avec la légumine, la teinte est même très-riche et très-pure.

L'acide sulfurique faible précipite également la légumine. Concentré, il la précipite également. Si on broie la légumine sèche avec l'acide sulfurique concentré, elle se dissout lentement, se colore en brun, sans produire de sucre de gélatine; du moins n'en avons-nous pas reconnu la présence.

L'acide azotique faible précipite la légumine comme les précédents; concentré, il dissout la légumine sèche avec dégagement de nitreux.

gaz

L'acide phosphorique à 3 atomes d'eau précipite aussi la légumine, caractère important qui ne permet pas de la confondre avec l'albumine.

La potasse, la soude et l'ammoniaque dissolvent la légumine à froid. A chaud, les deux premiers de ces alcalis la décomposent avec dégagement d'ammoniaque.

La baryte et la chaux, en présence de l'eau, la décomposent également à l'aide de la chaleur de l'ébullition. Il se forme des sels solubles de ces bases; il se dégage de l'ammoniaque. Il y a donc production d'un acide qui sera étudié plus tard.

Parmi les substances qu'il était curieux de faire agir sur la légumine, il en est une, la présure, qui, en raison de son action bien connue sur la caséine, méritait de devenir l'objet d'un examen spécial.

100 centimètres cubes d'une dissolution concentrée de légumine, mis en contact avec dix ou douze gouttes de la présure liquide qu'on vend à Paris pour les fromageries, ont donné, au bout de vingt-quatre heures, une coagulation complète de la légumine qui s'était précipitée au fond du vase sous l'aspect d'une masse gommeuse. Pendant les premières heures du contact, les liqueurs demeurent limpides, ce qui met de côté toute idée JANVIER 1843.

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d'une influence quelconque de la part de l'acide libre de la présure.

La précipitation par la présure était d'ailleurs parfaite, car l'acide acétique, ajouté avec précaution au résidu, n'y a pas produit la moindre apparence de trouble.

Enfin la matière coagulée par la présure consistait bien en légumine, comme le démontre son analyse qui a donné les nombres suivants :

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Toutes les expériences qui précèdent ont été exécutées avec la légumine d'amandes douces, qui nous a paru de toutes la plus facile à obtenir à l'état de pureté.

Elles conduisent à considérer la légumine comme un corps distinct, qui se caractérise à la fois par sa composition et ses propriétés.

Ainsi, tout en admettant que la légumine contient de l'albumine ou de la caséine, nous la regardons comme un composé distinct dans lequel ces corps sont unis à d'autres combinaisons.

Il serait facile de présenter ici diverses formules qui montreraient les rapports présumables entre la caséine et la légumine; mais ce sont là des jeux d'esprit puérils, tant que l'expérience ne leur sert pas de guide et de correctif.

La formule brute qui représente le mieux la composition de la légumine est la suivante :

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Il est certain pour nous que cette formule n'est pas définitive; elle n'a d'autre intérêt que de montrer en quel sens la compòsition de la légumine diffère de celle de la caséiné et de l'albumine.

Nous terminerons l'histoire de ce corps en faisant ressortir une

particularité digne d'être notée, c'est que les semences qui doivent essentiellement leur pouvoir nutritif à la légumine devien→ nent des aliments de meilleur emploi quand elles sont cuites que quand elles sont crues. C'est donc surtout la légumine coagulée qui intervient dans la digestion, et non la légumine soluble.

Les expériences dont nous venons de rendre compte établissent, d'une manière qui nous paraît certaine, que l'albumine possède la même composition dans tous les animaux, et à plus forte raison dans tous les liquides d'un même animal.

L'albumine végétale ne diffère en rien de l'albumine animale sous le rapport de la composition élémentaire, seulement elle n'est point accompagnée de soude libre, comme c'est ordinairement le cas pour l'albumine animale.

La caséine prise dans les mammifères herbivores s'est montrée toujours douée d'une composition semblable et de propriétés à peu près identiques. Dans la femme, qui par ses habitudes de vie se rapproche des mammifères carnivores, le lait fournit une caséine qui, tout en offrant une composition semblable à celle de la caséine des herbivores, possède des propriétés telles, qu'on trouvera peut-être un jour nécessaire d'établir une distinction entre ces corps.

Dans le sang de boeuf il existe une matière qui semble se confondre avec la caséine, tant par la composition que par les propriétés.

La farine des céréales renferme également une substance qu'on est disposé à ranger avec la caséine, et qui en offre du moins la composition élémentaire et les propriétés les plus essentielles.

Du reste, la caséine du lait des herbivores, celle du lait de femme, la caséine du sang et celle de la farine, possèdent exactement la même composition que l'albumine : ce sont certainement deux substances isomériques.

Il n'en est plus de même de la substance remarquable et vraiment distincte qui fait partie de l'émulsion d'amandes, et qui a été signalée par Proust, Boullay et d'autres chimistes, comme identique avec la caséine animale. Cette matière renferme, sans aucun doute, plus d'azote et moins de carbone que la caséine animale et que la véritable caséine végétale, celle des céréales.

Elle se retrouve, avec une semblable composition et les mêmes propriétés, dans l'amande ordinaire, dans celles de la prune, de l'abricot, et probablement la noisette; dans la graine de moutarde blanche, dans les haricots, les pois, les fèves et les lentilles.

Cette substance remarquable se rapproche de la gélatine par sa composition, mais en diffère à tous égards par ses propriétés; elle mérite une attention particulière par son abondance dans les matières alimentaires que nous venons de citer, et par le rôle incontestable qu'elle y joue, et dont il est facile de se for mer une idée en rappelant que cette substance, dissoute dans l'acide chlorhydrique, lui communique exactement les mêmes propriétés que l'albumine. De telle sorte qu'on peut croire que, sous l'influence du suc gastrique, cette matière fournit les mêmes produits solubles que l'albumine elle-même.

Tout porte donc à croire que cette matière consiste en un mélange ou une combinaison d'albumine ou de caséine avec un autre produit; mais comme ce mélange se fait en proportions qui semblent constantes, il ne peut y avoir aucun inconvénient à lui conserver le nom de légumine, qui avait été proposé par M. Braconnot pour désigner la matière extraite des haricots ou des pois.

La légumine constitue donc pour le physiologiste une substance analogue soit à l'albumine, soit à la caséine, mais mélangée ou mieux combinée avec un autre corps plus riche en azote, qui en modifie les propriétés les plus importantes.

Nul doute que le pouvoir nutritif des légumes ne soit en grande partie déterminé par la proportion de légumine qu'ils renferment; mais il serait pourtant prématuré de considérer cette substance comme jouant un rôle positivement pareil à celui de l'albumine ou de la cascine. Une portion des éléments de la légumine se trouve à un état particulier et distinct qui les rend probablement moins propres à servir d'aliment que ceux qui sout réunis de façon à reproduire l'exacte composition de l'albumine et de la caséine.

La fibrine extraite du sang des herbivores nous a toujours offert la mème composition élémentaire. Celle de l'homme et celle du chien se sont montrées quelquefois un peu plus riches en

azote.

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