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instinct secret qui reste de la grandeur de leur première nature, qui leur fait connaître que l bonheur n'est en effet que dans le repos (1). Et de ces deux instincts contraires, il se forme en eux un projet confus qui se cache à leur vue dans le fond de leur âme, qui les porte à tendre au repos par l'agitation, et à se figu gurer toujours que la satisfaction qu'ils n'ont point leur arrivera, si, en surmontant quel ques difficultés qu'ils envisagent, ils peuvent s'ouvrir par là la porte au repos.

Ainsi s'écoule toute la vie. On cherche le repos en combatant quelques obstacles; et, si on les a surmontés, le repos devient insuppor table; car, ou l'on pense aux misères qu'on a ou à celles dont on est menacé. Et, quand' se verrait même assez à l'abri de toutes à l'ennui,de son autorité privée, ne laisse; le de sorti du fond du cœur, où il a depeut naturelles, et de remplir l'esprit de s'ils C'est pourquoi, lorsque Cinéas Pyrrhus, qui se proposait de jov, ennui avec ses amis après avoir conquii'on renpartie du monde, qu'il ferait mis les maue jour, à

(1) Cet instinct secret étant le prea peut-être fondement nécessaire de la société bonté de Dieu, et il est plutôt 'il cherche, bonheur qu'il n'est le ressentim e fasse jouer Je ne sais pas ce que nos premierpas et s'y enle paradis terrestre; mais, si usement seul pensé qu'à soi, l'existence du g hasardee. N'est-il pas absurde languissant et des sens parfaits, c'est-à-direct donc qu'il s'y parfaits, uniquement pour l'même, en s'imail pas plaisant que des tête gagner ce qu'il giner que la paresse est ur

tion un rabaissement de donnât à condition

de ne point jouer, et qu'il se forme un objet de passion qui excite son désir, sa colère, sa crainte, son espérance.

Ainsi les divertissements qui font le bonheur des hommes, ne sont pas seulement bas, ils sont encore faux et trompeurs, c'est-à-dire qu'ils ont pour objet des fantômes et des illusions qui seraient incapables d'occuper l'esprit de l'homme, s'il n'avait perdu le sentiment et le goût du vrai bien, et s'il n'était rempli de bassesse, de vanité, de légèreté, d'orgueil et d'une infinité d'autres vices; et ils ne nous soulagent dans nos misères qu'en nous causant une misère plus réelle et plus effective; car c'est ce qui nous empêche principalement de songer à nous et qui nous fait perdre insensiblement le temps. Sans cela, nous serions dans l'ennui, et cet ennui nous porterait à chercher quelque moyen plus solide d'en sortir. Mais le divertissement nous trompe, nous amuse, et nous fait arriver insensiblement à la mort.

XXX. Les hommes n'ayant pu guérir de la mort, de la misère, de l'ignorance, se sont avisés, pour se rendre heureux, de n'y point penser: c'est tout ce qu'ils ont pu inventer pour se consoler de tant de maux. Mais c'est une consolation bien misérable, puisqu'elle va, non pas à guérir le mal, mais à le cacher simplement pour un peu de temps, et que, en le cachant, elle fait qu'on ne pense pas à le guérir véritablement. Ainsi, par un étrange renversement de la nature de l'homme, il se trouve que l'ennui, qui est son mal le plus sensible, est en quelque sorte son plus grand bien,

arce qu'il peut contribuer plus que toutes choses à lui faire chercher sa véritable guérison, et que le divertissement, qu'il regarde comme son plus grand bien, est en effet son plus grand mal, parce qu'il l'éloigne plus que toutes choses de chercher le remède à ses maux; et l'un et l'autre sont une preuve admirable de la misère et de la corruption de l'homme, et en même temps de sa grandeur, puisque l'homme ne s'ennuie de tout et ne cherche cette multitude d'occupations que parce qu'il a l'idée du bonheur qu'il a perdu, lequel ne trouvant pas en soi, il le cherche inutilement dans les choses extérieures, sans se pouvoir jamais contenter, parce qu'il n'est ni dans nous ni dans les créatures, mais en Dieu seul.

ARTICLE SEPTIÈME

Préjugés justifiés par les principes des articles
précédents.

I. Nous allons montrer que toutes les opinions du peuple sont très saines, que le peuple n'est pas si vain qu'on dit; et ainsi nous détruirons l'opinion qui détruisait celle du peuple (1).

(1) Pascal prouve dans cet article que les préjugés du peuple sor ondes sur des raisons, mais non pas que le peur ait raison de les avoir adoptés. (Note de l'auter de l'Éloge.)

II. Il est vrai, en un sens, de dire que tout le monde est dans l'illusion; car, encore que les opinions du peuple soient saines, elles ne le sont pas dans sa tête, parce qu'il croit que la vérité est où elle n'est pas. La vérité est bien dans leurs opinions, mais non pas au point où ils se figurent.

III. Le plus grand des maux est les guerres civiles. Elles sont sûres si on veut récompenser le mérite; car tous diraient qu'ils méritent. Le mal à craindre d'un sot qui succède par droit de naissance n'est ni si grand ni si sûr.

IV. Pourquoi suit-on la pluralité? Est-ce à cause qu'ils ont plus de raison? Non, mais plus de force. Pourquoi suit-on les anciennes lois et les anciennes opinions? Est-ce qu'elles sont plus saines? Non, mais elles sont uniques, et nous òtent la racine de diversité.

V. L'empire fondé sur l'opinion et l'imagination règne quelque temps, et cet empire est doux et volontaire. Celui de la force règne toujours; aussi l'opinion est comme la reine du monde, mais la force en est le tyran.

VI. La force est la reine du monde, et non pas l'opinion; mais l'opinion est celle qui use de la force.

VII. Que l'on a bien fait de distinguer les hommes par l'extérieur plutôt que par les qualités intérieures! Qui passera de nous deux ? qui cédera la place à l'autre? Le moins habile? Mais je suis aussi habile que lui. Il faudra se battre sur cela. Il a quatre laquais, et je n'en ai qu'un. Cela est visible; il n'y a qu'à compter: c'est à moi à céder, et je suis un sot si je

conteste. Nous voilà en paix par ce moyen, ce qui est le plus grand des biens.

VIII. La coutume de voir les rois accompagnés de gardes, dé tambours, d'officiers, et de toutes les choses qui plient la machine vers le respect et la terreur, fait que leur visage, quand ils sont quelquefois seuls et sans ces accompagnements, impriment dans leurs sujets le respect et la terreur, parce qu'on ne sépare pas dans la pensée leur personne d'avec leur suite, qu'on y voit d'ordinaire jointe. Le monde ne sait pas que cet effet vient d'une force naturelle; et de là viennent ces mots : Le caractère de la Divinité est empreint sur son visage, etc.

La puissance des rois est fondée sur la raison et sur la folie du peuple, et bien plus sur la folie. La plus grande et la plus importante chose du monde a pour fondement la faiblesse, et ce fondement-là est admirablement sûr; car il n'y a rien de plus sûr que cela, que le peuple sera faible; ce qui est fondé sur la seule raison est bien mal fondé comme l'estime de la sagesse.

IX. Nos magistrats ont bien connu ce mystère. Leurs robes rouges, leurs hermines, dont ils s'emmaillottent en chats-fourrés, les palais où ils jugent, les fleurs de lis, tout cet appareil auguste était nécessaire; et, si les médecins n'avaient des soutanes et des mules, et que les docteurs n'eussent des bonnets carrés et des robes trop amples de quatre parties, jamais ils n'auraient dupé le monde, qui ne peut résister à cette montre authentique. Les seuls gens de guerre ne se sont pas dé

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