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des efpeces de coudées auxquelles on a fouvent donné les noms ci-dessus. C'étoient les Phéniciens qui étoient les grands fabricateurs de ces mefures; ils les faifoient de la corne d'un animal appellé orgyie, qui eft de la grandeur d'un boeuf, & que l'on trouve en Libie (Hérod. IV, Cap. CXCII.)

Coudée d'Egypte & de Samos; pied Egyptien, Babylonien, lithique, nautique & géométrique, Gomed. C'étoit la distance du coude au poignet. Cette mefure valoit pied pythique 1 fpithame, orthodôron, 1 lichas, 4 paleftes, 8 condyles, 16 doigts & 10.272 pouces du pied de Roi. C'étoit l'étalon auquel les Anciens rapportoient toutes les autres mesures, & auquel ils avoient affecté en particulier la division en lichas, quatre paleftes, huit condyles & feize doigts, parce qu'elle rendoit ainfi les proportions naturelles du corps humain. Mais il paroît que cette même divifion fut appliquée abusivement dans la fuite à d'autres pieds qui ne pouvoient plus donner ces divifions dans leur grandeur convenable. C'est de cette coudée qu'il s'agit dans Hérodote, lorsqu'il définit l'aroure à cent coudées Egyptiennes en tout fens, & qu'il ajoute que cette coudée Egyptienne eft égale à celle de Samos. C'eft de cette même mefure qu'il s'agit lorfque cet Hiftorien évalue le côté de la base de la grande pyramide à huit pléthres dont chacun étoit compofé de cent pieds ou coudées. C'est à la mesure du pied géométrique que Diodore & Pline nous ont donné celles des obélifques d'Egypte. Ce pied eft les deux tiers de la coudée lithique ou xylopriftique, & la fixcentieme partie du ftade nautique. On croit que ce pourroit bien être le gomed dont il eft fait mention dans le Livre des Juges (III, 16.) Qui (Aod) fecit fibi gladium ancipitem, habentem in medio capulum longitudinis palma manus (gomed), & accinctus eft co fubter fagum in dextero femore.

Les Traducteurs & les Commentateurs conviennent que le gomed étoit la demi-coudée, c'eft apparemment l'ammáh chélceliim, la coudée des vafes ou uftenfiles, ainfi appellée de ce que fa cubature étoit la capacité du métretès hébraïque & égyptien. On lit dans le fecond Livre des Paralipomenes (III, 15) que Salomon fit élever devant les portes du Temple deux colonnes qui avoient trente-cinq coudées de hauteur, ces colonnes d'airain devoient avoir trente-fix pieds géométriques car on voit dans le troisieme Livre des Kois (VII, 15) qu'elles avoient dix

huit coudées de hauteur, ce qu'on remarque encore dans Jérémie (LII, 21.)

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Le pied Romain eft, fuivant Héron, au pied philétérien commes à 6; d'où il fuit qu'il vaut de pieds géométriques pieds pythiques ; de fpithames ; d'orthodôrons i ; de lichas ; de paleftes 4; de condyles 8; de dactyles 17; & de pouces du pied de Roi 11.413 jufte, ou 136.96 lignes. Les Savans jusqu'à ce jour n'ont encore pu s'accorder fur le vrai rapport de ce pied à celui de France.

M. Petit, en prenant un moyen proportionnel entre diverfes mefures, donne au pied Romain onze pouces du pied de Roi. M. Auzout donne onze pouces moins quatre cinquiemes de ligne à un pied gravé fur le tombeau de Statilius au belvédere à Rome; le même Savant donne dix pouces & demi au pied gravé fur le monument de Coffutius, ayant égard au dommage que ce pied paroît avoir fouffert à fon extrêmité. Le pied ébutien a dix pouces & demi, felon M. Picard, ou 10 pouces, felon M. Fabretti.

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Lucas Pætus, fameux Jurifconfulte Romain, qui a composé un Livre fur les mefures anciennes, avoit examiné cinq différens pieds de métal; les trois premiers abfolument égaux entr'eux étoient d'un quatre-vingt-quatrieme plus courts que ceux des monumens de Statilius & Coffutius, qu'il regarde comme égaux; le quatrieme étoit encore un peu plus petit que les précédens; le cinquieme étoit plus grand. Lucas Pætus en fit graver la mefure au Capitole, comme celle du pied Grec, mais ce n'en est pas moins un pied Romain; il a 135,8 lignes par la mesure exacte de M. Picard.

M. Fabretti ayant mefuré trois pieds de fer, déterrés dans des ruines très-anciennes, les trouva plus longs que celui du tombeau de Coffutius. Edouard Bernard, dit M. Fréret, de qui j'emprunte ces obfervations, détermine ce plus à trois milliemes du pied Anglois, ce qui revient à un peu plus de 130,6 lig. du pied de Paris.

M. l'Abbé Barthélemi, de l'Académie des Infcriptions & Belles-Lettres, a pris la mesure conjointement avec le P. Jacquier, d'un pied de bronze antique, très-bien confervé, qu'on garde dans la Bibliothéque du Vatican, & ce pied s'eft trouvé de 130,6 lignes du pied de Roi.

Enfin un pied femblable, divifé en quatre paleftes & en feize

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doigts, contenant 130,6 lignes du pied de Paris, a été trouvé dans les fouilles d'une ancienne Ville fur la petite montagne du Châtelet, entre Joinville & Saint-Dizier en Champagne, par M. Grignon, Correfpondant de l'Académie Royale des BellesLettres & de celle des Sciences, (Gazette de France du Vendr. 18 Mars 1774, art. de Paris.)

Feu M. Caffini, de l'Académie des Sciences, ayant mefuré des diftances de Villes qui avoient été évaluées en milles par les Romains en a conclu le pied Romain de 11 pouces ; mais M. Caffini n'étoit pas affure de l'endroit précis où étoient affifes les pierres milliaires.

On a beaucoup parlé d'un conge d'airain que l'on conferve avec d'autres précieux monumens de l'antiquité, dans le Cabinet de Farnese à Rome, à moins, dit Eifenchmid, que depuis peu d'années il n'ait été transporté à Parme avec la précieuse collection de médailles que contenoit ce Cabinet. Ce vase a été deffiné: on en voit la figure dans le onzieme Tome des Antiquités Romaines de Grævius, dans le Traité fur les poids & mefures par Lucas Pætus, & dans Villalpandus. Ce conge eft décoré d'une pompeufe Infcription que voici :

IMP. CAESARE

VESPAS. VI COS.

T. CAES. AUG. F. IIII.
MENSURE

EXACTE IN
CAPITOLIO
P. X.

On convient généralement que les lettres P. X. fignifient pondo decem, dix livres d'huile qu'il devoit contenir, comme nous le verrons ailleurs. Aujourd'hui ce conge commence à fe reffentir des injures du temps; on y voit des crevaffes dans l'intérieur que Villalpandus, lorfqu'il l'examina, fut obligé de remplir avec de la cire. Il falloit huit conges pour faire une amphore, & Feftus & Fannius nous apprennent que l'amphore étoit la cubature du pied Romain. Le conge du Cabinet de Farnefe, pese en eau de Trévi 109 onces moins 24 grains, poids de marc, felon M. Auzout qui l'a mefuré & pefé; d'où il fuit que l'amphore auroit pefé en eau de Trévi, 54 livres & , poids de marc; & parce

que le pied cubique de France, rempli d'eau de riviere, pese 70 livres & , il s'enfuit que le pied Romain auroit été de 11 414 pouces &, en fuppofant néanmoins la même pefanteur spécifique entre l'eau dont s'eft fervi M. Auzout, & celle qui fert d'élément à ce calcul. Au refte on conclut de ce que dit M. Auzout dans le feptieme Tome, premiere Partie, pag. 325, des Mém. de l'Acad. des Sciences, que l'eau contenue dans le conge de Farnese pesoit en eau de la fontaine de Trévi, 109 onces moins 24 grains, ou 109 onces 3 gros 24 grains : je ne fais d'où vient cette contradiction.

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On conferve dans le Cabinet de la Bibliothèque de fainte Géneviève à Paris, un autre conge antique Romain; le même M. Auzout l'a rempli d'eau de la Seine, & l'ayant pefé, il a trouvé que l'eau contenue dedans, pefoit 113 onces 2 gros 36 grains; fur ce pied l'amphore auroit pefé en eau de la Seine, so livres &, qui s'évaluent à 1390 pouces cubiques &, d'où par l'extraction de la racine cubique, résulte un pied Romain de 11 pouces 2 lignes. Peut-être qu'en examinant de nouveau ce conge, on le trouveroit de jufte mefure; il devroit contenir 185 pouces cubiques & 17, c'est-à-dire, 12 pouces cubiques de plus qu'on ne lui trouve par l'expérience de M. Auzout.

Je ne diffimulerai point qu'ayant adopté pendant quelque temps l'évaluation du pied Romain à 130,6 lignes, j'avois toujours été choqué du peu de conformité que je trouvois entre certaines pratiques des Anciens & les nôtres; par exemple, on féme en France huit, neuf, quelquefois dix boiffeaux de bled dans un arpent de cent perches quarrées de 22 pieds linéaires. Les Romains mettoient dans un jugere au moins quatre modius de femence, ordinairement cinq modius, & au plus fix modius; d'où il fuit qu'à proportion nous n'aurions dû femer par arpent que cinq boiffeaux, fix pour l'ordinaire, & un peu moins de huit au plus. Comme le modius eft le tiers de l'amphore, & qu'en augmentant le pied Romain, le modius croîtra comme le cube du pied, tandis que le jugere ne croîtra que comme le quarré du même pied, il est évident que par cet accroiffement du pied, la quantité de la femence se trouvera augmentée auffi dans la même étendue de terrein: par exemple, en adoptant le pied Romain qui résulte du rapport donné par Héron, je trouverai que les Romains femoient au moins à raison des boiffeaux de bled par arpent de France,

ordinairement 7 boiffeaux, & au plus 8 boiffeaux, mesure de Paris. Cette confidération de la petite quantité de femence que les Anciens paroiffoient employer, en comparaifon de ce que nous en mettons, jointe à l'accroiffement de cette même quantité qui fuivroit nécessairement de l'augmentation du pied, puifque les cubes des mesures linéaires croiffent dans une raifon plus grande que les quarrés, m'avoit déja fait foupçonner quelque défaut dans l'évaluation du pied Romain. Mais un autre motif rend cette rectification indifpenfable.

Car fi la cubature du pied Romain fert à reftituer les mesures de continence, ces mefures nous reftituent de même les poids & les monnoies: par exemple, une amphore de mercure pefoit douze cents livres Romaines, felon Vitruve ; &, felon plufieurs autres Auteurs, une amphore d'huile pefoit quatre-vingts livres. La livre Romaine étoit compofée de quatre-vingt-quatre deniers de ceux qui avaient cours fous les Confuls, ou de quatre-vingtfeize de ceux des Empereurs. Il nous refte de ces deux fortes de deniers assez bien confervés; les deniers Confulaires pesent un peu plus de 74 grains poids de marc de Paris; & les deniers des Empereurs affez précisément 65 grains. Or nous avons vu plus haut un pied contenant 135 lignes, marqué au Capitole par Lucas Pætus, comme la mefure du pied Grec; ce pied approche beaucoup du pied résultant du rapport donné par Héron, , cependant il est encore trop petit pour le pied Romain: car fi on prend la cubature de ce pied, & qu'on la fuppofe remplie d'huile, on n'en déduira le denier confulaire que de 73 grains & , & le denier Impérial de 64.11 grains feulement, on trouveroit encore moins par le poids du mercure. Or comme dans une recherche de cette nature, nous ne pouvons nous flatter d'avoir rencontré la vérité, qu'autant que nous aurons trouvé le moyen de faire accorder parfaitement toutes les autorités de l'antiquité; & parce que cet accord parfait eft la preuve incontestable & démonstrative de la folidité de nos combinaifons & de nos évaluations, on ne peut fe refufer à admettre le rapport du pied Romain au pied Philétérien, donné par Héron, dans toute fa rigueur & fans en rien rabattre; car il eft d'une précision étonnante, leve toutes les difficultés qui avoient paru infurmontables aux Savans, & fait un fyftême géométriquement lié de tous les paffages des anciens Ecriyains, fur la matiere des mefures, des poids & des monnoies.

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