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que

le pied des Architectes & Maçons fut réformé en 1668, de forte la toise actuelle eft plus courte des lignes que celle d'alors. On ignore par qui & comment fut faite cette réforme, & l'on ne fait aucune des circonftances qui durent l'accompagner. M. de la Condamine (Mém. de l'Acad. des Sciences, ann, 1772, II. Part. p. 482.) obferve qu'on fait feulement par tradition , que pour donner au nouvel étalon la véritable longueur qu'il devoit avoir, on fe fervit de la mesure de la largeur de l'arcade ou porte intérieure du grand pavillon qui fert d'entrée au vieux Louvre du côté de la rue Fromenteau. Cette ouverture, fuivant le plan, devoit avoir douze pieds de largeur; on en prêt la moitié pour fixer la longueur de la nouvelle toise, qui fe trouva plus courte de cinq lignes.

Ce nouvel étalon de la toife eft une barre de fer fcellée dans le mur au pied de l'efcalier du grand Châtelet, terminée par deux faillies ou redans en retour d'équerre. Il eft groffiérement conftruit, fes angles font émouffés, les faces intérieures des deux redans, qui doivent comprendre la toife qu'on y préfente, n'ont jamais été polies ni limées d'équerre & parallélement l'une à l'autre; il eft d'ailleurs expofé aux chocs, aux injures de l'air, à la rouille, au contact de toutes les mefures qui y font préfentées, & à la malignité même de tout mal intentionné. De-là on doit inférer qu'il eft peu propre à régler les mesures qui exigent un certain degré de précision; auffi les copies qui en ont été prifes par les Géometres & par les Facteurs d'inftrumens de Mathématiques les plus habiles, ne fe font jamais trouvé rigoureusement égales entr'elles. Pour parer à cet inconvénient, M. de la Condamine (Mém. de l'Acad. ann. 1772, II. Part. p. 482.) propofa à l'Académie, le 29 Juillet 1758, d'adopter pour étalon de la toife celle qui avoit fervi à mesurer la terre au Pérou, & qu'il avoit fait faire égale à celle qui fut employée pour la même opération fous le Cercle Polaire. La toife dont il s'agit eft une regle de fer poli de dix-fept lignes de largeur fur quatre lignes & demie d'épaiffeur. M. Godin, aidé d'un Artiste habile; (le fieur Langlois) avoit mis toute fon attention à ajufter la longueur de cette regle fur celle de la toife étalon qui avoit été fixée en 1668 au pied de l'escalier du grand Châtelet, & en l'ajuftant il avoit obfervé le degré que marquoit le thermometre de M. de Réaumur, c'étoit treize degrés au-deffus de la congélation, qui eft une température moyenne.

La propofition de M. de la Condamine n'eut pas alors de fuccès, par l'oppofition de M. de Mairan qui croyoit plus convenable de préférer celle qui lui avoit fervi à déterminer la longueur du pendule qui fait fes ofcillations dans un feconde, & qui est plus courte d'environ un dixieme de ligne que celle qui a fervi à la mesure de la terre, fuivant la confrontation immédiate qui en a été faite. Mais le 6 Mai 1766, il y eut une Déclaration du Roi, en exécution de laquelle M. Tillet, de l'Académie des Sciences, fit faire environ quatre-vingts toises femblables à celle qui avoit fervi sous l'équateur, qu'on a envoyées, de même que l'aune de Paris & le poids de marc, au Châtelet de Paris & aux Procureurs-Généraux des différens Parlemens: ainfi la toife de M. de la Condamine se trouve multipliée actuellement & ne fauroit plus fe perdre. On l'a envoyée également en Guyanne, en Corfe, à Vienne en Autriche, à Turin, à Florence, & M. Maskelyne y a rapporté la mesure du degré faite dans l'Amérique Angloife. L'original de toutes ces toifes, qui eft celle de M. de la Čondamine, eft déposé au Cabinet de l'Académie des Sciences, & porte le nom de toife de l'Académie; celle de M. de Mairan a été acquise par M. de la Lande, qui, l'ayant confrontée avec la précédente, actuellement adoptée pour étalon, l'a trouvée plus courte d'un douzieme de ligne.

reau,

Aune fervant à Paris à mesurer les étoffes, toiles & Merceries. Il existe une Ordonnance du Roi Henri II, donnée à Saint-Ger main-en-Laye, au mois d'Octobre 1557, & rapportée dans Garrault (Des poids & mefures, fol. 2.) qui déclare que l'aune doit être de trois pieds fept pouces huit lignes de longueur, mesure de Roi. L'étalon où la matrice de l'aune est, comme nous l'avons dit, confiée aux Gardes des Marchands Merciers, dans leur Burue Quinquempoix; c'eft, fuivant que nous l'apprenons de M. de la Hire (Mém. de l'Acad. de 1714, p. 398) & de MM, Hellot & Camus (Mém. de l'Acad. ann. 1746, p. 607.), une groffe regle de fer, qui porte vers les extrêmités deux faillies de même métal, qui y font attachées perpendiculairement, & entre lefquelles on peut appliquer la regle que l'on veut mefurer pour en faire une aune ufuelle. Au dos de cette regle étalon on a gravé en groffes lettres capitales que c'est l'aune des Marchands Merciers & Groffiers, 1554, & elle eft divifée en demis, quarts, huitiemes, feiziemes, tiers, fixiemes, douziemes; mais cette di

vision a été faite fans précifion, & les parties ne tiennent aucune proportion jufte entre elles.

Plufieurs Académiciens, en différens temps, ont pris la mesure exacte de cet étalon pour comparer l'aune à la toife. M. l'Abbé Picard (Anc. Mém. de l'Acad. tom. VI, p. 536) évalue l'aune des Merciers à 3 pieds 7 pouces 10 lignes, ajoutant que celle des Drapiers eft de 3 pieds 7 pouces 9 lignes. Peut-être fait-il cette diftinction d'aune merciere & d'aune drapiere, d'après des mefurages comparatifs faits fur les copies que ces Marchands poffédoient refpectivement pour l'ufage de leur commerce. M. de la Hire nous apprend ( Mém. de l'Acad. ann. 1714, p. 398) qu'il avoit mefuré cet étalon très-exactement, & l'avoit trouvé de 3 pieds 7 pouces lignes. En 1736, M. du Fay, de l'Académie des Sciences, confronta auffi à la toife l'étalon de la rue Quimquempoix, en fe fervant de la toife de l'Académie, & le trouva de 3 pieds 7 pouces 10 lignes &. Enfin MM. Hellot & Camus, (Voyez le Mém. indiqué plus haut) Commiffaires nommés par l'Académie des Sciences, fuivant les ordres de M. de Maurepas, s'étant tranfportés le Jeudi 23 Septembre 1745, audit Bureau, déterminerent également à 3 pieds 7 pouces 10 lignes & la matrice où étalon de l'aune qui leur fut préfentée par les Gardes des Marchands Merciers affemblés pour cet effet.

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Ces deux Académiciens s'étoient fait affifter du fieur Lordel, Ouvrier en inftrumens de Mathématiques, lequel s'étoit muni d'un compas à verge à pointes très-fines, d'une équerre à talon & d'une bande de fer d'une ligne & un quart d'épaiffeur fur fix lignes de large, difpofée à être mife exactement de la longueur de l'étalon du Bureau & d'un pied de Roi, divifé par feu le fieur Butterfields célébre Ouvrier d'inftrumens de Mathématiques, en pouces, lignes & douziemes de lignes par des transverfales, en préfence de MM. Picard & Auzout, fur le nouvel étalon de la toife du Châtelet, rétabli en 1668, Les Commiffaires avant que de procéder au mefurage de l'étalon, commencerent par l'examiner pour voir fi les talons ou faillies de fer qui y font attachés perpendiculairement, n'avoient point été altérés, & dans un espace de près de deux cens ans ufés par le frottement des aunes ufuelles qu'on y avoit apportées pour en fixer la longueur; & ils reconnurent qu'il n'y avoit d'altération, encore même prefque infenfible, qu'à l'extrêmité fupérieure de ces ta

lons, mais que le bas en étoit très-entier. Ayant donc fait ajuster par le fieur Lordel la regle qu'il avoit apportée, de maniere qu'elle entrât entre les extrêmités fupérieures des talons, ils trouverent la longueur de cette regle de 3 pieds 7 pouces 11 lignes &. Après avoir fait diminuer la longueur de la regle pour la faire entrer entre les milieux des faces des talons, ils trouverent fa longueur de 3 pieds 7 pouces 11 lignes jufte.

Enfin la même regle ayant encore été raccourcie pour entrer exactement jusqu'au bas des faces des talons qu'ils jugerent trèsentiers en cet endroit, ils trouverent fa longueur de 3 pieds 7 pouces 10 lignes & de ligne. Comme cette derniere longueur de l'aune a été prife entre les endroits les moins fufceptibles d'altération, ils ne négligerent rien négligerent rien pour l'avoir exactement; ils eurent même l'attention de prendre cette longueur à l'abri des rayons du foleil, & de ne donner aucun degré de chaleur, même avec la main, à l'étalon & à la bande de fer, de crainte qu'il n'en réfultât quelque allongement momentané; ils vérifierent aussi plufieurs fois la longueur de la bande qu'ils étalonnoient, en la pofant à diverfes reprises, de plat & de chan, entre les bas des faces des étalons.

Quoique les Commiffaires ne puffent foupçonner que le pied apporté par le fieur Lordel, & qui portoit le nom de Butterfields, fût faux, ils comparerent dans la fuite la bande de fer qu'ils avoient étalonnée avec la toife, non celle de M. de Mairan, comme ils le crurent alors, mais avec celle de M. de la Condamine, fuivant que cet Académicien en fait la remarque dans fon Mémoire fur la toife (Mém. de l'Acad. ann. 1772, II Part.), & ils trouverent la longueur de cette bande de 3 pieds 7 pouces 10 lignes, comme ils l'avoient jugée en fe fervant du pied de Butterfields; enforte qu'ils crurent pouvoir compter fur les mesures prifes avec ce pied auffi fûrement que s'ils fe fuffent fervi des toifes de l'Académie.

Cette longueur de l'aune de Paris eft également celle de l'aune des Marchans Merciers de Lyon; car une regle de fer que M. Hellot a fait étalonner en fa préfence le 27 Janvier 1745, fur la matrice de l'aune qui eft dans l'Hôtel-de-Ville de Lyon, entre jufte dans l'étalon de l'aune de Paris, fans qu'on y ait pu remarquer la plus petite différence.

L'étalon du Bureau des Marchands Merciers de Paris, quoi,

que ancien de plus de deux cents ans, n'eft fans doute qu'une copie d'un étalon beaucoup plus ancien; & l'Ordonnance de Henri II, qui n'eft poftérieure que de trois ans à la date gravée fur cet étalon, prouve qu'il étoit la vraie mesure de l'aune, quoique vraisemblablement renouvellé; c'eft pourquoi il mérite d'être confervé avec autant de foin que le poids original que l'on garde à la Cour des Monnoies. On auroit pu même le regarder comme le véritable prototype naires; car, puifque d'après la mesure prife fans doute fur cet étametype de nos mefures longitudilon, l'Ordonnance de Henri II, qui n'a été rendue que trois ans après la date qui y eft gravée, a fixé la longueur de l'aune à 3 pieds 7 pouces 8 lignes, ce qui revient à 524 lignes; & que la toise devoit contenir 864 lignes; il s'enfuit que l'aune étoit à la toife comme 524 à 864, ou comme 131 à 216; c'est-à-dire, que l'excédent de l'ancienne toife fur l'aune étoit de 340 lignes. Il auroit donc été facile de rétablir l'étalon de la toife du Châtelet d'après ce principe; mais nous pouvons auffi inférer une autre conféquence de la comparaison qu'on a faite de l'étalon de l'aune avec celui de la toise actuelle; c'eft que le pied de Roi d'aujourd'hui eft à celui qui étoit en ufage fous le regne de Henri II, & avant l'année 1668 comme 3144 à 3161; d'où il fuit que cet ancien pied de Roi contenoit 144 lignes du pied actuel, & prefque & de ligne de plus, & encore que l'ancienne toise ne contenoit pas tout-à-fait cinq lignes de plus que celle d'aujourd'hui, comme l'enseigne M. Picard, mais feulement 4 lignes, & moins de 7 de ligne.

Mefures itinéraires. Il n'y a point en France de mesures itinéraires légales, chaque Province ayant les fiennes propres & particulieres; feulement on a planté depuis peu aux environs de Paris des colonnes milliaires fur les grandes routes, qui les divifent de mille en mille toifes. Cette divifion n'eft guere naturelle ni pour la Géographie, ni pour la commodité des voyageurs. Il auroit été moins difpendieux & infiniment plus utile de diviser les routes par lieues de vingt au degré, dont chacune eft la tache horaire d'un voyageur de pied; mais nous aurons occasion de parler de cela ailleurs : il nous fuffira de remarquer ici que la lieue la plus ordinaire dont on fait ufage en France, eft celle de vingtcinq au degré, qu'on appelle lieue commune.

Mefure de France pour l'arpentage. Par Edit du Roi du mois d'Août 1669, fur le fait des Eaux & Forêts; de la police & con

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