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L'épaiffeur des murs étoit, felon Hérodote, de so coudées Royales; ce font les 50 pieds de Pline. Strabon & Quinte-Curfe ne donnent d'épaiffeur à ces murs que 32 pieds, il faut lire 32 coudées. Hérodote observe qu'on avoit fait conftruire fur les murailles de petites loges ou guérites, les unes vis-à-vis des autres, entre lefquelles on avoit laiffé autant d'efpace qu'il en faut pour faire tourner un char, & apparemment que ces loges occupoient chacune neuf coudées de la largeur du rempart. Et voilà d'où vient que les Auteurs ne font pas d'accord fur la largeur de ces murs. Selon les uns fix chars attelés de quatre chevaux pouvoient y courir de front, & felon d'autres trois chars feulement pouvoient y paffer à côté les uns des autres. Ces murs ayant 50 coudées Royales de largeur avoient 64 pieds de France. Ainfi l'ef pace d'un char tiré par quatre chevaux de front eft eftimé ici de 10% pieds de Roi. Et dans ce calcul je n'ai rien rabattu pour les banquettes qui devoient régner tout le long du mur des deux côtés. Par-là on voit que la largeur des murs donnée par Hérodote ne peut être exagérée. Leur hauteur ne fera pas outrée non plus, fi l'on confidere que ces murs paffoient pour une des fept merveilles du monde, & qu'il exifte encore aujourd'hui une muraille de brique de plus de cinq cents lieues de 25 au degré, de long entre la Chine & la Tartarie; que cette muraille qui fubfifte depuis près de deux mille ans eft fortifiée de tours de diftance en diftance, a de hauteur près de trente pieds de Roi, & eft affez large pour que fix chevaux y marchent de front, ayant de largeur jufqu'à quinze pieds environ.

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Les murailles de Babylone étoient flanquées de 250 tours. Leur hauteur étoit de 60 coudées felon Strabon; & Quinte-Curfe dit que les tours étoient plus hautes de 10 pieds que les murailles. Les tours avoient 60 orgyies de hauteur, & excédoient de 10 orgyies la hauteur des murs; enforte que ces tours avoient 308 pieds de Roi de hauteur, ce qui eft bien moins que la hauteur des clochers de Strasbourg & de Saint-Paul de Londres.

La diftance tout autour de la Ville entre les murs & les édifices, étoit de deux pléthres felon Diodore, ou d'un pléthre feulement felon Quinte-Curfe; 28.534 ou 14.267 toifes de Paris.

La largeur du fleuve dans l'endroit où il est le plus étroit, & où Sémiramis avoit fait conftruire un pont, étoit de cinq ftades felon Diodore. Strabon ne fait cette largeur que d'un ftade, ce qui ne

paroît pas croyable, parce que l'Euphrate est un très-grand fleuve. Le Pont-Royal à Paris a 75 toifes de longueur, & le Pont-Neufen a 150. Un ftade grand n'eft que de 114.1 toifes, cinq flades feroient 570 toifes. 14

La longueur du fleuve dans la Ville n'auroit dû être que de 120 ftades nautiques ou 90 grands ftades s'il avoit coulé en droite ligne, mais il y faifoit plufieurs finuofités, enforte qu'il y parcouroit 160 grands ftades felon Diodore, & les quais qui bordoient le fleuve de part & d'autre étoient prefque auffi larges que les murs de

la Ville.

Le Palais du Roi fitué dans la partie occidentale de la Ville avoit 60 ftades de tour. Un autre Palais fitué de l'autre côté du fleuve & dans la partie orientale de la Ville, avoit 30 ftades de tour felon le même Auteur. Dans l'enceinte de ce dernier Palaisétoit le temple de Bélus qui avoit deux ftades en quarré ou quatre ftades quarrés felon Hérodote, & au milieu étoit une tour à bafe quarrée d'un ftade fur chaque côté. La hauteur de cette tour étoit également d'un ftade nautique ou de 513 pieds de Paris.

Les Jardins fufpendus avoient quatre pléthres en quarré, ou feize aroures de fuperficie felon Diodore & Strabon; ce qui revient à 1.924 arpens ou deux arpens de France moins un dixieme.

Selon Quinte-Curfe toute l'aire de la Ville n'étoit pas bâtie; car outre que les maisons étoient à une certaine diftance des murs, il n'y avoit des édifices que dans l'espace de 90 ftades, & encore les bâtimens ne tenoient point les uns aux autres, ce que l'on avoit fait à caufe du feu. Les habitans labouroient & enfemençoient tout le refte, afin que s'il leur furvenoit un siege, ils puffent fe nourrir de ce qui provenoit de ce fonds.

Il faut donc confidérer ce qu'on appelle l'aire de Babylone comme un grand parc fermé de grands & puiffans murs flanqués de tours dans lequel étoient contenues des terres labourables & une grande Ville. L'aire de la Ville, proprement dite, n'étoit que de 90 ftades, felon Quinte-Curfe. Comment faut-il entendre cet Auteur? Il ne s'agit pas ici de 90 ftades quarrés; cet efpace feroit trop petit. Il ne s'agit pas non plus d'un efpace quarré dont chaque côté auroit été de 90 ftades; car il paroît que la mesure de l'Auteur eft le grand ftade Afiatique, & chaque face

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des murs n'en contenoit que ce nombre. Il est donc question ici d'une enceinte de 90 grands ftades qui valent 4 lieues de 25 au degré. Mais cet efpace étoit-il curviligne, ou avoit-il une autre figure? Si l'enceinte de la Ville étoit curviligne, la forme circulaire donnera la plus grande fuperficie; la Ville aura 644.6 grands ftades quarrés, ou 6247 arpens, & ne fera guere qu'égale à Paris. Toute autre forme curviligne donnera moins. Mais il eft plus probable que le terrein de la Ville étoit rectiligne; alors s'il étoit quarré, tout l'emplacement des édifices avec les rues, n'étoit que de lieue quarré. Si cet emplacement n'étoit point quarré, & qu'il eut toute autre forme rectiligne, il étoit encore moindre. D'où il faut conclurre que le maximum de la grandeur de Babylone, confidérée en tant de plan rectiligne, étoit, felon Quinte-Curfe, d'une lieue quarrée plus, compris le lit du fleuve, les Palais, les rues, &c. ce qui revient à 4907 arpens de France. Nous venons de voir que Paris dans fes remparts n'en occupe que 2343, mais en comprenant fes Fauxbourgs il en occupe 6188; il feroit donc d'environ un tiers plus grand que Babylone.

Si à préfent on fait attention que toute la fuperficie du terrein renfermé dans les murs de Babylone étoit de 78509 arpens, on en conclurra que les terres labourables contenues dans l'enceinte de cette Ville se montoient à 73602 arpens, fur quoi pourtant il. faut défalquer la fuperficie des remparts qui eft d'environ 60 stades nautiques quarrés, ou de 327 arpens; refte donc 73275 arpens que l'on pouvoit labourer. Si ce qu'Hérodote & Strabon difent de la fertilité des terres de la Babylonie eft vrai, un arpent de terre dans ce pays pouvoit produire du bled pour la fubfiftance annuelle de foixante perfonnes, comme nous le ferons voir ailleurs: d'où il fuit que dix mille arpens feulement pouvoient produire. du bled fuffifamment pour la provifion de fix cents mille ames; & c'en est peut-être plus que Babylone n'en contenoit, au moins à en juger par un récit vague d'Hérodote (lib. III, cap. CLIX.). << Lorfque les Babyloniens eurent pris la réfolution de fe révolter » contre Darius, fils d'Hiftafpes, ils firent fortir de leur Ville » toutes les femmes qui avoient eu des enfans, s'en réfervant une » feulement qui favoit faire du pain, & l'on fit assembler toutes » les autres en un endroit où elles furent étranglées, afin qu'elles » ne confommaffent pas les vivres dont ils avoient fait provision.

» Darius s'étant emparé de la Ville par le moyen de Zopire, fit » empaler trois mille hommes des principaux Citoyens; mais il » permit aux autres de demeurer dans la Ville, & voulut qu'ils » priffent des femmes pour en avoir des enfans. Il ordonna donc » aux Peuples voifins d'envoyer à Babylone un certain nombre » de femmes; & enfin on en fit entrer cinquante mille dont les Babyloniens d'aujourd'hui font defcendus. » Il me femble qu'on peut inférer delà qu'il n'y avoit dans Babylone que 53000 hommes adultes; fi donc nous donnons à chaque homme deux femmes, & à chaque femme deux enfans, nous trouverons par ce calcul que la population de Babylone ne devoit pas passer 371000

ames.

Cette fameufe Ville fut prife la premiere fois par Cyrus qui la conferva & l'embellit; s'étant révoltée fous Darius, elle fut prise une feconde fois par ce Prince qui en fit rafer les murailles & abattre les portes. Je ne fais ni quand ni comment fes murs furent rebâtis; mais les Hiftoriens d'Alexandre le Grand parlent de Babylone comme d'une Ville subsistant encore dans toute fa fplendeur.

Selon Strabon (lib. XVI.), la Ville de Ninus ou de Ninive étoit beaucoup plus grande que Babylone. On lit dans le Prophete Jonas que Ninive étoit une grande Ville de trois jours de chemin: Ninive civitas magna itinere trium dierum. Il paroît que l'on entend ici que cette Ville avoit de longueur ou de traversée trois journées de chemin. Ce qui confirme cette opinion est ce qu'on lit encore dans Jonas: Et cœpit Jonas introire in civitatem itinere diei unius, & clamavit, & dixit, &c., & Jonas s'étant avancé d'une journée de chemin dans la Ville, &c. Je crois avoir lu quelque part ailleurs, dans quelque Commentaire de la Bible, que la traversée de cette Ville étoit d'une journée de chemin. Quoi qu'il en foit, cette Ville bâtie par Ninus étoit un parallelogramme ou quarré long. Sa longueur, au rapport de Diodore de Sicile (lib. II.), étoit de 150 ftades, & fa largeur de 90: ce qui fait en tout 480 ftades de circuit. Les murailles avoient 100 pieds de: haut, & trois chariots pouvoient paffer de front fur leur épaiffeur. Elles étoient encore fortifiées de quinze cents tours dont chacune avoit 200 pieds de hauteur. Cette Ville n'auroit pas eu plus de périmetre, & auroit été beaucoup plus petite que Babylone, s'il s'agiffoit içi de ftades nautiques; mais nous avons vu

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que Diodore donnoit les mefures de Babylone en grands ftades Âfiatiques, & l'on doit préfumer qu'il donne les mesures de Ninive exprimées en la même forte de ftades. La longueur de cette Ville étoit donc de 7 lieues qui peuvent faire une journée de chemin ordinaire; fa longueur étoit de 4 lieues; fon circuit de 24 lieues qui peuvent valoir trois journées de chemin, chacune de 8 lieues; & fon aire contenoit 33 lieues quarrées ou 130849 arpens de France. Diodore ainfi que Strabon regardent cette Ville comme la plus grande qui ait jamais été, & je crois qu'ils ont raison. Mais fans doute que la plus grande partie du terrein renfermé dans fes murs confiftoit comme à Babylone en terres labourables. Je penfe d'après cela qu'on peut expliquer Jonas en difant que l'enceinte de Ninive étoit de trois journées de chemin; & onas entrant dans la Ville & employant un jour à la traverser, crioit & difoit: Encore quarante jours & Ninive fera détruite; & c'eft probablement le fens du texte. Philon de Byzance, qui fur le témoignage des plus anciens Hiftoriens, donne 360 ftades à l'enceinte de Babylone, ajoute que c'eft le chemin que peut faire un Voyageur dans une journée entiere. Un Voyageur ordinaire ne peut point faire 18 lieues dans une journée entiere; mais c'eft en confondant le grand ftade Asiatique avec le ftade pythique qui étoit celui du pays de Philon, que cet Ecrivain dit que l'enceinte de Babylone n'étoit que d'une grande journée de chemin. Les 360 ftades pythiques valent 12 lieues, & peuvent être parcourus dans un jour; mais 360 ftades Afiatiques grands valent 18 lieues & deux journées de chemin, chacune de 9 lieues de vingt-cinq au degré.

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Nanquin dans l'enceinte de fes murs a, felon les uns mille toifes de tour, felon d'autres 27 mille; le P. Noel lui donne 80 lis qui valent 23600 toifes: & dans cette mesure on ne comprend point les Fauxbourgs au moins égaux à la Ville. Cette Ville feroit donc au moins auffi grande que l'étoit Babylone; auffi donne-t-on à Nanquin près de trois millions d'habi

tans.

L'enceinte de Rome étoit, felon Pline (lib. III, cap. II.), de 13200 pas Romains qui valent 10 milles François & 462 toifes, d'où il fuit qu'en rectifiant pour la mesure l'étendue du plan de l'ancienne Rome dreffée par les Savans, on trouve que l'aire de cette Ville feroit de 4 milles François & 243 toifes quarrées.

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