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rante jours de navigation. Cette diftance paroît déterminer la pofition de quelques Ifles du golfe du Mexique, ce qui confirme que l'Amérique n'a point été inconnue aux Anciens.

CHAPITRE II I.

Des mesures de fuperficie des Anciens pour l'arpentage

des terres.

'Aroure Pléthre, Verfe, Modios, Arationcule, Mahaméh L'Bethleh chez les Hébreux, drapedán au Puté chez méh

riens & les Chaldéens, est la même mesure de fuperficie : c'étoit un quarré de 10 acenes ou décapodes, ou de so coudées facrées, ou de 100 pieds géométriques en tout fens. L'aroure contenoit 2 focarions quarrés, 100 acenes quarrées, 777 orgyies juftes quarrées, 2500 coudées facrées quarrées, 10000 pieds géométriques quarrés, & 203.5 toifes du Châtelet quarrées. Selon Héron d'Alexandrie, on femoit dans cet espace un modios de bled du poids de quarante litres. Ce modios étoit la moitié de la cubature du pied géométrique, & valoit 11.29 pintes de Paris, dont le boif feau en contient 13, & eft réputé pefer 20 livres poids de marc; mais à raifon de quarante litres le modios, cette mesure peferoit poids de marc 18.228 livres, & le boiffeau de Paris à proportion 21.53 livres, parce que le bled d'Egypte eft meilleur & plus pe fant qu'en France. Ce que j'écris ici par anticipation, fera démontré ailleurs. J'obferve encore qu'à raison d'un modios de semence par modios de terre, il ne faudroit par arpent mesure de France que 5.593 boiffeaux de femence; c'eft que la quantité de femence doit être diminuée à mesure qu'on s'approche plus de l'Equateur, & augmentée à proportion qu'on avance plus vers le Pole; c'eft ce que nous prouverons encore dans la fuite. Venons à l'examen des autorités qui établiffent l'étendue de l'aroure.

Hérodote (lib. II, c. 109 & 168.) dit que Séfoftris avoit distribué douze aroures à chaque foldat des deux corps de troupes qu'il avoit placés fur les deux grands bras ou canaux du Nil; il ajoute que l'aroure étoit de cent coudées Egyptiennes en tout fens, &

enfin que la coudée Egyptienne étoit égale à celle de Samos. Les foldats poffédoient ces terres comme des efpeces de fiefs militaires, libres de toute impofition, & pour leur tenir lieu de folde. Philon (Philo Jud. de plantá Noe.) nous apprend que cet établiffement fubfiftoit encore fous les Empereurs Romains, & que ces terres étoient toujours de douze aroures, qui, fuivant notre calcul, ne vaudroient que 1.817 arpens, c'est-à-dire, moins de deux ar

pens de France.

Mais Suidas n'eft pas d'accord avec Hérodote fur l'étendue de l'aroure felon cet Auteur, elle ne feroit que de cinquante pieds en tout fens; c'eft qu'il faut lire dans Hérodote cent pieds, & dans Suidas cinquante coudées.

Selon Hésychius, le pléthre pour l'arpentage étoit de dix mille pieds quarrés: c'eft le quarré des cent pieds d'Hérodote & des cinquante coudées de Suidas.

Varron (de Re rufticâ, lib. 1, c. X.) après avoir dit qu'il y avoit différentes mefures pour l'arpentage des terres, terres, fuivant les pays, ajoute que dans l'Espagne ultérieure on mefure les terres par jougs, dans la Campanie par verfes, & chez les Latins & les Romains par jugeres ; & que le verfe eft de cent pieds en tout fens.

Les Campaniens étoient une colonie de peuples venus de la côte occidentale de l'Afie mineure, qui probablement apporte rent avec eux les mesures de leur ancienne patrie, enforte que le verfe qui paroît avoir une grande analogie avec le pléthre, pourroit encore bien n'être que la même mesure: en effet ces trois mots, pléthre, aroure & verfe fignifient abfolument la même chofe, & doivent exprimer la même mesure. Aroura vient du verbe grec arfá, je laboure; pléthron, ou, comme difent les Poëtes, pelethron, vient de poleó, qui en latin signifie verto, verfo, aro, & en françois, je retourne la terre ou je laboure, & verfus vient du latin verto; enforte que ce mot verfus n'eft que la traduction littérale du mot grec plethron. On peut obferver encore que le mot pléthron étoit affecté à une mesure linéaire de cent pieds géométriques, comme nous l'avons montré ci-devant en traitant de cette mefure; d'où il fuit tout naturellement que le pléthre confidéré comme mesure d'arpentage, étoit de cent pieds géométriques en tout sens, & par conféquent de dix mille pieds quarrés.

Héron, fous la dénomination de modios, définit le pléthre ou l'aroure un peu différemment. Le focarion de terre labourable

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doit, dit-il, contenir dix orgyies linéaires d'Arpenteur, & le socarion des prés ou pâturages, & des enceintes douze orgyies; en forte qu'avec le focarion ou corde de dix orgyies, le modios de terre a seulement deux cents orgyies quarrées, & qu'avec la corde ou focarion de douze orgyies, il en contient deux cents quatrevingt-huit.

Č'eft avec le focarion ou corde de dix orgyies qu'il faut, dit-il, mesurer les petits efpaces dont le terrein eft égal & uni, & c'est avec le focarion de douze orgyies qu'on arpente dans l'enceinte des Fauxbourgs & des Villages; parce que dans ces fortes de tèrres il fe rencontre des lacunes, des mares, des buiffons, & d'autres mauvais fonds; mais fi vous les mefurez avec le focarion de dix orgyies, il faut retrancher un fur dix, foit du nombre des focarions, foit de celui des modios, pour les raisons alléguées plus haut. L'orgyie d'Arpenteur, dont fe fert ici Héron, n'eft pas l'orgyie de mefure naturelle; elle est plus grande & contient, felon lui, neuf fpithames & un quart, ou bien fix pieds, une fpithame & un quart, ou bien vingt-fept paleftes ou gronthes, & un anticheiron, ou vingt-fix fois έσφιγμένης ούσης τῆς χειρός; ce qui revient à cent onze doigts. Il faudroit que cette orgyie fût de 113.14 doigts, pour que le modios fût parfaitement égal à l'aroure de dix mille pieds quarrés. Le modios de Héron pour les prés, &c. feroit de 282.1 toifes quarrées, & celui des terres labourables de 196.9 toises, par conféquent celui-ci feroit moins grand que l'aroure ou le pléthre de 6 toifes quarrées. Je penfer que cela ne doit pas empêcher que l'on ne prenne ces deux mefures l'une pour l'autre ; d'autant plus que la définition de Héron me paroît faite pour les gens de la campagne, & pourroit n'être pas parfaitement exacte. $135

Ce qu'on vient de dire prouve que les Anciens avoient une mefure de terre appropriée à la mesure folide, qui contenoit la femence néceffaire pour ce terrein ; & que ces deux mefures, celle qui contenoit, la femence, & celle qui comprenoit l'étendue convenable de terrein pour la recevoir, avoient la même dénomination, & s'appelloient l'une & l'autre modios: c'est delà que vient le modius agri dans Virgile; delà vient auffi qu'on lit dans le Lévitique (XXVII.) Juxta menfuram fementis æftimabitur pretium, ft triginta modiis hordei feritur terra, quinquaginta ficlis venumdetur ar genti. Trente modios de terre valent 4.542 arpens de France,

On peut bien fe douter, fans que j'en avertiffe, que je donne les mefures de fuperficie ci-deffus, comme celles de l'Egypte & de toute l'Asie, c'est-à-dire, de la Palestine, de la Syrie & de l'Afie mineure.

Chez les Hébreux, ces mesures nous ont été confervées par les Rabbins dans un ordre admirable. L'efpace de terre néceffaire pour recevoir un log de femence s'appelloit Bethroba, & contenoit 104/ coudées facrées quarrées; l'efpace néceffaire pour recevoit un cab de femence s'appelloit Bethcabum, & contenoit 416 coudées facrées quarrées; l'espace néceffaire pour recevoir un seah, faton ou modios de femence, s'appelloit Bethfeah, & contenoit 2500 coudées facrées quarrées : c'eft l'aroure Egyptienne & Asiatique dont nous venons de parler. L'étendue de terrein requife pour contenir un léthec de femence, s'appelloit Bethlethec, & valoit 37500 coudées quarrées; enfin le terrein requis pour recevoir un coros de froment s'appelloit Bethcoron, & valoit 75000 coudées facrées quarrées. ( Maimon. Tanchum. Barthenor. Jarchius. Alii ad Cilaim c. 2. aliofque titulos corporis Aevrepastar). Voyez Edouard-Bernard (de Menf. & Pond. antiq. lib. I, pag. 54 & 55.).

On voit auffi dans Suidas qu'il y avoit un pléthre de 38 pieds en tout fens: fi on lit 48 au lieu de 38, ce pléthre fera celui de la Grece, contenant 2304 pieds quarrés olympiques, & c'est le femi-modios ou hémiecte de terre des Grecs, c'eft à-dire, l'aire dans laquelle ils femoient un femi-modios de froment, & ce demimodios étoit la douzieme partie du médimne Attique. Si l'on double ce nombre, on aura 4608 pieds olympiques quarrés pour la valeur du modios de terre : fi l'on fextuple ce dernier nombre, on trouvera 27648 pieds quarrés pour la mesure du médimne de terre, c'est-à-dire, du jougeron ou jugere Grec, que Plutarque fait par-tout égal au jugere Romain. Ce grand homme, originaire de Chéronée en Béotie, & que fon mérite éleva aux premieres charges de la République Romaine fous l'empire de Trajan, doit avoir été affez inftruit des rapports entre les mefures Grecques & les Romaines, pour mériter un peu notre confiance. A l'égard de la dénomination de médimine que j'ai donnée à cette étendue de terrein, qu'on ne la croie pas inventée par une pure conjec ture. On a entendu parler des Pentacofiomédimnés qui poffédoient cinq cents médimnes de terre ; des Zeugites qui en poffédoient trois cents; & des Hippades qui en avoient deux cents. On n'a

qu'à

qu'à confulter les loix de Solon. Suivant ce que nous avons dit, l'hémiecte de terre devoit valoir 62.82 toifes quarrées; le modios 125.64; & le médimne ou jugere 753.9. Je suis fàché que les Ecrivains ne me fourniffent pas d'autres connoiffances fur ces mefures de la Grece. Le médimne fe retrouve à Bolzano, Marmande, Montpellier, dans la basse Navarre, & peut-être à Marfeille.

Ces mefures de fuperficie de la Grece devoient auffi être celles de la Sicile, & nommément le médimne de terre doit être le jugere dont Cicéron parle dans fes Difcours contre Verrès.

Nous avons donné, en parlant du pied Grec, la définition d'un jugere en usage dans la Cyrénaïque. Ce jugere étoit composé d'autant de pieds Grecs olympiques que le jugere Romain contenoit de pieds Romains, favoir 28800, comme nous allons le voir tout-à-l'heure ; par conféquent le jugere de la Cyrénaïque vaudra 785.3 toises quarrées. Paffons aux mesures géodéfiques des Romains.

Le pied qui eft compofé de feize doigts, dit Columelle (lib. » V, cap. I.), fert à mefurer toutes fortes d'étendues, comme le » pas, l'acte, la clime, le jugere, le ftade, la centurie. Le pas eft compofé de cinq pieds. L'acte petit, conformément à ce qu'on » lit dans Varron, eft une fuperficie de quatre pieds de largeur fur >> cent vingt de longueur. La clime a foixante pieds en tout fens. » L'acte quarré eft une aire quarrée, dont le côté eft de cent vingt » pieds; le double de cette mefure forme le jugere; & c'est de » ces deux actes ainfi joints ensemble que vient le mot de jugere. » Les habitans de la Bétique appellent l'acte quarré agna; ils afpellent auffi porca une fuperficie de trente pieds de largeur fur >>cent quatre-vingts de longueur. A l'égard des Gaulois, appel» lent candete un efpace de cent pieds dans les Villes; mais dans » la campagne ils appellent candete un efpace de cent cinquante » pieds, & c'est ce que les Laboureurs appellent cadete: ils appel» fent auffi le demi-jugere arepenne ».

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J'obferverai que cet endroit eft fort obscur on lit ainfi dans l'Edition de Robert Etienne : At Galli candetum appellant in areis urbanis fpatium centum pedum, in agreftibus autem pedum CL. quod aratores cadetum nominant: femi-jugerum quoque arepennem vocant; ce qui préfente deux fens différens: car on peut entendre que les Gaulois appelloient candete & les gens de la campagne cadete, un

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