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mesure des terres dans le Beaujolois & le Lyonnois. Le jugere est celle de Benauge, Bologne, Cadillac, Calenberg, Clermont en Beauvaisis, Legnano, Nantes, la baffe Navarre; c'est le pezzo de Rome. L'hérédie Romaine eft la mesure actuelle de Padoue du Languedoc & de Livourne.

CHAPITRE IV.

Des mefures de capacité de l'antiquité pour les liqueurs & les grains.

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Hez les Anciens, les étalons des mefures & des poids étoient confervés avec grand foin dans les Temples, & confacrés la Religion. Nous lifons dans les Paralipomenes (lib. I, cap. XXIII, 29.) que la confervation des mefures fiducielles étoit confiée à la famille d'Aaron: Sacerdotes autem, fuper panes propofitionis, & ad fimilæ facrificium, & ad lugana azyma, & fartaginem & ad torrendum, & fuper omne pondus atque menfuram; & c'est même delà que vient cette maniere de parler, au poids du fanctuaire, expreffion qui fignifie littéralement un poids ou une mefure rigoureusement exacte. La coutume de conferver les étalons des mefures & des poids n'étoit point particuliere aux Hébreux; les Egyptiens, au rapport de S. Clément d'Alexandrie, avoient dans le Collége de leurs Prêtres un Officier dont la fonction étoit de reconnoître toutes les mefures, & d'en conferver les originaux. Chez les Romains, l'étalon des mefures légales étoit dépofé dans le temple de Jupiter fur le mont Tarpéien. Juftinien (dans fa Novelle CXXVIII, cap. XV.) ordonna qu'on garderoit les poids & les mesures dans les Eglifes des Chrétiens; & chez nous il eft ordinaire de les garder dans les Hôtels-de-Ville, dans ceux des Monnoies, dans les Académies, &c. L'altération des poids & mefures étant préjudiciable au bien de la fociété, & contraire au bon ordre dans un Etat les fages Magiftrats ont été perfuadés dans tous les temps qu'il étoit dé leur devoir d'en conferver foigneufement les prototypes.

Le même génie & le même efprit de combinaifon qui parmi les Anciens avoit fu fixer pour la poftérité, & rendre inaltérable dans la fuite des fiecles la jufte grandeur des mesures linéaires,

en leur imprimant en quelque forte le fceau de la nature qui est toujours la même, s'étoient étendus fur les mefures de capacité. Nous allons détacher celles-ci des premieres, auxquelles l'induftrie de nos peres les avoit enchaînées fi puiffamment, que les unes ne pouvoient exifter fans rendre l'existence aux autres. La cubature du pied pythique va nous reftituer la capacité de l'amphoreus ou métrétès pythique, qui étoit la moitié du métrétès Attique. La cubature du pied géométrique nous rendra la capacité du métrétès ou bathim des Hébreux & des Egyptiens, & même le modios ou aporryma de Saïs. Nous allons retrouver dans la cubature du pied Romain la continence de l'amphore, quadrantal ou métrétès Romain. Le métrétès Attique, égal à une amphore Romaine plus un huitieme, recevra fon antique existence de la cubature du pied Grec olympique. La cubature du pied philétérien fera la capacité du métrétès de Ptolémée ; & enfin la cubature de la coudée lithique ou coudée Royale de Babylone fera la capacité du métrétès d'Antiochus.

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Mais avant que d'entrer en matiere, ne feroit-il à propos d'expofer ici les valeurs & les rapports des mesures de capacité de Paris, auxquelles nous nous propofons de réduire celles des Anciens ? Pour les liqueurs, le muid contient deux feuillettes, quatre quartaux, huit métrétès ou pied de Roi cubiques, trente-fix verges, veltes ou fetiers, cent quarante-quatre pots, deux cents quatre-vingt-huit pintes, cinq cents foixante - feize chopines. La quarte ou le pot contient deux pintes, quatre chopines ou petits fetiers, huit demi-fetiers, feize poffons ou poiffons, trente-deux demi-poffons, foixante-quatre roquilles, & quatre-vingt-feize pouçes cubiques du pied de Roi. Pour les grains, le muid ou tonneau contient douze fetiers, vingt-quatre mines, quarante-huit minots, cent quarante-quatre boiffeaux, dix-neuf cents vingt pintes de 48 litrons, pouces cubiques chacune, & deux mille trois cents quatre L'avoine, le fel, le charbon de bois, le charbon de terre, & le plâtre fe vendent & s'achetent à des mesures dont le numéraire eft un peu différent, quoique le boiffeau ordinaire en foit toujours la bafe. J'en parlerai ailleurs; nous n'en avons pas besoin ici.

Dans l'examen que nous allons faire des vafes anciens, nous croyons devoir commencer par ceux des Romains, dont nous nous fervirons enfuite pour évaluer les vafes des autres peuples. Nous apprenons de Fannius, ancien Grammairien, qui vivoit

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au temps des Empereurs Claude & Néron, du moins autant qu'on peut en juger par ce que Pline dit de lui (lib. XIV, cap. IV.), que l'amphore étoit la cubature du pied Romain. Cet Ecrivain, après avoir traité des poids, s'exprime ainsi :

Hæc de ponderibus. Supereft pars altera nobis,
Humida metiri, feu frugum femina mavis,
Cujus principio nobis pandetur origo.

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Pes longo fpatio atque alto, latoque notetur
Angulus ut par fit, quem claudit linea triplex,
Quatuor & quadris medium cingatur inane,
Amphora fit cubus; quam ne violare liceret,
Sacraverè Jovi Tarpeio in monte Quirites.

Feftus, au mot quadrantal, dit la même chose : Quadrantal vocabant antiqui, quam ex Græco dμpopev dicunt, quod vas pedis quadrati, octo & quadraginta capit fextarios.

Il ne reste donc qu'à prendre la cubature du pied Romain que nous avons évalué dans le premier Chapitre, & à la réduire en pintes à raison de quarante-huit pouces pour une pinte de Paris, & nous trouverons que l'amphore Romaine contenoit 30.98 pintes de Paris. Nous aurons facilement la continence des autres vases Romains, lorfque nous connoîtrons leur rapport à l'amphore. En voici l'énumération.

Les vafes pour les liqueurs étoient le culéus, l'amphore, l'urne, le conge, le fetier, l'hémine, le quartarius, l'acétabule, le cyathe, & la ligule.

Les mefures pour les grains & les autres denrées féches, étoient le modius, le femi-modius, le fetier, l'hémine, &c.

Le culéus, l'amphore, l'urne, le conge & le quartarius ne furent en ufage que pour les liqueurs; le modius & le demi-modius ne fervirent que pour mefurer les grains & les marchandifes féches; mais le fetier, l'hémine, l'acétabule, le cyathe & la ligule fervirent également à mesurer les liqueurs, les grains & les fruits.

Le culéus contenoit quarante urnes, comme il paroît par un endroit de Columelle (de Re ruft. lib. III, cap. III.), où il dit qu'un jugere de vigne produit au moins un culéus de vin, & que fur ce pied fept jugeres rendent au propriétaire deux mille cent fefterà raifon de trois cents fefterces pour quarante urnes: Quippe

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ut deterrimi generis fint vineæ, tametfi cultæ fingulos utique culleos vini fingula earum jugera peræquabunt: utque trecentis numis quadragenæ urna veneant, quod minimum pretium eft annona, confumant tamen feptem cullei feftertia duo millia & centum numos. Mais le culéus contenoit également vingt amphores, comme nous le voyons par ce paffage (lib. XIV, cap. IV.): Quum & poftea fæpenumero feptenos culeos fingula jugera, hoc eft, amphoras centenas quadragenas mufli dedere. De ce que le culéus contenoit vingt amphores ou quarante urnes, il fuit que l'urne étoit la moitié de l'amphore. Nous pourrions alléguer ici un plus grand nombre d'autorités pour prouver que le culéus, l'amphore & l'urne font entr'eux comme 40, 2 & ; mais pour abréger, nous nous contenterons de donner tous les rapports des mefures creufes Romaines, recueillis par Volufius Métianus, célebre Jurifconfulte, qui vivoit fous les Antonins. « Le quadrantal, dit cet Auteur, que la plupart appellent » aujourd'hui amphore, contient deux urnes, trois modius, fix >> demi-modius, huit conges, quarante-huit fetiers, quatre-vingt» feize hémines, cent quatre-vingt-douze quartarius, cinq cents » foixante-feize cyathes»: Quadrantal quod nunc plerique amphoram vocant, habet urnas duas, modios tres, femi-modios fex, congios octo, fextarios quadraginta-octo, heminas nonaginta-fex, quartarios. centum nonaginta-duos, cyathos quingentos feptuaginta-fex.

A l'égard de l'acétabule ou vinaigrier, & de la ligule, Pline (lib. XXI, cap. ult.) nous fait connoître le premier de ces vafes, en difant qu'il est le quart de l'hémine : Cùm acetabuli mensura dicitur, fignificat hemina quartam partem.

La ligule étoit la cuiller chez les Romains. Les Auteurs qui ont traité des mefures, la font avec raifon le quart du cyathe, c'eft fans doute en se fondant fur un paffage de Columelle (lib. XII, cap. XXI.), que je rapporterai dans la fuite.

Martial (in Pofthumianum) parle de la ligule en cette maniere: Octavus ligulam mifit fextante minorem,

Nonus aculeolos in cochleare tulit.

La ligule a pris fon nom du mot liga ou du mot lingua, d'où vient qu'on l'a appellée auffi lingula; mais Martial blâme cette derniere appellation:

Quamvis me ligu'am dicant equitefque patrefque,

Dicor ab indoctis lingula grammaticis.

Le même Auteur montre l'ufage du cochlearion ou ligule dans les vers fuivans:

Sum cochleis habilis, fed non minus utilis ovis :

Numquid fcis potiùs cur cochleare vocer?

Le culléus ou culéus valant vingt amphores, revenoit à environ 620 pintes mesure de Paris. Le nom de ce vafe eft un mot grec, qui fignifie un fac. Il a été pris auffi fous cette acception par les Romains. Il fignifie encore le fupplice des parricides, qui confiftoit à renfermer le criminel dans un fac bien coufu, avec un chien, un coq, une vipere & un finge, & à le jetter en cet état dans la riviere. Cependant il ne faut pas s'imaginer que pour cela le culéus à mettre du vin fût une outre de cuir, c'étoit un vafe de terre cuite, de même que l'amphore, l'urne, &c.

L'amphore s'appelloit ainfi, parce que c'étoit un vafe à deux anfes; & dans les temps les plus reculés on lui donnoit le nom de quadrantal, à cause qu'elle étoit la cubature du pied Romain.

L'urne, moitié de l'amphore, contenoit 15 pintes mesure de Paris.

Le conge, quatrieme partie de l'urne, contenoit 3 pintes. Ce mot eft pris du grec chous, qui dérive de cheo, je verfe; c'eft auffi de ce verbe cheo & de pino, je bois, que vient le mot chopine, mesure de Paris pour mettre du vin, ainfi appellée, dit-on, de ce qu'on peut la vuider fans reprendre haleine : le mot pințe peut auffi venir de pino, comme le mot pot peut venir de poto, potare. C'eft du conge que quelques fameux buveurs de l'antiquité ont reçu les furnoms de Bicongius & de Tricongius. Pline raconte (lib. XIV, cap. XXII.) que Novellius Torquatus buvoit de fuite & fans reprendre haleine trois conges de vin, qui valent plus de onze pintes & demie de Paris, & que ce fut ce qui fit changer fon nom de Torquatus en celui de Tricongius. Selon le même Auteur, le fils du célebre Cicéron étoit si fort adonné aux excès du vin, qu'il vuidoit jufqu'à deux conges tout de fuite, ce qui revient à près de huit pintes. Ce que dit Plaute feroit encore bien plus merveilleux, s'il n'étoit pas hyperbolique :

Anus hac quantillum fitit ? modica eft,

Quadrantal capit.

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