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Nous avons déja parlé de la taille énorme de l'Empereur Maximin, auquel on attribue huit pieds & demi Romains de hauteur; il étoit gros & fort à proportion on le comparoit pour la force à Milon le Crotoniate, à Hercule & à Antée; comme eux auffi il étoit grand buveur & grand mangeur. Selon Capitolin, il lui arriva fouvent de boire dans un jour une amphore de vin mefure du Capitole, qui vaut 31 pintes, & de manger quarante livres de viande, qui en valent 27 du poids de Paris. La voracité de Milon de Crotone étoit à peine rassasiée de vingt mines de viande, d'autant de pain, & de trois chous de vin; mais le chous ou conge dont il s'agit ici eft celui des Grecs, moins grand que celui de Rome, comme nous le verrons bientôt. Si nous voulons oppofer la frugalité à l'intempérance, nous en aurons un exemple dans la perfonne d'Augufte. Ce Prince, au rapport de Suétone, lorsqu'il vouloit fe régaler & boire plus qu'il n'avoit ordinaire, ne buvoit jamais au delà d'un fetier de vin, qui fait moins d'une chopine & un tiers, ou s'il excédoit cette mesure, il en étoit incommodé.

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Le fetier Romain étoit ainfi appellé, parce qu'il étoit la fixieme partie du conge; mais à caufe qu'il contenoit douze cyathes, on lui donnoit quelquefois le nom d'as. Chaque cyathe alors prenoit le nom d'once; enforte que le fetier revenant à une chopine & un peu plus d'un quart, l'once vaut roquille; le fextans i demi-poffon; le quadrans poffon; le triens posson; le quincunx 2 poffons; le femis un demi-fetier de Paris & un peu plus d'un quart; le feptunx demi-fetier; le bes 1 demi-fetier; le dodrans de chopine; le dextans chopine; le deunx 4 chopines; & enfin l'as, une chopine & un peu plus d'un quart.

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On trouve dans les Poëtes la plupart de ces fous-divisions du fetier. En voici des exemples. Le fextans dans Martial :

Sextantes, Callifte, duos infunde Salerni.

Le quadrans dans le même Poëte:

Quadrantem duplica de feniore cado.

Le triens dans Properce:

Cùm fuerit multis, exacta trientibus hora:

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Le quincunx & le bes dans Martial :

Quincunces & fex ciathos beffemque bibamus,

Cujus ut fiat, Julius & Proculus.

Le fextans & le deunx dans le même:

Poto ego fextantes, tu potas, Cinna, deunces,
Et quareris, quod non, Cinna, bibamus idem.
Le bes encore dans Martial (in Poftum.):

Beffalem ad fcutulam fexto pervenimus anno.

Le femis, fous les noms de felibra & de cotula, dans le même:
Poft hunc in cotulá rafa Jelibra data eft.

Tous ces exemples femblent prouver que le cyathe ou l'once
'du fetier étoit le verre ou la taffe fervant à boire chez les Ro-
la continence en étoit déterminée à la douzieme
mains, & que
partie du fetier. C'étoit encore un ufage chez cet ancien peuple,
dans les repas où régnoit la gaieté, de s'inviter à boire autant de
coups qu'il y avoit de lettres dans le nom de fa maîtreffe, de fon
ami ou de fon patron; ce qu'on remarque dans Martial ( Epigr.
lib. 71):

Navia fex cyathis, feptem Juftina bibatur,

Quinque Lycas, Lyde quatuor, ida tribus;

Omnis ab infufo numereur amica Falerno, &c.

On en a encore un exemple (Epigr. IX, 93.):

Addere quid ceffas, puer,

immortale Falernum

Quadrantem duplica de feniore cado.

Nunc mihi dic, quis erit, cui te, Calociffe, deorum
Sex jubeo ciathos fundere? Caefar erit.

L'hémine étoit la moitié du fetier, & fe divifoit, ainsi que ce
'dernier vafe, en douze onces. C'étoit, dit Galien (lib. III. de
Compof. medicam. fec. gen.), une mefure cylindrique de corne tranf-
parente, fervant à mefurer l'huile, divifée par des lignes circulaires
en douze parties égales qu'on appelloit onces, mais dont les douze
''}' παρ' ἀντοῖς
onces ne faifoient que dix onces poids: ) de Tap aνтõis (PW-
μαίοις) μέτρον, ᾧ τὸ ἔλαιον μετρόνσιν. έντετνημένον γράμμαις διαιρούσαις

τὸ σύμπαν εις μέρη δώδεκα. και καλεῖται τὸ ὅλον μέτρον ὑπ ̓ αὐτῶν λίτρα. τὸ δωδέκατον δ' αυτῆς ουγγία. L'Aureur s'étoit déja exprimé de la même maniere ailleurs (lib. I. de Compofit. medicament. fec. gen.): Καλεῖται γὰρ ὑπὸ τῶν ῥωκαίων ὁμωνύμως ὁλιτραῖος σαθμὸς τῶν σερρῶν σωμάτων τῷ λιτραίῳ μέτρῳ τῶν ὑγρῶν. ὁπάμπολυ καθ ̓ ὅλην τὴν πόλιν ἐςὶν ἐξ ὕλης κερατίνης γιγνόμενον.

Si l'hémine étoit du poids de dix onces, il s'enfuit que l'amphore, qui contenoit 96 hémines, étoit de la continence de 960 onces d'huile. Et comme la livre Romaine étoit de douze onces, fi l'on divife par 12 ces 960 onces, on verra qu'une amphore d'huile pefoit 80 livres Romaines, & que le conge, qui étoit la huitieme partie de l'amphore, en contenoit feulement 10 livres: c'est en effet ce que fignifient les lettres P. X. pondo decem, gravées fur le conge de Vefpafien, confervé dans le Cabinet de Farnefe.i

:

Je fais qu'on peut alléguer contre ce raisonnement un vieux Plébifcite confervé par Feftus (pondera publica), où il eft dit que le quadrantal contenoit 80 livres de vin. Mais avant que de balancer l'autorité de Galien par celle de Feftus, il faut confidérer que ce qui nous reste de l'ouvrage de ce dernier Auteur, n'est qu'un recueil de fragmens, fans fuite & fans liaison pour l'ordinaire; les articles, les phrases, les mots, tout y eft tronqué; on en a reftitué quelques lacunes, autant qu'on a pu le faire par conjecture mais peut-on fe flatter de n'avoir pas fait dire à ce Grammairien toute autre chofe que ce qu'il a voulu dire effectivement? Pourroit-on même garantir qu'on ne s'eft pas trompé en déchiffrant un manufcrit auffi altéré & mutilé ? En un mot, le paffage de Feftus pourroit au moins paffer pour très-fufpect, quand même on n'auroit pas d'autre autorité d'autre autorité à oppofer à la fienne. Voici ce Plébifcite (Edit. Petri Santandreani Publica pondera... caufâ Junius in..... t, q duo filli † P. & M. Trib. Pleb. rogarint his verbis. Ex ponderibus publicis, quib. hac tempeftate populus oetier (qui) folet, uti coaequetur fedulum, ut hit quadrantal vini octoginta pondo fiet. Congius vini decemp. is + fex fextarii congius fiet in + duo de quinquaginta fextari quadrantal fiet vini. Sextarius aequus aequo + cum librario † fiet. Sex de quiq. librae in medio fient. Si quis magiftratus adverfus hac d. m. pondera, mediofq. vaJag. publica, modica minora, majorave faxit, juffit vere fieri dolumve adduit, q' ea fiant, eum quis volet magiftratus multaretur t

ex eâ

dum minore patri † familias taxat, liceto; five quis in † facrum judicare voluerit, liceto.

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Ou bien le mot vini a été fubftitué dans le texte de ce Plébifcite à celui d'olei, ou bien il y a fimplement été ajouté, aucune liqueur n'y étant fpécifiée; & en effet on trouve fouvent la continence des vafes anciens évaluée en livres ou en onces, fans que les Ecrivains défignent en quelle liqueur. On en trouve des exemples dans Pline & c'eft de l'huile dont il s'agit toujours. Mais revenons aux obfervations de Galien. Ce favant Médecin faifant des extraits de l'ouvrage d'un Auteur de fa profession nommé Héras, dit ( lib. I.): « Je pense que Héras parle ici du fetier Ro» main; car les Athéniens ne connoissoient point l'usage de cette » mesure, pas même fon nom. Mais depuis que les Romains fe >> font rendus maîtres de toute la terre, le nom de leur fetier eft » devenu familier à tous ceux qui parlent la langue grecque; mais » le vase de Héras n'eft point égal au fetier Romain; car chez les » Romains le setier eft du poids d'une livre & deux tiers, autre>> ment de vingt onces, qu'ils mefurent ordinairement dans des >> vaiffeaux de corne tranfparente, divifés extérieurement par des » lignes circulaires. Quelques-uns ont cru fans fondement que le >> fetier Romain contenoit dix-huit onces mesure. Il femble donc » que Héras veut indiquer la moitié du fetier, lorfqu'il écrit une » cotyle; mais il feroit fort difficile de s'affurer fi c'eft neuf onces » de la livre de corne, ou bien dix onces qu'il a voulu entendre >> par fa cotyle ». Enfin Galien (lib. VI.) voulant connoître par lui-même le poids de la livre d'huile, qu'on mefuroit dans un vase de corne, divifé en douze onces par des lignes, la pesa, & trouva que les douze onces mesure n'en faifoient que dix, poids: Ey γοῦν ἐν τῇ ῥώμη τὴν τοῦ ἐλαίου καλουμένην λίτραν, ἣν διὰ τῶν κατατετμημένον κεράτων μετροῦσιν, ἐτησάποτε βουλόμενος μαθεῖν, ὁπόσον ἔχει σαθμὸν τοῦ βάρους. εὗρον δὲ ταῖς σαθμικαῖς δέκα ουγγίας ἴσας τὰς METρINA'S TOU EXαíov, B. Lorfque j'étois à Rome, j'ai pesé moimême, dit-il, ce qu'on y appelle une livre d'huile, afin de m'affurer de fon poids, & j'ai trouvé que dix onces pondérales étoient égales aux douze onces menfurales, qui font la continence totale de la livre d'huile.

Si le témoignage de Galien, qui affure avoir pefé lui-même l'hémine ou livre d'huile, ne fuffifoit pas pour nous convaincre que c'étoit en huile que l'amphore pefoit 80 livres, je vais en

produire une preuve à laquelle je pense qu'on n'aura rien à répliquer. Vitruve (lib. VII, c. VIII.) parlant de la maniere de recueillir le vif-argent dans les mines, dit que fi après en avoir rempli quatre fetiers, on veut fe donner la peine de pefer ce qu'ils en contiennent, on lui trouve le poids de cent livres : Eæ autem (guttæ argenti vivi) cùm fint quatuor fextariorum menfuræ, cùm expenduntur, inveniuntur effe pondo centum. Or quatre fetiers font la douzieme partie de l'amphore, qui en contient quarante-huit : donc une amphore de mercure devoit pefer douze cents livres. Si l'on confidere à préfent que la pefanteur fpécifique du mercure vierge eft à celle de l'huile d'olives comme 13652 eft à 913, on trouvera que l'amphore de mercure pefant 1200 livres, devoit en pefer 80 & un quart remplie d'huile; on trouvera de la même maniere qu'elle auroit pefé 87 livres & remplie de vin de Bourgogne; 87 remplie d'eau de pluie, & 127 & demie remplie de miel donc il eft démontré que l'amphore contenoit 80 livres d'huile, & non pas de vin.

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Nous n'avons encore rien dit des mefures à bled chez les Romains; le modius étoit la principale; & parce qu'il étoit le tiers de l'amphore, on trouve par le calcul qu'il devoit contenir environ quinze livres & demie, poids de marc, de bled, ou 22 livres & treize vingtiemes, poids Romain. Le modius fervoit nonfeulement au mefurage du bled & des autres grains, mais encore à mesurer toutes les autres matieres non liquides, comme les légumes, les fruits, le fel. Caton (de Re ruft.) affigne un modius de fel pour la provision annuelle d'un efclave employé aux travaux de la terre; cette quantité revient à 19 livres, poids de marc, de fel par an pour une perfonne. Le fumier pour l'engrais des terres fe mefuroit auffi au modius; les 80 modius faifoient la voiture, felon Columelle (pag. 386 de l'Edit. de R. Etienne), & il en falloit (pag. 48.) dix-huit ou vingt-quatre voitures pour l'engrais d'un jugere de bled. Or comme les quatre-vingts modius de la voiture de fumier reviennent à vingt-cinq pieds cubiques de Roi & un peu plus d'un tiers, il fuit que, felon Columelle, il faudroit 848 ou 1131 pieds cubiques de fumier, felon la qualité du terroir, pour préparer un arpent mefure de France à recevoir la femence.

La chénice ( xɔvi) étoit un vase à bled d'usage chez tous les peuples de l'antiquité, & de même capacité par-tout: c'étoit la

mefure

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