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d'autres qu'on pourroit rapporter, il résulte que le boisseau de Paris peut pefer en bled communément très-bon, vingt livres ; mais que ce poids peut monter jusqu'à 22 livres & defcendre jufqu'à 13.

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Pline (lib. XVIII, cap. VII.) parle du poids des grains, mais fes raisonnemens paroiffent fi peu conféquens, qu'on ne peut fe réfoudre à avoir de la confiance en fes calculs. Il n'y a point, dit-il, de grains plus pefans que les efpeces qu'on appelle fromens, ni qui fe multiplient davantage à la cuiffon: Sed nullum frumento ponderofius, aut quod coquendo magis crefcat. Ex enim pondo è modio reducunt, modiumque pultis ex tribus fextariis madidis. L'orge eft le plus léger des fromens; il paffe rarement le poids de quinze livres le modius de féves pefe vingt-deux livres; mais le far eft plus pefant, & le bled encore davantage : Leviffimum ex his hordeum, rarò excedit XV libras, & faba XXII. ponderofius far, magifque etiamnum triticum. L'orge, fuivant ce calcul, peferoit treize livres & un quart feulement le boiffeau de Paris; c'eft trop peu, car elle en pefe communément environ dix-huit. Le modius de féves pefe vingt-deux livres Romaines, & le bled eft plus pefant; donc il doit pefer plus de vingt-deux livres Romaines le modius. Nous allons voir fi Pline eft conféquent. Il y a, dit-il, des bleds de différentes qualités: celui d'Italie furpaffe tous les autres par netteté, fa blancheur & fon poids; mais fi on lui compare les bleds étrangers, on trouvera que celui de la Béotie eft le premier en qualité, enfuite celui de Sicile & d'Afrique; les bleds de Thrace & de Syrie tiennent le troifieme rang pour le poids, & celui d'Egypte le quatrieme la Grece a beaucoup vanté celui du Pont, mais il eft inconnu en Italie: Tritici genera plura quæ fecere gentes. Italico nullum equidem comparaverim candore ac pondere, quo maximè decernitur: montanis modo comparetur Italia agris externum, in quo principatum tenuit Baotia, deinde Sicilia, mox Africa. Tertium pondus erat Thracio, Syrioque, deinde Egyptio.. Græcia & Ponticum laudavit, quod in Italiam non pervenit. Pline après avoir ainsi attribué la prééminence au bled d'Italie, ajoute qu'entre les diverfes fortes de bleds qu'on importoit à Rome, le plus léger de tous eft celui de la Gaule & de la Cherfonefe; il n'excede pas vingt livres le modius, comme on peut s'en affurer en le pefant. Le bled de Sardes pefe fix livres de plus, & par conféquent vingt-fix livres; celui d'Àlexandrie pese vingt-fix livres & un tiers; celui

de Béotie vingt-fept livres, & celui de la Province d'Afrique, qui étoit auparavant le territoire de Carthage, vingt - fept livres trois quarts. Dans l'Italie Transpadane, le far pefoit jufqu'à vingtcinq livres le modius, & vingt-fix aux environs de Clufium, qui eft aujourd'hui Chiufi dans la Tofcane: Nunc ex his generibus quæ Romam invehuntur, leviffimum eft Gallicum atque è Cherfonefo advectum, quippe non excedunt in modium vicenas libras, Alexandrinum & trientes, hoc eft & ficuli pondus; Baoticum totam libram addit, Africum & dodrantes. In Tranfpadaná Italiâ fcio vicenas libras farris modios pendere, circa Clufium & fenas. Pline qui a attribué au modius de féves vingt-deux livres, & jufqu'à vingt-fix au modius de far, n'en donne que vingt au modius de bled Gaulois qui cependant doit être & eft en effet plus pefant. Pline étoit mal inftruit; car à raifon de vingt livres Romaines le modius, le boif feau de Paris ne contiendroit que 17 livres poids de marc, du meilleur bled de France, tandis que nous favons qu'il peut en contenir jufqu'à vingt-deux. Suivant les données du même Auteur, le boiffeau de Paris de bled de Sardes peferoit 22.95 ou environ 23 livres poids de marc; de celui d'Alexandrie 23 livres & un quart; de Béotie 23.84; & de celui d'Afrique 24 livres & demie.

Selon Héron d'Alexandrie, le modios d'Egypte contenoit quarante litres de bled qui valent 18.228 livres, poids de marc; fur ce pied le boiffeau de Paris de bled d'Egypte ne péferoit que 21.53 livres. Selon les Rabbins Maimonides, Tanchumus & David, le modios des Hébreux, qui étoit le même que celui d'Egypte, pefoit en bled quarante-deux litres, & felon faint Ifidore de Séville, je ne fais d'après quelle autorité il en pesoit jufqu'à quarante-trois qui valent 19.60 livres, poids de marc; d'où il fuit que le boiffeau de Paris de bled de la Paleftine & de l'Egypte pouvoit peser jusqu'à 23.14 livres, ce qui fe rapporte parfaitement à ce que dit Pline touchant le poids du bled d'Alexandrie. Du refte les poids des grains donnés par ce dernier Ecrivain, ne paroiffent pas établis fur des obfervations fuivies ; il peut auffi y avoir confufion de mesure. Le texte de l'Auteur peut encore avoir été altéré ici comme il l'eft en beaucoup d'endroits. Selon Suidas & Galien le médimne Attique de bled pefoit cent huit livres, poids Romain ou Attique; fur ce pied le boiffeau de Paris péferoit 21.09 livres, poids de marc.

Nous ne nous fommes arrêtés à ces paffages de Pline, que pour

en déduire par anticipation une vérité; favoir, que les terres les meilleures & les plus fertiles produisent auffi le bled le meilleur & le plus pefant. L'Afrique des Anciens, qui étoit le territoire de Carthage, & ce que nous appellons aujourd'hui le Royaume de Tunis, étoit peut-être la contrée la plus fertile de la terre, à moins que l'on n'excepte la Babylonie, qui, au rapport d'Hérodote, produifoit au Laboureur jufqu'à deux cents pour un. L'Afrique, felon Pline (lib. XVII, cap. V.) rendoit aux environs de Byzacine jufqu'à cent cinquante modius de bled pour un modius de femence. Les récoltes en Egypte & dans la Bétique produifoient cent pour un; le pays des Léontins en Sicile, cent felon Pline, quoique Cicéron affoibliffe ce produit dans fes Plaidoyers contre Verrès, & le réduife au décuple. Auffi voyons-nous que dans ces heureuses régions le bled avoit plus de poids qu'ailleurs, Revenons à nos mesures.

Effayons à préfent de mettre en parallele avec les mefures Romaines, Grecques & les nôtres, celles des Egyptiens, des Hébreux, des Arabes & du refte de l'Afie, qui toutes étoient les mêmes à peu de chofe près. Ces mefures ont encore beaucoup de reffemblance avec celles des Grecs, tant dans leurs multiples & fous-multiples, que dans leurs capacités.

Nous avons déja parlé de la mer d'airain du temple de Salomon. Nous avons expofé les proportions d'après la Vulgate; nous nous répéterons d'après le texte hébreu traduit mot à mot en latin: Et fecit (Salomon) mare fufum, & decem in cubito à labio ejus ufque ad labium ejus rotundum circum; & quinque in cubito altitudo ejus : & linea triginta in cubito ambivit illud circumquaque & Colocynta de fupter labium ejus, circum circumdantes illud, decem in cubito ambientes mare circum: duo ordines Colocyntarum fufarum in fufione ejus, ftans fuper duodecim bobus; tres refpicientes ad aquilonem, & tres refpicientes ad mare, & tres refpicientes ad meridiem, & tres refpicientes ad orientem : & mare fuper eos defuper : & omnia pofteriora eorum intrinfecùs : & denfitas ejus palmus, & labium ejus fecundùm opus, labii calycis, floris lilii: duo millia batorum com

prehendit.

M. de Saci a traduit ainfi cet endroit : « Salomon fit auffi une » mer de fonte de dix coudées d'un bord à l'autre, qui étoit toute » ronde. Elle avoit cinq coudées de haut, & elle étoit environnée tout à l'entour d'un cordon de trente coudées. Au-deffous de

» fon bord il y avoit des manieres de confoles qui l'entouroient; » favoir, dix dans l'efpace de chaque coudée, & il y avoit deux >> rangs de ces confoles qui avoient été auffi jettées en fonte. » Cette mer étoit pofée fur douze boeufs, trois defquels regar» doient le feptentrion, trois l'occident, trois le midi & trois » l'orient; & la mer étoit portée par ces boeufs dont tout le der»riere du corps étoit caché fous la mer. Le baffin avoit une » palme d'épaiffeur, & fon bord étoit comme le bord d'une coupe » & comme la feuille d'un lis qui eft épanoui, & il contenoit » deux mille bats.

Ce Vaiffeau étoit circulaire, rien n'eft plus certain par la defcription qu'on en fait ici. Son fond étoit plan, car les Prêtres defcendoient dedans pour s'y laver: Porro in mari Sacerdotes lavabantur (II. Paral. IV, 6.), de maniere que fi ce vase avoit été un hémisphere renverfé il auroit été impoffible de s'y tenir fans tomber. Ce ne devoit pas être non plus un cone renversé, l'Hiftorien foigneux d'en conferver toutes les dimenfions, n'auroit pas oublié le diametre de la bafe. Ce qui paroît préfenter quelque difficulté, c'est sfon bord fupérieur qui, dit-on, avoit la reffemblance d'une coupe évafée ou d'un lis épanoui; mais il me femble que felon le texte la mer d'airain n'avoit cette forme qu'extérieurement & relativement aux ornemens dont elle étoit chargée à fon bord fupérieur, fecundùm opus. Au refte ces obfervations font peu néceffaires. L'ufage que nous voulons faire ici de ce vafe ne dépend pas tout-à-fait de fa capacité rigoureusement évaluée. On mefura le diametre de la mer d'airain, c'étoit par en-haut d'un bord à l'autre, comme le dit formellement le texte : A labio ejus ufque ad labium. Ce diametre étoit de dix coudées qui valent vingt pieds géométriques. Sa hauteur étoit de cinq coudées qui font dix pieds géométriques. En fuppofant le rapport du diametre du cercle à fa circonférence comme 1 à 3, ce qui étoit reçu chez les Juifs, au moins à ce qu'il paroît ici, on en conclut qu'un diametre de dix coudées devoit avoir une circonférence de trente coudées qui font foixante pieds géométriques.

Multipliant le quart du diametre, c'est-à-dire, cinq pieds géométriques par la circonférence qui eft de foixante pieds géométriques, on eut pour produit 300 pieds géométriques quarrés, valeur du cercle de la bafe fupérieure de la mer d'airain, confidérée comme un cylindre. Multipliant encore ces trois cents pieds

quarrés par les dix pieds de la hauteur du vafe, on eut enfin 3000 pieds cubiques, & ce font les trois mille bathim que lui donne de capacité l'Auteur des Livres des Paralipomenes. C'eft par un femblable calcul que l'Auteur des Livres des Rois a évalué à deux mille bats ou batos la continence de ce vafe, qui eft auffi celle que lui donne l'Hiftorien Jofephe, mais que le Traducteur latin a rendu par trois mille.

Qu'on ne m'objecte pas que je divife la coudée hébraïque en deux autres coudées ou pieds fans exemple & fans autorité, & que c'eft une chofe inouie. Si l'on ne doit point avancer d'afsertion en cette matiere fans le témoignage pofitif de l'antiquité, je citerai Eufebe qui dans le neuvieme Livre de fes Préparations Evangéliques (édit. Paris, 1628, fol.) rapporte les paroles d'Eupoleme. Ce dernier Auteur avoit écrit que Salomon avoit fait faire un grand vafe d'airain ayant de longueur & de largeur vingt coudées, & cinq coudées de hauteur. Cet Ecrivain, en donnant les dimensions de la mer d'airain, emploie confufément, comme on voit, deux coudées différentes. Le diametre en eft exprimé en pieds géométriques, & la profondeur en coudées facrées : Κατασκευάσαι δὲ καὶ λουτῆρα χαλκοῦν, μῆκος πηχῶν κ. καὶ πλάτος πηχῶν κ. τὸ δὲ ὕψος πηχῶν ε.

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Delà il eft évident que c'eft par calcul & non en dépotant ou furvidant la mer d'airain, qu'on en avoit déterminé la capacité; auffi peu nous importe d'ailleurs la régularité parfaite de fa forme. Ce grand Vaiffeau étoit eftimé de deux mille bats, chacun d'un pied & demi cubiques; d'un autre côté il étoit évalué à trois mille bathim, chacun d'un pied cubique. Ce mot bathim n'est point le plurier du mot bath, il n'en feroit tout au plus qu'un diminutif. La Vulgate a très-judicieusement rendu ce mot par celui de métrétès.

Le mot métrétès, s'il n'étoit pas grec, eft celui qui femble le mieux convenir à la mesure de capacité déduite de la cubature du pied géométrique. Il fignifie proprement mefureur, rapporteur de mesures, métrometre ou étalon des mefures. Et en effet il paroît que le métrétès étoit chez tous les peuples de l'antiquité la cubature d'une de leurs mefures linéaires. Chez les Grecs le métrétès étoit la cubature du pied olympique; chez les Romains l'amphore ou quadrantal étoit la cubature du pied Romain, & c'est pour cela que les Grecs appelloient ce vafe le métrétès italique. Le

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