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Les Ecrivains du fiecle d'Augufte nous apprennent qu'alors le poids de la livre Romaine fe divifoit en quatre-vingt-quatre deniers nous venons de voir comment Celfe s'en explique; il en parle encore dans un autre endroit en ces termes : Græci Medici pondera medicamentorum ad drachmas redigunt: quæ quia ad denarium conveniunt ( LXXXIV. enim ad libram incurrunt) pro notâ Græcæ drachmæ notam denarii pofui, & ad ejus pondus drachmas redegi. Le témoignage de Scribonius Largus n'eft pas moins précis : Erit nota denarii unius pro Græcâ drachmá: æquè enim in librâ denarii LXXXIV. apud nos, quod drachmæ apud Græcos incurrunt. S'il existoit une livre Attique égale à la livre Romaine, comme femblent l'infinuer les Métrologues de Galien, cette livre Attique devoit effectivement contenir quatre-vingt-quatre deniers Romains; mais le denier de Celfe & de Scribonius Largus n'étoit pas parfaitement égal à la drachme Attique, il n'en étoit que les vingtcinq vingt-huitiemes.

Au temps de Pline, la livre Romaine ne fe divifoit plus en quatrevingt-quatre deniers, elle en contenoit alors quatre-vingt-seize; mais il paroît que cette mutation étoit encore récente, ce que j'infère de ce paffage compilé par Pline même (lib. XXXIII, c. IX.): Mifcuit denario triumvir Antonius ferrum.... alii è pondere fubftrahunt, cùm juftum fit LXXXIV. è libris fignari: c'est-à-dire, le triumvir Antoine altéra la pureté du denier en mêlant du fer avec l'argent.... d'autres en diminuent le poids; car il devroit n'y en avoir que quatre-vingt-quatre à la livre. Il eft difficile d'affigner avec précifion l'époque à laquelle le denier Romain fut réduit à la taille de quatre-vingt-feize. On verra ailleurs pourquoi j'ai appellé ce denier, denier de Néron, & l'autre qui étoit de quatre-vingt-quatre à la livre, denier de Papyrius.

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Revenons à Fannius; cet Auteur dit que la livre des Romains eft compofée de douze onces, & l'once de huit drachmes: c'eft la livre de quatre-vingt-seize deniers. Il ajoute que la livre Attique eft moindre, n'étant compofée que de foixante-quinze drachmes. Cette livre Attique eft également celle des Romains, évaluée à foixante-quinze drachmes Attiques, ce que Fannius paroît n'avoir pas pas compris, & ce qui lui fait dire qu'elle eft plus petite que la livre Romaine. Il dit enfuite que la mine Attique eft de cent drachmes, & que fi de ce nombre on ôte quatre drachmes, on aura la livre Romaine; & que fi enfin on retranche le quart de la

mine Attique, on aura la livre Attique. Tout cela veut dire que la mine Attique eft de cent drachnies Attiques, & la livre Romaine ou Attique, de foixante-quinze, qui reviennent à quatrevingt-feize drachmes Romaines: tel eft le point de vue ténébreux fous lequel Fannius nous préfente une chofe auffi fimple, mais qu'il n'entendoit pas lui-même. Prifcien (lib. de fig. & nom. numer.) s'exprime d'une maniere auffi obfcure & à peu près la même, ce qui me fait croire que ces deux paffages ont été calqués l'un fur l'autre Libra vel mina Attica, drachmæ feptuaginta quinque. Libra vel mina Graia drachmæ nonaginta-fex. La mine ou livre Attique eft de foixante-quinze drachmes Attiques, & la livre ou mine Grecque eft de quatre-vingt-feize drachmes ou deniers Romains, ce qui rend abfolument le même poids, qui eft celui de la livre Attique & Romaine, telle que nous l'avons déja évaluée d'après les Métrologues de Galien, & encore d'après la réduction de foixante mines Attiques, valeur du talent, à quatre-vingts livres Romaines, felon Tite-Live & Plaute.

Un Auteur anonyme, dans les Analecta Græca, & dont le Tarif eft manuscrit à la Bibliothéque du Roi (n°. 3284.), dit que la mine eft de cent drachmes, mais qu'elle en contient cent douze poids d'Italie; il ajoute que l'once Romaine eft de fept drachmes, mais qu'elle ne contient que fix drachmes Attiques plus une obole & quatre chalcos: cet Auteur fait la drachme de fix oboles, l'obole de dix chalcos, & le fcripule ou gramma d'une obole & quatre chalcos : ἔχει ἡ μνᾶ ὁλκὰς ἑκατόν. πρὸς δὲτὸ Ιταλικὸν, ριβ. ἡ ουζγίᾳ δὲ ὁλκάς ζ'. Ατικὰς δὲ σ'. καὶ οβολόν α. καὶ χαλκοῦς δ'. ἡ δὲ ουζ για έχει γράμματα κδ'. Τὸ δὲ γράμμα ἐτὶν όβολος, χαλκοί δ'. ἡ δὲ ὁλκὴ ἔχει ἔβολοὺς σ'. ὁ δὲ ὀβολὺς χαλκοῦς ι. Cet Auteur ajoute plus EXEL é bas, que la livre eft de douze onces & de foixante quinze drach mes, ou, felon un autre poids, de foixante-douze feulement, c'està dire, probablement de foixante-douze didrachmes Afiatiques, que plufieurs Ecrivains ont appellés drachmes, comme nous le ferons obferver : ἡ δὲ λίτρα ἔχει συζγίας ιβ'. ὁλκας σέ. ἐν ἄλλω οβ'.

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Jettons un coup-d'œil fur les poids des Hébreux, & tâchons de découvrir leur analogie, foit avec les poids des Egyptiens, foit avec ceux des Grecs & des Romains. Le talent s'appelloit kinchar, ce que l'on re marque dans Jofephe (Apax, lib. III, cap. VII.): εβραίοι μὲν καλουσιν κιζχαρες, εις δὲ τὴν ἑλληνικὴν μεταβαλλόμενον γλῶσ sar onudivei táλavtov : c'est-à-dire, les Hébreux appellent kinchar

ce que les Grecs appellent dans leur langue talanton.

Le talent des Hébreux valoit trois mille ficles, c'est ce qui réfulte de l'analyse de quelques paffages des Chapitres XXX & XXXVIII de l'Exode. On lit (cap. XXX, verf. 13, 14 & 15.) qu'entre les Ifraëlites, ceux qui feroient âgés de vingt ans & plus, fourniroient, tant les pauvres que les riches, chacun un demi-ficle pour la conftruction du Tabernacle: Hoc autem dabit omnis qui tranfit ad nomen, dimidium ficli juxta menfuram templi. Siclus viginti obolos habet. Media pars ficli offeretur Domino. Qui habetur in numero à viginti annis & fupra, dabit pretium. Dives non addet ad medium ficli, & pauper nihil minuet; & l'on voit (cap. XXXVIII, verf. 25, 26, 27 & 28.) que le nombre de ceux qui avoient vingt ans & plus, étoit de fix cents trois mille cinq cents cinquante, & que la fomme d'argent perçue fe monta à cent talens avec un excédent de dix-fept cents foixante-quinze ficles. On fera bien ici de confulter le texte Hébraïque, qui eft plus précis & plus clair que les traductions; voici cependant la traduction de la Vulgate : Oblatum eft autem ab his qui tranfierunt ad numerum à viginti annis, & fupra, de fexcentis tribus millibus, & quingentis quinquaginta armatorum. Fuerunt centum talenta argenti, è quibus conflatæ funt bafes fanctuarii, & introitus ubi velum pendet. Centum bafes factæ funt de talentis centum, fingulis talentis per bafes fingulas fupputatis. De mille autem feptingentis & feptuaginta-quinque (ficlis), fecit capita columnarum, quas & ipfas veftivit argento.

La mine chez les Hébreux s'appelloit minah ou maneh, ou mané, felon S. Epiphane, & elle étoit compofée de foixante ficles, comme on le prouve par Ezechiel ( cap. XLV, verf. 12.): Siclus autem viginti obolos habet. Porrò viginti ficli, & viginti quinque ficli, & quindecim ficli minam faciunt: d'où il fuit que le talent Hébraïque valoit cinquante mines. Mais la mine fe divifoit en deux litres ou livres & demie de douze onces chacune, c'est ce que nous apprenons de Jofephe (Aparλ, lib. XIV, cap. 12.): de μva wag' n Mev "XED XiTpas B'. no; c'eft-à-dire, la mine chez nous fe divife μὲν ἔχει λίτρας en deux livres & demie. Cette livre contenoit donc vingt-quatre ficles, & nous lifons dans S. Epiphane qu'elle contenoit douze onces; donc l'once valoit deux ficles. Saint Epiphane dit auffi que l'once eft de deux ftateres, & que la ftatere, qui eft une demionce, vaut un didrachme Attique : la ftatere & le ficle étoient donc la même chofe.

De ce que nous venons de dire il fuit que le talent Hébraïque valoit cent vingt-cinq livres de douze onces, c'eft ce que nous apprend encore S. Epiphane; le talent, dit-il, qui eft le plus grand des poids, vaut cent vingt-cinq livres de douze onces ; & il le répéte deux fois. Suidas & Héfychius difent la même chose; le témoignage de Héron le Jeune ou le Martyr y eft formel.

Saint Epiphane dit que l'once eft de deux ftateres ou de huit drachmes. Saint Jérôme fur Ezéchiel (cap. III.) dit que le ficle eft la ftatere & de la valeur de quatre drachmes: Siclus ftater eft, hoc eft drachma quatuor. La mine des Hébreux contenoit donc foixante ficles ou ftateres & 240 drachmes Afiatiques, & la litre Hébraïque vingt-quatre ficles & quatre-vingt-feize drachmes Asiatiques, comme les mêmes poids en Egypte, fuivant les Auteurs de Galien.

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Le talent tant de l'Egypte que de la Palestine devoit contenir également trois mille ficles & douze mille drachmes: auffi Feftus évalue-t-il le talent d'Alexandrie à douze mille deniers, qui font les douze mille drachmes en queftion. Je trouve dans Priscien un talent évalué à quatre-vingt-trois livres Romaines plus quatre once qui fait mille onces: fi l'on divife ces mille onces par le nombre de fois que la grande mine étoit contenue dans le talent, favoir cinquante, on aura au quotient vingt onces Romaines pour la valeur de la mine Egyptienne & Hébraïque, précisément comme l'ont évaluée les Auteurs de Galien. Mais S. Epiphane nous arrêteroit ici, fi nous le trouvions plus exact ailleurs; il l'eft quelquefois, mais le plus fouvent il nous trompe; il dit que la mine Italique eft de quarante ftateres, de vingt onces ou d'une livre deux tiers. Ce n'eft ici qu'une compilation de la même faute que nous avons déja vue dans un des Tarifs inférés dans les Œuvres de Galien, & qui eft amplement réfutée par tout ce que nous avons dit. Nous rapporterons d'autres témoignages des Anciens pour confirmer de plus en plus que les rapports des poids que nous avons tirés de Galien, font exacts; nous les joindrons à l'article particulier de chaque efpece de poids dans l'énumération plus étendue que nous allons en faire. Mais ce qui doit mettre le sceau de la conviction à tout ce fyftême, c'eft la comparaison des poids anciens par le moyen des monnoies encore exiftantes aujourd'hui,

& confervées avec foin dans les Cabinets des Savans & des Curieux,

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On faura d'abord 1°. que la livre poids de marc de France se divife en 2 marcs, 16 onces, 128 gros ou drachmes, 384 deniers ou fcripules, 9216 grains; 2°. que l'once fe divife en 8 gros ou drachmes, 24 deniers ou fcripules, 576 grains; 3°. que le gros ou la drachme contient 3 deniers ou fcripules, & 72 grains; 4o. que le denier ou fcripule contient 24 grains; 5°. que le grain fe divife encore quelquefois en 24 primes. C'eft à ce poids qu'il s'agit à préfent de comparer les poids anciens; j'emploierai pour cela différens procédés: voici le premier.

Nous lifons dans Hérodote (lib. I, n°. L.) que Créfus, Roi de Lydie, fe difpofant à faire la guerre aux Perfes, avoit envoyé à Delphes confulter Apollon fur le fuccès que devoit avoir cette entreprise. Parmi les riches préfens qu'il fit au Dieu, l'Hiftorien fait mention de demi-plinthes ou demi-carreaux, au nombre de cent dix-fept, dont chacun avoit fix palestes de longueur, trois de largeur & un d'épaiffeur; quatre étoient d'or pur, d'or fin, ou de coupelle, ariqvou Xpuσou Téadapa, & les autres d'or blanc λevxov Xpvooʊ: c'étoit un alliage d'or & d'argent. Chacun des demi-carreaux d'or pur étoit du poids de trois talens, & les autres pefoient chacun deux talens.

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Valla, Traducteur latin d'Hérodote, au lieu d'entendre que demi-plinthes avoient fix paleftes fur leurs plus grands côtés, trois fur leurs plus petits, & une palefte de hauteur, fait dire à Hérodote que les plus grands demi-plinthes avoient fix palmes, & les plus petits trois palmes, & une palme de hauteur, ce qui fait un contre-fens manifefte. Il y a dans le texte : ET ME TO μaxpóteρa (fupple πλευρα) ποιέων ἐξαπάλαισα, ἐπὶ δὲ τὰ βραχύτερα (fupple πλευρα) τριπάλαισα. ὕψος δὲ παλαισιαιᾶ. Ce Traducteur a aum rendu тpia nutáλavra par deux talens & demi: Singuli pondo duoτρία ἡμιτάλαντα rum & dimidii, & en cela il n'a pas obfervé les regles ordinaires de la Grammaire, qui prefcrivent qu'on traduife trois demi-talens, c'eft-à-dire, un talent & demi. Il a fenti fans doute qu'il étoit abfurde de dire que les demi-carreaux d'or purifié par le feu ne pefaffent qu'un talent & demi, tandis que les demi-carreaux d'or blanc pefoient deux talens. Mais foit qu'il y ait faute de la part de l'Hiftorien, foit que cet endroit ait été altéré ou corrompu par les Copites, au lieu de τρία ἡμιτάλαντα, il faut lire τρία μὴν τά λαντα, ou bien τρία μὲν τάλαντα, ce qui fignifie tria quidem talenta, trois talens.

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