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fruit de la trahifon de Judas (Matth. XXVI, 15, & XXVII, 9; Zachar. XI, 12 & 13.), étoient de grands argyres ou des mines Talmudiques, & valoient 1562 liv. 10 f. Il paroît que c'est le fentiment de S. Epiphane, de S. Maxime, & de Héron le Martyr; c'eft auffi celui de plufieurs autres Ecrivains, & entr'autres de Guillaume Philandre, dans fes Commentaires fur Vitruve (lib. I, cap. IV.), où il s'exprime ainfi Nam argenteos illos, quibus acceptis à Judâ fervatorem noftrum Jefum Chriftum proditum in facrá hiftoriâ legimus, id eft, ágyúpia, ex Græcorum Commentariis relatum eft fingulos valuiffe minam unam, hoc eft, drachmas centum. En effet, Judas follicité par les Princes des Prêtres & les anciens du peuple, c'eft-à-dire, par les principaux de la Nation Juive, à leur indiquer le lieu où Jefus fe retiroit la nuit, ne fe détermina fans doute que parce que la récompenfe lui parut un peu confidérable, & les Chefs de la Nation n'auroient ofé employer fon ministere qu'en lui préfentant une fomme capable de le féduire de plus, le difciple perfide après fon repentir, ayant rapporté les trente argyres, on en acheta le champ d'un potier pour être destiné à la fépulture des étrangers. On penfe bien que le terrein aux environs d'une grande Ville comme Jérufalem devoit être cher, & que la fomme ci-deffus ne pouvoit être que fuffifante pour cette acquifition. Cependant d'autres Savans ont été dans la perfuafion que les trente pieces que reçut Judas étoient des ficles; enforte que le difciple fut corrompu par le confeil des Juifs pour la fomme de 62 liv. 10 f. de notre monnoie. Je laiffe le Lecteur libre d'en penfer ce qu'il jugera à propos; & je reprends la fuite de l'énumération des monnoies de l'Afie.

:

La mine de Moife & d'Ezechiel, mináh, manéh, menéh, manjá, manes, manéh fchél kódefch, mine facrée, valoit 2 argyres, 2 litres, rotules ou onces d'or, 4 pérèses, 5 ftateres, 10 didrach mes d'or, 15 tétraftateres, 20 deniers d'or, 30 octodrachmes, 40 hexadrachmes, 60 ficles, 80 tridrachmes, 120 didrachmes, 125 livres tournois, 240 deniers, 480 rébiites, 1200 gerahs, 1440 meas, 2500 fous tournois, 2880 pondions, 5760 phollis, 23040 kodrantès, 30000 deniers tournois, 46080 prutas.

Le cintar, kentenarion, centenarium centipondium, valoit 40 mines facrées, 96 grands argyres, 100 rotules, & 500 livres tournois. Je ne fais fi le cintar étoit en ufage comme monnoie.

Le talent pefant d'argent, talent de Moife, cicár, cicará, cacerá,

cinchar ou cincharès, valoit cintar, 50 mines facrées, 120 mines Talmudiques, 125 rotules ou onces d'or, 240 pérèfes, 250 ftateres d'or, 500 didrachmes d'or, 750 tétraftateres, 1000 drachmes d'or, 1500 octodrachmes, 2000 hexadrachmes, 3000 ficles, 4000 tridrachmes, 6000 didrachmes, 6250 livres tournois, 12000 drachmes, 24000 rébiites, 60000 gérahs, 72000 meas, 125000 fous tournois, 144000 pondions, 288000 phollis, 1152000 kodrantès, 1500000 deniers tournois, 2304000 prutas. Le talent de Babylone valoit 1 talent de Moïse, 1 ¦ cintar , 60 mines facrées, 144 mines Talmudiques, 150 rotules ou onces d'or, 288 pérèses, 300 ftateres d'or, 600 didrachmes d'or, 900 tétraftateres, 1200 deniers d'or, 3600 ficles, & 7500 livres tournois. Il valoit 300 dariques, felon Xénophon (de Exped. Cyr. lib. 1.).

On a pu remarquer que dans ce numéraire de la monnoie Afiatique, une once d'argent valoit 192 onces de cuivre ; & une once d'or, 12 onces d'argent, ou 2304 onces de cuivre.

Dans ce que je viens de dire des monnoies de l'Afie, j'ai cité quelquefois S. Epiphane, Héfychius, Héron le Martyr, S. Maxime, Eufebe Pamphile, mais ce n'a été que lorfque je les ai trouvés d'accord avec l'Ecriture & les autres Ecrivains dont j'ai cru devoir préférer les autorités; autrement je les ai rejettés. Par exemple, S. Epiphane dit que la fix-millieme partie du talent s'appelle affarion, & que le denier eft compofé de foixante assa¬ rions; d'où il fuit que fon affarion vaudroit deux deniers, & feroit un didrachme. L'Auteur d'un fragment Grec, rapporté par Sau maise, dit également que le denier vaut foixante affarions. Héfychius dit que le kodrantès, qui eft auffi le lepton, est le quart du phollis, & que le lepton eft la fix-millieme partie du talent. Héron que le ficle vaut deux leptons, qui font deux drachmes. Saint Maxime parlant des trente argyres qui furent le prix de Jesus-Christ, dit que les affarions s'appellent auffi leptons ou nummus; qu'il faut foixante affarions pour valoir un denier, & cent deniers pour un argyre. Un autre Auteur cité par Saumaise, traitant des monnoies des Hébreux, dit que le denier étoit de foixante affarions qu'on nommoit auffi leptons. Un autre fragment, rapporté égale ment par Saumaise, dit que le lepton eft le quart de l'once, & que c'eft de lui dont il est parlé dans l'Evangile, où on lit: Deux passereaux ne se vendent-ils pas un assarion ? Eufebe Pamphile dit

dit

que le ficle eft le quart de l'once; que l'affarion eft le quart de l'once, & que le kodrantès eft également le quart de l'once. J'aurois eu plus de confiance dans les autorités de ces Ecrivains, fi je les avoit trouvé conformes à celle de l'Evangile, où on lit que deux leptons font la valeur du kodrantès; j'aurois voulu du moins trouver ces Auteurs d'accord entr'eux : au refte, on verra dans la fuite que la plupart de ces autorités font exactes, & se rapportent aux monnoies du grand Conftantin.

Ši nous avons réuffi à rétablir les monnoies de l'Afie, on eft en droit d'en conclurre qu'il ne fe préfentera plus de difficulté insoluble fur ce fujet dans les Livres de l'antiquité. Je voudrois qu'on pût tirer cette conféquence fans précipiter fon jugement; mais s'il eft vrai que la plupart des difficultés font applanies, il en existe néanmoins encore, & je vais en préfenter ici quelques exemples.

On lit dans le premier Livre des Paralipomenes (XXII, 14.), que les richeffes que David, dont le regne ne fut pas fans troubles, laissa à son fils Salomon pour conftruire le Temple de Jérufalem, fe montoient à cent mille talens d'or, à un million de talens d'argent, &c. : Ego in paupertate meâ præparavi impenfas domûs Domini, auri talenta centum millia, & argenti mille millia talentorum: aris verò & ferri non eft pondus, vincitur enim numerus magnitudine. Si nous évaluons ces deux fommes d'or & d'argent fur le talent de Moïfe, les cent mille talens d'or vaudront 7,500,000,000 livres tournois, & le million de talens d'argent à 6,250,000,000 livres, enforte que la fomme totale reviendra à 13,750,000,000 livres de notre monnoie. Le regne de Salomon fut un regne de paix, & fes revenus furent beaucoup plus confidérables que ceux de David: il hauffa les impôts, & tira davantage d'or des mines d'Ophir & de Tharfis : mais quoique les Hiftoriens de ce tempslà nous difent que ce Prince amaffa tant de richesses à Jérufalem, que l'argent y étoit commun comme les pierres, ces mines d'Ophir ne lui produifoient cependant que 420 (III. Reg. IX, 28.), ou 450 (II. Paral. VIII, 18.) talens d'or, & cela tous les trois ans (II. Paral. IX, 21.), c'est-à-dire, au plus 150 talens d'or chaque année; en un mot, les revenus annuels de Salomon fe montoient à 666 talens d'or & quelques petites fommes particulieres de plus Erat autem pondus auri quod afferebatur Salomoni per annos fingulos, fexcentorum fexaginta-fex talentorum auri : excepto eo, quod afferebant viri qui fuper vectigalia erant, & negotia

tores,

ne fût

tores, univerfique fcuta vendentes, & omnes Reges Arabia, ducefque terra (III. Reg. X, 14 & 15.): Erat autem pondus auri, quod afferebatur Salomoni per fingulos annos, fexcenta fexaginta-fex talenta auri: exceptâ eâ fummá, quam legati diverfarum gentium, & negotiatores afferre confueverant, omnefque Reges Arabiæ, & Satrapa terrarum, qui comportabant aurum & argentum Salomoni (II. Paral. IX, 13 & 14.). Il falloit que le montant de ces taxes partielles pas confidérable, puifqu'on a négligé de le comprendre dans la fomme principale: mais ne foyons pas fcrupuleux, & fuppofons que tous les revenus de Salomon étoient de mille talens d'or, ou de 75 millions de livres tournois; ainfi le Souverain d'un petit pays peu plus grand que la Normandie, aura été presque aussi riche que Darius, fils d'Hiftafpes, qui poffédoit toute l'Afie: car nous avons vu que les revenus de ce dernier Prince fe montoient à environ 90 millions. Divifons la fomme des richeffes en or & en argent que David laiffant en mourant, par la fomme des revenus annuels que nous fuppofons à Salomon, & nous trouverons qu'il auroit fallu plus de 183 ans pour amaffer, sans faire aucune dépense, une fomme auffi considérable.

deux

S. Epiphane parle d'une monnoie de compte qu'il appelle follis ou ballantion, & qu'il évalue à deux argyres & demi, ou à deux cents cinquante deniers. Végèce dit que c'étoit une bourse ou un fac d'argent. Il eft certain que fi le ballantion valoit deux argyres & demi ou autant de mines Talmudiques, il valoit auffi 250 deniers ou drachmes, puifque l'argyre valoit 100 deniers. Mais je penfe que la feconde évaluation eft faite fur la premiere, & dans la fuppofition que le ballantion étoit effectivement composé de argyres & demi; & demi; enforte que fi au contraire cette monnoie n'avoit contenu que deux litres ou rotules de douze onces chacune, elle n'auroit valu que 240 deniers ou drachmes Asiatiques, par conféquent auroit été égale à la mine facrée ou mine de Moife. Ce mot ballantion ou balantion, car on dit l'un & l'autre eft dérivé, felon les Lexicographes, du grec Báλnew evrós, βάλλειν ἐντός, qui fignifie mettre dedans, par la raifon que le mot ballantion a fouvent été employé pour exprimer une bourse dans laquelle on met de l'argent; d'autres font venir balantion du nom de la Ville de Byzance en Thrace, parce que les Hiftoriens font mention d'une monnoie de Conftantinople qui portoit ce nom, & qui avoit cours fous les Empereurs d'Orient : c'est delà, dit-on, que vient le mot

&

Zz

,

bezant, monnoie d'Egypte, dont il est parlé dans l'histoire de faint Louis. Pour moi, je trouve une fi grande analogie entre les mots balantion & talantion, qui feroit un diminutif de talanton, & signifieroit un petit talent, que je ne puis croire que ce ne foit pas la même chofe. Mon fentiment, que je ne donne point comme une décision, feroit donc que la grande mine ou mine facrée de Moïfe & d'Ezéchiel fe feroit appellée, en matiere de monnoie, petit talent, balantion, talantion, ou tout autre mot équivalent; en hébreu on aura pu la défigner fous le nom de cicár avec un adjectif ou une terminaifon qui la caractérisât & la diftinguât du grand cicár ou grand talent; il a pu arriver même qu'on l'ait défignée quelquefois fous la dénomination abfolue de cicár. Voyons à combien fe monteroient les richeffes de David en les réduifant fur le balantion, fuppofé égal à la mine facrée. Nous avons dit que cette mine vaut en argent 125 livres tournois, & elle vaudra en or 1500 livres; ainfi cent mille balantions d'or vaudront 150 millions de notre monnoie; & un million de balantions d'argent fera 125 millions; enforte que la fomme totale de l'or & de l'argent amaffés par David reviendra à 275 millions de la monnoie de France. L'Hiftorien Jofephe (Ant. Jud. lib. VII.) trouvant le nombre des talens exprimés dans les Paralipomenes, exceffif, en a réduit totalité, tant en valeur d'or qu'en valeur d'argent, à cent mille talens d'argent, probablement qui vaudroient de notre monnoie 625 millions; mais on n'eft pas für que fa correction foit exacte.

Salomon fit faire (III. Reg. X, 16 & 17.) deux cents boucliers d'or très-pur, chacun du poids de fix cents auréus; il en fit faire encore trois cents d'une autre forme, dans lefquels il entroit le poids de trois cents mines d'or très-affiné, & il fit déposer les uns & les autres dans le tréfor de fon Palais de la forêt du Liban. Un bouclier du poids de trois cents mines n'auroit pas été maniable pour le géant le plus énorme mais cet endroit eft rectifié ailleurs (II. Paral. IX, 15.); les premiers contenoient le poids de fix cents auréus, qui font 91 onces de la livre de Paris; & les autres trois cents auréus, qui valent 45 onces.

David ayant vaincu les Ammonites par le moyen de Joab fon Général, on trouva parmi les dépouilles (I. Paral. XX. 2.) la Couronne de leur Roi Melchom; elle contenoit le poids d'un talent d'or, & étoit enrichie de pierres précieuses. David la réferva pour s'en faire un diadême. Une Couronne pefant 57 livres de

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