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autres chofes dont il est parlé ici; mais nous ferons obferver dans la fuite qu'on ne fit que fort tard des plantations de vignes en Italie, & que par conféquent il y en avoit alors très-peu : voilà pourquoi le vin étoit plus cher à Rome que les autres productions.

4°. Que vers l'an 560 de Rome, le fetier de bled y auroit valu 10 à 13 livres de notre monnoie.

5°. Qu'au temps de Cicéron & de Verrès, le bled valoit en Sicile fur le pied de 16 liv. 17 f. le fetier de Paris.

Au temps de Varron, c'eft-à-dire, vers l'an 700 de Rome, une centurie de terre fituée aux environs de Riéti rapportoit, chaque année, trente mille fefterces au propriétaire qui la faifoit valoir. Cette étendue de terrein revient à 107.7 arpens de France, & les trente mille fefterces font 6750 liv. de notre monnoie; ainfi un arpent de terre produifoit alors la valeur de 62 liv. 14 f. Atque in hac villá qui eft Ornithon, ex eo uno quinque millia fcio veniffe turdorum denariis ternis, ut fexaginta millia (fubaud. fefter tia) ea pars reddiderit eo anno villa, bis tantùm quàm tuus fundus ducentum jugerum reate reddit (Varr. de Re ruft. lib. III, cap. II.). Nous ne prétendons pas donner comme des termes de comparaison, des prix outrés que la fantaisie, le luxe ou la sensualité ont mis quelquefois aux chofes de moindre valeur. Varron a vu vendre un âne foixante mille fefterces (13500 liv.); d'autres, deftinés à fervir d'étalons, ont été achetés trente & quarante mille fefterces (6750 ou 9000 liv.); deux couples de chevaux ont coûté jufqu'à quatre cents mille fefterces (90000 liv.); c'est bien moins que le Bucéphale d'Alexandre le Grand, qui, comme l'écrit Pline, fut acheté feize talens (96000 liv.). Les gourmands de l'ancienne Rome ne rougiffoient pas, dès le temps de Varron, de donner cinquante deniers (45 liv.) d'un jeune paon engraiffé; trois deniers (54 fous) d'une grive; 200, 1000, 1600, & jufqu'à 4000 fefterces, au temps de Columelle (45 liv., 225 liv., 360 liv,, 900 liv.), pour une couple de pigeonneaux. Tous ces prix font l'affaire des petits pois à Paris dans la primeur.

Nous n'examinerons pas non plus les prix extrêmes des chofes néceffaires à la vie de l'homme dans les temps de difette & de famine. Par exemple, on lit dans Céfar (de Bell. civ. lib. I.) que le modius de bled valut jufqu'à cinquante deniers (553 liv. 18 f. le fetier) dans fon camp, lorsqu'il étoit en présence d'Afranius.

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On voit dans Plutarque que dans la guerre contre les Parthes, la famine fut fi grande dans le camp d'Antoine, que la huitieme partie d'un modius de froment fe vendoit cinquante drachmes (deniers); c'eft fur le pied de 4431 liv. le fetier. Nous avons beaucoup d'exemples pareils dans notre hiftoire : cherchons-en qui foient plus ordinaires.

Nous avons déja vu que Salomon fe procuroit des chevaux d'Egypte pour la fomme de 150 ficles, qui valent 312 liv. 10f. Un beau cheval fe vendoit beaucoup plus cher. Xénophon (Exped. Cyr. lib VII.) vend à Lampfaque le fien qu'il aimoit beaucoup, pour la fomme de cinquante dariques qui font 1250 liv. de notre

monnoie.

Columelle (de Re Ruft. lib. III, cap. III.) nous apprend que de fon temps, un bon efclave vigneron pouvoit coûter fix ou ou huit mille fefterces: fed ego plurimorum opinioni diffentiens, pretiofum vinitorem inprimis effe cenfeo: ifque licet fit emptus fex vel potiùs feftertiis octo millibus, cùm ipfum folum feptem jugerum totidem millibus numorum partum, vineafque cum fuâ dote, id eft, cum pedamentis & viminibus binis millibus in fingula jugera pofitas duco. Les deniers étant encore alors probablement à la taille de quatre-vingt-quatre à la livre, le prix d'un efclave vignéron au temps de Columelle, reviendroit à 1350 ou à 1800 liv. de notre monnoie. On fait que c'est encore à préfent le prix d'un bon efclave en Amérique.

Par le même paffage de Columelle on voit qu'un jugere de vigne fe vendoit mille fefterces, d'où il fuit que l'arpent de France fe feroit vendu quatre cents dix-huit liv. de notre monnoie; c'est encore le prix courant d'un arpent de terre dans les cantons éloignés des grandes villes, fouvent même il se vend beaucoup moins.

Le même Auteur dit au même endroit, que quarante urnés qui font un culléus, de vin, fe vendoient trois cents fefterces dans les années les plus abondantes: quippè ut deterrimi fint generis vineæ, tamen fi cultæ fingulos utique culleos vini, fingula ea um jugera peræquabunt: utque trecentis numis quadragena urna veneant, quod minimum pretium eft annonæ, confumant tamen feptem cullei fetertia duo millia & centum numos. Ceci fert à prouver qu'au temps de Columelle, le muid de vin mesure de Paris, auroit valu 31 liv. 7 fous, & la pinte au bouteille, 2 fous 2 deniers

tournois. C'eft encore le prix du vin dans quelques-unes de nos Provinces, lorsque la vendange est abondante.

Columelle au même endroit encore, comparant le produit des vignobles à celui des autres terres, dit que lorfqu'un jugere de pré, de pâturage ou de bois produit cent fefterces au propriétaire qui le fait valoir, il doit être fort content: cùm prata & pafcua, & filva, fi centenos feftertios in fingula jugera efficiant, optimè domino confulere videantur. Sur ce pied un arpent auroit rendu 41 liv. 16 fous. Ce produit eft moins confidérable que celui que nous a fourni le paffage de Varron; mais ce dernier Ecrivain parloit d'une bonne terre dans les environs de Rome. L'an 1200 de la fondation de Rome, ou l'an 446 de l'ére vulgaire (Hift. du Bas-Empire, liv. XXXIII, art. XLVII.), par une loi de Valentinien III, le fou d'or eft évalué à 40 modius de froment, à 270 livres de viande, à 200 fetiers de vin. A ce compte, le fetier de bled mefure de Paris, n'auroit valu que 5 liv. 16 fous, la livre poids de marc de viande, que fou 7 deniers, le muid de vin 21 liv. 2 fous, & la pinte 2 fous 4 deniers. Je foupçonne erreur au moins dans le prix du bled; ou bien il ne s'agit pas du modius, ou bien ce n'eft pas du modius Romain: fi c'étoit le modios Attique, le fetier de bled n'auroit encore valu que 7 liv. 14 fous; fi c'étoit l'hémiate, alors le fetier auroit valu 15 liv. 8 fous; ce prix paroîtroit plus raisonnable. Par une autre loi du même Prince, chaque milicien eft eftimé trente fous d'or, qui valent 450 liv. C'eft apparemment, dit M. le Beau, à quoi fe montoit alors la paie du foldat & la dépense néceffaire pour fon équipement & fa fubfiftance, pendant une année. Mais nous voyons, ajoute-t-il, que dans ce temps-là, l'estimation du milicien varie fuivant la volonté des Princes, fans doute à proportion des befoins de l'épargne.

Suivant Démofthenes (Philipp. 1) la paie d'un foldat fantassin étoit de dix drachmes (10 liv.) par mois, ou de deux oboles ( 6 fous 8 deniers) par jour à cette condition le fantaflin gagnoit par jour la valeur de trois chénices & un cinquieme de bled, car le bled valoit cinq drachmes le médimne on ne lui donne pas tant aujourd'hui. Le cavalier avoit par mois trente drachmes, ce qui revient à vingt fous tournois par jour. Quelquefois les foldats Grecs avoient un darique 16 fous 8 deniers par jour) de paye par mois; c'étoit la folde que des Perfes avoient cou

tume de leur payer. On voit qu'à la priere de Cléarque le jeune, Cyrus l'augmenta encore à ceux qui le fuivoient dans la haute Afie, & que d'un darique, il la fit monter à un darique & demi par mois (25 fous par jour). La paye des matelots étoit de trois & quatre oboles par jour (10 & 13 fous 4 deniers). Souvent la du foldat qui fervoit fur les vaiffeaux étoit portée jusqu'à la drachme entiere. Dans la flotte qui fut envoyée en Sicile, les Athéniens donnerent par jour une drachme de paye; fans doute que ces foldats étoient obligés à tout leur entretien.

paye

Les foldats Romains, dit M. Rollin, (Hift. anc. tom. XI, pag. 366,) dans les premiers temps de la République, la fervoient gratuitement, & fans recevoir de paye. Les guerres pour lors ne fe faifoient pas loin de Rome, & n'étoient pas de longue durée. Dès qu'elles étoient terminées, les foldats retournoient chez eux, & prenoient foin de leurs biens, de leurs terres & de leurs familles. Ce ne fut que plus de quatre cents quarante ans depuis la fondation de Rome, que le Sénat, à l'occafion du fiege de Veies, qui fut fort long, & continué fans interruption pendant T'hiver contre la coutume, ordonna, fans en être requis, que la République payeroit aux foldats une fomme réglée pour le fervice qu'ils lui rendroient. Ce décret d'autant plus agréable au peuple, qu'il ne paroiffoit l'effet que de la pure libéralité du Sénat, caufa une joie univerfelle, & tous les citoyens s'écrierent qu'ils étoient prêts de répandre leur fang & de facrifier leur vie pour une patrie si bienfaisante.

"

Pour fournir à cette paye, on imposa un tribut fur les citoyens à proportion de leur révenu. Les Sénateurs donnerent l'exemple qui entraîna après eux tous les autres, malgré l'oppofition des Tribuns du peuple. Il paroît que perfonne n'en étoit exempt, pas même les Augures ni les Pontifes. Ils s'en étoient difpenfés pendant quelques années par voie de fait, & de leur autorité privée. Les Quefteurs les firent affigner pour fe voir condamner au payement de toutes ces années. Ils en appellerent au peuple qui les condamna. Quand la guerre étoit terminée, & qu'on avoit fait un butin confidérable fur les ennemis, on en employoit quelquefois une partie à reftituer aux particuliers les fommes quon avoit exigées d'eux pour les frais de la guerre. Ce tribut subsista jufqu'au troisieme triomphe de Paul-Emile fur les Macédoniens, qui fit entrer tant de richeffes dans le-tréfor public, qu'on jugea

à propos d'abolir pour toujours cette imposition.

Quoique le foldat ne fervît ordinairement que la moitié de l'année, il recevoit la folde pour une année entiere, comme il paroît par plufieurs endroits de Tite-Live, & elle lui étoit payée à la fin de la campagne, quelquefois auffi de fix mois en fix mois. que l'on a dit jufqu'ici de la paie militaire chez les Romains, ne regarde que les fantaffins.

Ce

Elle fut auffi accordée trois ans après aux cavaliers pendant le même siege de Veies. C'étoit la République qui leur fournissoit des chevaux: ils avoient eu la générosité dans un preffant besoin de l'Etat, de déclarer qu'ils s'en fourniroient eux-mêmes à leurs propres dépens.

La paye des foldats, ftipendium, lorfque le denier Romain étoit du poids d'une once, pouvoit être d'une sembelle pour le fantaffin, & il feroit poffible qu'on lui eût donné le nom de fingule parce qu'elle étoit le falaire de chacun, parce qu'on la donnoit par tête dans ce cas, celle du cavalier auroit été une libelle où un as. Le cavalier auroit donc eu vingt fous de paye, & le fantaffin dix fous. On trouvera fans doute que c'eft trop pour le fantaffin. Si la folde étoit le téronce, il n'avoit que valant fix fous huit deniers, précisément comme les foldats Grecs au temps de Démofthenes. En admettant que le téronce fut d'abord la paye du piéton, & que cette petite monnoie avoit été fabriquée pour cet ufage, il fera facile de fe perfuader qu'on lui avoit donné un nom qui en exprimoit l'emploi; on pouvoit l'appeller ftips. En effet, les Lexicographes, d'après Cicéron, difent que la ftips étoit la plus petite efpece de monnoie qu'euffent les Romains, ce qu'il faudroit entendre de l'argent & non du cuivre, Quoi qu'il en foit, la ftips étoit une monnoie réelle, & il paroît par Feftus qu'on s'en fervoit pour payer les foldats: ftipem effe nummum fignatum teftimonio eft & de eo quod datur ftipendium militi, &c. Et ailleurs, ftipem dicebant pecuniam fignatam, &c.

quatre

Polybe, qui étoit contemporain & ami du fecond Scipion l'Africain, marque que la paie journaliere du piéton chez les Romains étoit de la valeur de deux oboles, celle des centurions de oboles, & celle des cavaliers de fix oboles ; c'est-à-dire que la paye du fimple foldat de pied, étoit d'un tiers de denier, celle du centurion de deux tiers de denier, & celle du cavalier d'un denier; car les Romains ne payoient pas leurs troupes en mon

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