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que

Les premiers Romains condamnoient généralement l'ufure, de quelque nature qu'elle fût; ce qui faifoit dire à Caton l'ancien, que parmi les premiers Romains l'ufure étoit plus en abomination, & punie plus févérement que le vol: Majores noftri fic habuere, & ita in legibus pofuere, furem duplo condemnari, fœneratorem quadruplo (Cato, de Re ruft. initio.). Cette nobleffe de fentimens fubfifta tant que l'amour de l'égalité & de la frugalité furent en vigueur; mais l'ambition & l'avidité qui fuivirent les fuccès des armes Romaines, porterent l'ufure à des excès révoltans, qui plus d'une fois jetterent de grands troubles dans la République, & y allumerent le feu des difcordes civiles. On fit des loix la cupidité ne refpecta pas long-temps. Tacite (lib. VI, 16. Annal.) témoigne que les loix des douze Tables, pour réprimer la licence des ufuriers, ne permirent que l'ufure onciaire, qui fut elle-même enfuite reftreinte à la demi-once, & fuivie de l'anéantissement de toute ufure: Sanè vetus urbi fœnebræ malum & seditionum difcordiarumque creberrima cauffa, eoque cohibebatur antiquis quoque & minùs corruptis moribus. Nam primo duodecim Tabulis fanctum, ne quis unciario fœnore amplius exerceret, cùm antea libidine locupletium agitaretur, dein rogatione tribuniciâ ad femuncias redacta: poftremò vetita verfura. Multifque plebifcitis obviam itum fraudibus, quæ toties repreffa, miras per artes rurfum oriebantur. «Je fais, dit M. Dupuy, que Dumoulin & M. de Montesquieu >> accufent Tacite de s'être trompé. En 398, & environ quatre» vingt-dix-fept ans après les loix des douze Tables, les Tribuns >> Duilius & Manius fixerent, dit-on, par une loi le taux de l'ufure » à un pour cent par an; & c'eft cette loi que Tacite confond avec » la loi des douze Tables. Néanmoins Tite-Live (lib. VII, n°. 16.), » que l'on cite, ne dit point qu'à la follicitation des Tribuns on » fit une loi, mais feulement un plébiscite, deux choses qu'il n'eft >> pas vraisemblable que Tacite ait confondues. Il est bien plus » naturel de croire que, malgré la loi des douze Tables, les >> Grands de Rome ne voulurent pas fe contenter de l'ufure on>> claire, ce qui détermina Duilius à la propofer de nouveau » : Haud que patribus lata in fequenti anno C. Marcio, Cn. Manlio Confulibus, de unciario fœnore à M. Duilio, L. Manio Tribunis plebis rogario eft perlata, & plebs aliquanto eam cupidiùs fcivit accopique. Ceci arriva l'an de Rome 398.

« Quoi qu'il en foit, ce fut dix ans après ce plébiscite, faus

» le

>> le confulat de T. Manlius Torquatus & de C. Plautius, que » l'usure fut réduite à la demi-once, vers l'an de Rome 408 » : T. Manlio Torquato, C. Plautio Confulibus, femunciarium ex unciario fœnus factum (Liv. lib. VII, no. 27.). « Tite-Live nous af>> fure encore que le Tribun Génucius, au rapport de quelques » Auteurs, propofa la fuppreffion totale des ufures »: Præter hæc invenio apud quofdam, L. Genucium, Tribunum plebis, tuliffe ad populum, ne fœnerare liceret (ibid. n°. 42.). « Ĉeci feroit arrivé » vers l'an de Rome 413; mais quand cette idée auroit été con» firmée par un plébifcite, & même par une loi, l'ufure ne laiffa » pas de monter, quelque temps après, de la demi - once à la » fémiffe.

» Enfin, après la conquête de l'Afrique, de l'Afie, de la Grece & » des Gaules, Rome opulente vit croître la foif des richesses avec » l'étendue de fon Empire, & l'ufage de la centieme s'introduisit » non-feulement dans fon fein, mais encore dans tous les Etats » qui lui étoient foumis. Combien ne s'en trouva-t-il pas encore >> qui ne purent s'en contenter, & combien de fois la fermeté des » Magistrats n'eût-elle pas à lutter contre la cupidité ? Lucullus » eut besoin de toute fon autorité pour contenir dans ces bornes » les publicains d'Afie, ou les fermiers des impofitions mifes par >> le Dictateur Sylla; comme enfuite Cicéron de toute la fienne, » étant Proconful de Cilicie, pour s'oppofer au Tréforier de Pom»pée, qui vouloit exiger du peuple le quadruple de la centéfime. » Ainfi, malgré les efforts des Magiftrats à refréner l'avidité des » créanciers, malgré même la loi de Conftantin, qui ne permettoit >> au plus que la centieme, ne paroît-il pas que l'ufure ait eu des >> bornes bien marquées chez les Romains jufqu'à Juftinien ?

» On peut réduire les divers Réglemens qui furent faits avant » le regne de ce Prince, à trois objets principaux, dont l'un con» cerne l'anatocisme (nous en avons parlé ci-devant); l'autre re» garde la nature de l'ufure, relativement à celle du prêt & à » l'état des perfonnes; & le dernier, le temps de la cessation des » ufures.

» Il paroît qu'anciennement la permission de l'ufure étoit géné>> rale, & la même pour toute perfonne fans diftinction. Nous >>lifons cependant dans Lampride (in Alexand. Sev. n°. 26.) qu'A>>lexandre Severe n'accorda aux ufuriers que la tierce, & qu'ayant » d'abord défendu aux Sénateurs tout prêt ufuraire, avec la per

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» mission seule de recevoir quelque présent, il leur permit enfuite » la fémisse »: Ufuras fœneratorum contraxit ad trientes penfiones etiam pauperibus Confulens. Senatores, fi fœnerarentur, ufuras accipere primò vetuit, nifi aliquid muneris caufâ acciperent, poftea tamen juffit ut femijes acciperent. Donum, munus tamen fuftulit. « Cafau» bon a quelque raifon de trouver ce réglement étrange, puif» qu'il femble que des gens qui par état vivoient du commerce de >> leur argent, devoient avoir la liberté de la fémiffe plutôt que » des Sénateurs de plus, il lui paroît ridicule que l'Empereur » n'ait accordé aux premiers que ce qu'il fe permettoit lui-même, » puifque l'Hiftorien (ibid. no. 21.) attefte qu'il prêtoit à l'usure » tierce; fœnus publicum trientarium exercuit: exemple au refte que » lui avoit donné Antonin Pie, au rapport de Capitolin (in An» tonin. Pio.): Idem foenus trientarium, hoc eft, minimis ufuris exer»cuit. Juftinien (Cod. Juft. L. IV, tit. 32, leg. 26.) mit à la fois » une diftinction entre les créanciers & entre les prêts; il ne per» mit que le tiers de la centéfime aux Illuftres, les deux tiers de » la centéfime aux Banquiers & aux Commerçans, & la sémisse >> au reste des hommes. Dans cette derniere claffe furent compris l'argent emprunté du Fifc, & celui des Cités. L'Eglife & les >> Maisons faintes n'empruntoient qu'au quart de la centéfime, & » tel fut aussi, selon les Interpretes, le taux de l'argent qu'elles » prêtoient ». ( Cod. Juft. lib. X, tit. 8, leg. 3: Novel. 120, cap. 4 & 6, § 2.)

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<< La centéfime ne fut permife que pour les prêts maritimes, » comme elle l'étoit pour celui des fruits, parce qu'en ce cas le » débiteur n'étoit tenu ni du principal, ni de l'intérêt ; l'ufure >> même ne couroit qu'autant que fubfiftoit le danger, ou que du» roit la navigation. Le vaiffeau arrivé au port, la centésime n'avoit >> plus lieu; elle étoit remplacée par une ufure moindre, relative » à la diftinction dont on a parlé. Enfin, l'argent prêté aux culti>>vateurs ne produifoit au bout de l'an qu'une filique fou (Novel 32 & 33, l'an 536 de J. C.): Eide vouloμata Ta Saver» θέντα ἔτη ἐφ' ἑκατω νομισματι ενιαύσι ζ κεράτιον ἕν, προφάσει τόκου : » c'étoit environ le tiers de la centéfime, ou quatre & un fixieme » pour cent. Dans la fuite, l'Empereur Bafile défendit générale»ment toute efpece d'ufure; mais Léon, fon fils, s'appercevant >> du dommage que le commerce en fouffroit, parce que chacun >> ferroit fon argent, fupprima un Edit qui, malgré les éloges

par

qu'il méritoit, étoit néanmoins plus pernicieux qu'utile, comme » il le dit lui-même (Leo Conftitut. 83.), & remit en vigueur les » Réglemens anciens.

Quant à ce qui regarde le temps de la ceffation des ufures, >> il y avoit bien eu des loix qui avoient déterminé qu'elles ne cour>> roient plus lorfqu'elles feroient montées au double du principal; >> c'est-à-dire, que le débiteur étoit entiérement quitte envers fon » créancier, lorfque l'intérêt payé en divers temps faifoit le dou» ble de l'argent emprunté. Cet ufage qui, felon le témoignage » de Diodore, étoit pratiqué chez les Egyptiens, fouffroit chez >> les Romains deux exceptions qui le rendoient prefqu'inutile : » car il n'avoit pas lieu lorsque le créancier avoit reçu des gages, » tant pour l'intérêt que pour le principal. Il eft vrai qu'alors le » créancier n'avoit pas action pour ce qui excédoit le double du » principal; mais il pouvoit retenir le gage jufqu'à concurrence » de fa valeur cela fuffifoit fans doute pour engager la plupart à >> ne vouloir prêter que fur gage. D'ailleurs les ufures déja payées » n'étoient pas comprises dans le double du principal, mais celles >> uniquement qui reftoient à payer de maniere que, pour >> der fi l'ufure devoit encore avoir cours, on comptoit pour rien >> ce qui en avoit déja été payé par le débiteur; on examinoit » feulement fi ce qui lui reftoit d'ufures à acquitter étoit égal à >> la fomme prêtée. Juftinien, pour prévenir ces abus, ordonna » que tous les arrérages dus ou acquittés entreroient en ligne de >> compte, & concourroient à former le double du principal; d'où » il réfultoit que le débiteur ne devoit plus rien, lorfque tous les paiemens particuliers des ufures, faits en différens temps, for » moient une somme double de l'argent emprunté (Cod. Juft. lib. IV, tit. 32, leg. 10 & leg. 4; & Novel. 121 & 138.).

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déci

>> Il paroît cependant que la loi ne s'étendoit pas à l'argent du >> fifc, ni à celui des cités. La ville d'Aphrodise (oxis A'opod to leav) » avoit prêté à des particuliers à un intérêt annuel fixé par la fti»pulation; les débiteurs, fondés fur les conftitutions Impériales, >> fe crurent entiérement libérés lorfqu'ils eurent payé, en diffé>> rens temps, jufqu'au double du principal. La Ville qui ne l'en» tendoit pas ainfi, confulta l'Empereur lui-même. Il répondit que » les débiteurs étoient toujours tenus du paiement de l'intérêt » convenu, jufqu'à ce qu'ils euffent rendu le principal; que fa »loi ne regardoit que les banquiers, ou ceux qui faifoient com

»merce de leur argent (rous daveids ); & qu'après tout, c'étoit » moins, dans le cas préfent, une ufure qu'un revenu annuel. A » quoi il ajoutoit qu'il ne devoit pas avoir moins d'égard pour » l'argent des Cités, que pour celui du fifc (Novel. 160, c. I. ). >> Ce qui montre que ceux qui empruntoient du fifc, ne jouif»foient pas du bénéfice de la loi Impériale, & qu'ils étoient >>tenus des ufures jufqu'à ce qu'ils euffent rendu le principal.

>> Les Grecs, dans le calcul des ufures, fuivirent deux mé»thodes; l'une relative à l'efpace d'un an, l'autre à celui d'un >> mois. Les expreffions fuivantes font du premier genre.

» Toxos ETÍTρITOS, c'est le tiers du principal par an, trente-trois >> drachmes & un tiers pour cent; ce qui revient par mois à deux >> drachmes & fept neuviemes. Gronovius croit qu'on peut rendre » cette efpece d'ufure en latin, par binæ centefimæ dodrantes; ce » qui n'est pas exact: car cette expreffion annonce deux drachmes >> & trois quarts pour cent, par mois. Il falloit dire binæ centefimæ, » dodrantes, bina fextulæ.

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Toxos Qextos, c'est le fixieme annuel du principal, seize >> drachmes & deux tiers par an pour cent, ou une drachme & par mois. Gronovius la rend en latin, par centefima & trien»tes, & quaternæ fextulæ, ce qui eft très-jufte : car d'abord la >> centéfime donne une drachme par mois. La fextule est le foixante>> douzieme de la centéfime considérée comme un as à douze » onces, & la fextule eft le fixieme de l'once : or & de drach » me font 18

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Toxos Tireulos, le cinquieme annuel du principal, ou vingt >> drachmes pour cent, ce qui revient par mois à une drachme » & ; c'est précisément ce que les Latins difent centefima, besses. » Toxos éπoydoos, le huitieme annuel du principal, ou douze » drachmes & un demi pour cent, ce qui fait par mois une drachme centefimæ femuncia.

» & 24?

» Toxos éπidénatos, le dixieme annuel du principal, ou dix » drachmes pour cent, & de drachme par mois, ufuræ dextantes. >> Voici maintenant quelques expreffions du fecond genre.

Toxos i Spaxμn, une drachme pour cent par mois, c'est la >> centéfime, xaton.

» Τόκος ἐπὶ δυσὶ, τρισί, &c. δραχμαῖς, c'eft le double, le tri»ple, &c. de la centéfime.

Tónos iπi évvia Coλois, neuf oboles ou une drachme & demie

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