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qui pefe en feigle 160 livres, poids de cette Ville, & qui probablement eft de la capacité de celui de Leipfick.

Il résulte des effais faits à Berlin, que le fetier de feigle mesure de Paris, pefant 219 livres, produiroit 168 livres de farine paffée à fin, qui feroient 240 livres de pâte, ou 210 livres de pain blanc; ou bien que le même fetier réduit tout entier en pain de ménage, en produiroit 316 livres : par conféquent un fetier de bon feigle produiroit plus de pain qu'un fetier de bon froment, puisque nous avons vu que d'un fetier du plus beau froment on ne tiroit que 272 ou 275 livres de pain de ménage. Cependant j'ai lu dans le Journal d'Agriculture (Avril 1772.) que d'après des effais faits à Alençon, un boiffeau mefure de Paris du plus beau bled, pefant 22 livres, a produit 18 livres d'excellente farine, 4 livres de fon, & 37 livres de pain de la meilleure qualité, ce qui fait 444 livres de pain par fetier. On ajoute que lorfque ce bled eft moulu économiquement, il ne rend que 2 livres de fon avec 20 livres de farine, & environ 41 livres de bon pain de ménage, qui en font 492 par fetier: mais fans doute que ce bled avoit été paffé au crible Normand, ce qui ne doit pas faire regle. Selon le même Obfervateur, un boiffeau de bled pefant 20 livres, contient 16 livres de farine, mais ne les donne pas à la mouture, & 4 livres de fon. Cette farine prend moins d'eau à proportion à la boulangerie. Un boiffeau de bled pefant 17 livres, contient 13 livres de farine, mais elle ne fe fépare pas bien du fon, & 4 livres de fon. Un boiffeau de bled pefant 16 livres, contient 10 livres de farine, & livres de fon. Enfin un boiffeau du plus mauvais bled pese 13 livres, produit 3 à 4 livres de farine d'une très-médiocre qualité, 9 à 10 livres de fon, & 6 à 4 livres, & même moins, de pain de qualité inférieure. Il feroit à fouhaiter qu'on nous donnât une Table fuivie du produit d'une mesure de bled, à raifon de fon poids; elle pourroit fervir à en régler le prix.

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A ces obfervations des Modernes nous ajouterons celles des Anciens; nous les emprunterons de Pline.

La maniere de moudre les grains n'étoit pas uniforme dans l'antiquité les uns piloient leurs bleds dans des mortiers, comme en Etrurie (la Tofcane): cette méthode étoit pratiquée dans la meilleure partie de l'Italie, mais on s'y fervoit auffi de meules de pierre, mues comme aujourd'hui par une chûte d'eau, ou par l'action d'un courant. Le Carthaginois Magon expofe les procédés

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en ufage de fon temps pour réduire les grains en farine. Avant tout, il faut, dit-il, faire tremper le bled dans beaucoup d'eau, l'en tirer enfuite, le faire fécher au foleil, puis le piler dans un mortier. On traite l'orge de la même maniere: fur vingt fetiers d'orge, il faut verfer deux fetiers d'eau. On faifoit griller les lentilles avant que de les moudre dans le mortier. On employoit ainfi des méthodes différentes pour quelques autres fortes de grains & de légumes.

L'ufage des cribles, des tamis & des bluteaux étoit connu des Anciens les Gaulois les faifoient de crin de cheval, les Efpagnols de fil de lin, & les Egyptiens de papyrus & de jonc.

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Il n'y eut point de Boulangers à Rome jufqu'au temps de la guerre de Perfée, c'eft-à-dire, jufqu'à l'an 580 depuis la fondation de la Ville; les citoyens fabriquoient eux-mêmes leur pain: c'étoit l'ouvrage des Dames Romaines, comme cela fe pratique encore chez les peuples qui n'ont pas été corrompus par le luxe & les préjugés.

Les Anciens faifoient un grand usage du millet pour la compofition du levain. Ils mettoient ce grain dans du vin doux, où ils le laiffoient fermenter durant un an. Ils fe fervoient également des recoupes du froment, qu'ils faifoient macérer durant trois jours dans du vin blanc doux, & qu'ils mettoient enfuite fécher au foleil: ils en délayoient quelques pastilles lors de la fabrication du pain; ils les laiffoient fermenter dans une certaine quantité de fine farine, qu'ils mêloient enfuite dans la maffe totale. Ils croyoient cette méthode la meilleure pour faire d'excellent pain.

Les Grecs avoient établi comme une regle générale, que fur deux demi-modios, c'eft-à-dire, fur un hectos ou fixieme de médimne de farine, il falloit employer deux tiers de livre de levain; c'est 19 130 livres poids de marc pour un fetier de farine. Tous les levains précédens fe préparoient dans le temps des vendanges; mais on préparoit en tout temps une autre forte de levain: on prenoit deux livres de pâte d'orge, que l'on faifoit chauffer jufqu'au degré de l'ébullition par le moyen d'une platine de terre cuite appliquée fur des charbons ardens: au fortir du feu, on l'enfermoit dans des vases où on la laiffoit aigrir pour le befoin. Quand on vouloit faire du pain d'orge, on en faifoit fermenter la pâte en mettant deux livres de geffe fur cinq-douziemes de médimne de farine ceci revient à 11 livres de geffe fur un fetier de farine d'orge,

A préfent, dit Pline, on tire le levain de la pâte même que l'on a préparée pour faire du pain on prend un tourteau de la masse totale, avant que d'y avoir mis le fel; on le laiffe aigrir, & fans autre apprêt, on peut en faire usage dès le lendemain. Les Gaulois & les Espagnols, après avoir réduit le froment en boiffon, en prenoient l'écume, qu'ils gardoient pour faire lever la pâte : auffi leur pain étoit-il plus léger qu'il n'a coutume de l'être chez les autres peuples; il étoit auffi plus fain: car le pain bien levé contribue à procurer de la fanté & de la force à l'homme qui s'en nourrit. J'obferverai ici que les Parifiens ont confervé cette méthode des Gaulois, puifque aujourd'hui encore ils excitent la fermentation dans la pâte, en y mettant une certaine quantité de levure ou d'écume de bierre.

Le pain de munition pour la confommation des troupes Romaines, fe fabriquoit à raifon de quatre livres de pain pour trois livres de bled; enforte que le fetier de Paris, pefant 240 livres, produiroit 320 livres de ce pain de munition, & le boiffeau 26.

Le meilleur froment étoit celui qui prenoit, à la boulangerie, à raifon d'un conge d'eau pour un modius de bled, tant chez les Grecs que chez les Romains. De ce principe il fuit que le fetier du meilleur froment doit prendre 60 pintes d'eau à la boulangerie, & le boiffeau 5 pintes.

Il y a des bleds, celui, par exemple, des Ifles Baléares, qui rendent par modius jusqu'à trente pondo de pain; le fetier de Paris rendroit à proportion 318 livres de pain.

Il y a certains mélanges de bleds, comme celui que l'on fait du bled de l'Ifle de Cypre, & du bled d'Alexandrie d'Egypte, dont le modius ne pefe guere plus de 20 pondo, 212 livres le fetier. Le bled de Cypre n'eft pas d'un beau blanc, il fait le pain noir; c'est pourquoi on le mêle avec celui d'Alexandrie, qui est d'une blancheur parfaite. Le modius de ce mélange de bled produit 25 pondo de pain, c'est 265 livres de pain par fetier. Le bled de Thebes en Egypte rend un pondo de plus par modius; le fetier de ce bled auroit par conféquent rendu 275 livres de pain.

Le plus excellent pain fe faifoit de l'efpece de bled appellé filigo; la filigo d'Italie l'emportoit fur toutes les autres, mais principalement le mélange que l'on compofoit de celle qui croiffoit dans la Campanie avec celle du territoire de Pife dans l'Etrurie :

celle de la Campanie eft d'une couleur qui tire fur le jaune; celle de Pife eft très-blanche; mais la filigo dont la couleur tiroit fur celle de la craie, étoit la plus pefanté. Le grain de la Campanie rend réguliérement, pour un modius, quatre fetiers de farine-affinée, qu'on appelloit auffi filigo; ou bien cinq fetiers de farine de premiere qualité, mais fans affinage, & outre cela un demi-modius de farine commune appellée flos, quatre fetiers de recoupes, & quatre fetiers de fon. Le grain de Pife rend cinq fetiers de farine affinée, & le refte comme le grain précédent. Les bleds de Clufium & d'Arezzo produisent un fetier de farine affinée de plus.

Si au lieu de farine affinée, on faifoit réduire le modius de grain en farine de ménage, appellée pollen, on en retireroit seize pondo de pain, trois de pain bis, & un demi-modius de fon. Sur ce pied, le fetier de bled mesure de Paris auroit produit 169 livres de bon pain, environ 32 livres de gros pain, & un demifetier ou une mine de fon.

Les différences dans la mouture en occafionnent dans la quan tité du pain. Le bled moulu bien fec rend plus de farine; le bled qu'on a fait macérer dans de l'eau falée, rend la farine plus blanche, mais il en refte davantage avec le fon.

Un modius de la farine du bled appellé filigo, rend dans la Gaule 22 pondo de pain. En Italie, il produit deux ou trois pondo de plus en pain cuit dans des tourtieres; car en pain cuit au four, tous ces bleds donnent deux pondo de plus. Le fetier mesure de Paris de cette farine auroit donc produit en Gaule 233 livres de pain cuit dans des tourtieres, & 254 livres de pain cuit au four. Le fetier de farine de bled d'Italie auroit rendu au moins 254 livres de pain cuit en tourtieres, & 275 livres de pain cuit au four.

On tire du froment barbu une farine très-eftimée qu'on appelle fimilago. Le modius du froment d'Afrique ( du territoire de Tunis) rend un demi-modius de cette fine farine, de la farine appellée pollen, de recoupes ou de groffe farine, & de fon, ce qui fait en tout de farine & de fon, ou bien de farine contre de fon c'eft-à-dire, qu'un fetier mefure de Paris de bled d'Afrique, rendoit 6 boiffeaux de la plus fine farine, appellée fimilago, 3 boiffeaux de farine de moyenne qualité, 3 boiffeaux de groffe farine ou de recoupes, & 3 boiffeaux de fon, ce qui fait en tout

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en fomme,

12 boiffeaux de farine & 3 boiffeaux de fon, ou, 15 boiffeaux de farine & de fon.

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Ön fait 122 pains d'un modius de la fine farine appellée fimilago, & 117 pains d'un modius de la farine plus commune appellée flos. Sur ce pied, le fetier de fine farine produiroit 1890 de ces pains ou galettes des anciens Romains, qui probablement étoient chacun de 2 onces poids Romain, ou d'un peu plus de 2onces poids de marc.

commune,

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Le prix d'un modius de farine, au temps de Pline, étoit, année de quarante as; or le modius de bled, lorsqu'il eft moulu, produit, comme nous venons de le voir, de modius de farine en total, qui par conféquent doivent valoir 42 as; donc le fetier de bled moulu auroit alors valu 658 as, qui reviennent à 32 livres, & c'étoit le prix du produit d'un fetier de bled moulu dans le fiecle de Pline.

Eft & alia diftinctio. Similago L., pollen autem xvij pondo panis reddere vifa, tritici xxx cum triente & fecundarii panis quinas felibras, totidem cibarii & furfurum fextarios fex: La plus fine farine rend 5 pondo de pain par modius, la farine de moyenne qualité 17 pondo, le modius de froment rend 33 pondo de bon pain, 2 de gros pain, autant de pain bis, & fix fetiers ou

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de fon. Cet endroit paroît corrompu. Voyez au furplus Pline, lib. XVIII, Cap. VII, IX, X & XỈ.

Venons à l'application de ces obfervations, pour connoître la confommation du bled.

Une partie des habitans d'un Etat fe nourriffent de pain trèsblanc & très-fin, & le fetier du plus beau froment naturel ne produit que 192 livres de pain de cette qualité; l'autre partie des habitans, mais qui eft la plus confidérable, fe nourrit de gros pain compofé de la fine farine mêlée avec les recoupes, & fouvent même avec le fon au moins je fais que les habitans de la campagne, dans le bas Maine & la baffe Normandie, réduisent en pain le feigle au fortir de la meule, fans rien retrancher du fon. Or un boiffeau de froment du poids de 20 livres, rend au moins 16 livres de farine avec 4 livres de fon; il faut employer 5 pintes ou 9 livres d'eau pour paîtrir cette farine, par conféquent le boiffeau de bled paîtri avec le fon produiroit 29 livres de pâte, ou, fans le fon, 25 liv.: mais, comme nous l'avons observé, si les payfans ne laiffent pas tout le fon dans la pâte, au moins ils n'en

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