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pidon. Pline raconte, fur la foi de Varron, qu'on a vu autrefois une fi prodigieufe quantité de grenouilles dans la Gaule, qu'elles obligerent les habitans d'une grande ville de ce pays à l'abandonner, pour aller s'établir ailleurs. Enfin voici ce qu'on lit au fujet des poiffons foffiles, dans Pomponius Méla ( lib. II. in fine), dans l'endroit où il traite de la Gaule Narbonnoise: On y voit, dit-il, couler une fontaine, dont les eaux, loin d'être douces, font plus falées que celles de la mer. Tout près eft un terrein couvert de gramen arondinacée, qui fait une agréable verdure; mais terrein eft fufpendu fur des eaux cachées & ftagnantes; ce qui le prouve, c'est que fa partie du milieu est détachée du reste forme comme une ifle flotante, que l'on peut mouvoir à fon gré en la pouffant ou en la tirant. Si l'on en précipite quelques parcelles, auffitôt elles reviennent & furnagent. C'est delà, ajoute-t-il, que les Auteurs Grecs & Romains, foit faute de connoître la vérité, foit par le plaifir de raconter d'agréables menfonges, ont prit occafion d'écrire, & de tranfmettre à la posté, rité, que dans ce pays il fort de la terre un poiffon, qui ayant pénétré du fond de la mer jusques là, y eft tué & tiré mort par les habitans du pays. Il paroît, dit Paul Mérula de qui je tiens ces recherches, que par les Grecs dont Méla fufpecte ici la fincérité, il veut parler de Strabon & d'Athénée. Le premier dit (lib. VI.), que près du Tet (qui coule à Perpignan), & à affez peu de distance de la mer, il y a un lieu d'une nature humide & rempli de falines, duquel on tire des poiffons, que l'Auteur appelle Keftreis (mugiles, des mulets). Lorfque vous avez fouillé la terre, dit-il, à deux ou trois pieds de profondeur, vous trouvez, en y enfonçant une pointe de fer en harpon, de ces fortes de poiffons, & de la grandeur ordinaire : ils vivent dans la boue comme les anguilles. A l'égard d'Athénée, il dit (lib. VIII.), d'après Polybe (lib. XXXIV.), que depuis les montagnes des Pyrénées, jufqu'à Narbonne, il y a une plaine, au milieu de laquelle coulent le Tec & le Tet; que dans cette plaine on trouve des poiffons qu'on appelle poiffons foffiles; que le terroir de ce local eft léger & rempli d'herbes; que la terre étant fablonneuse à deux ou trois coudées de profondeur, on y rencontre de l'eau qui s'y eft répandue des fleuves voifins, & y coule dans des ruiffeaux fouterreins; que les poiffons fuivent le cours de ces ruifeaux, pour y chercher de la nourriture; & qu'enfin, comme ils

aiment la racine des herbes, tout l'intérieur des terres de ce rivage eft rempli de ces poiffons, que les habitans prennent, après avoir enlevé la peloufe. On peut ajouter ici ce qu'Ariftote (In admirandis) raconte, favoir que fur les confins des terres de la République de Marseille, & du côté de la Ligurie, il y a un lac, dont les eaux bouillonnantes venant à fe répandre au dehors, jettent, contre toute croyance, une multitude prodigieuse de poiffons.

Strabon écrit qu'il y a des mines d'or & d'argent dans la Gaule; que les montagnes des Cévenes produifent un or très-pur, mais que le pays des Tarbelles, peuples qui habitoient ce qu'on appelle aujourd'hui le Labourd, aux environ de Baïonne, fournissoit l'or le plus pur que l'on connût. Le même Auteur parle des mines de fer du Périgord & du Berri. Il y a, fuivant Athénée, des mines d'or dans divers cantons du pays des Celtes. Aufone donne l'épithete d'Aurifer au Tarn, qui coule dans l'Aquitaine. Diodore dit qu'il y a dans la Gaule plufieurs fleuves qui charrient de l'or; auffi lifons-nous dans Procope, que les Gaulois faifoient fabriquer des monnoies de l'or de leur fol, & qu'ils ne faifoient pas porter l'empreinte & l'image des Empereurs Romains, comme faifoient les autres peuples, mais qu'ils les revêtoient d'attribus analogues à la nation. Caffiodore (lib. VII. Varior. 37.) parle de la monnoie des Gaulois. Cette région paffoit, parmi les Anciens, pour un pays riche en métaux précieux, & opulent : plufieurs Ecrivains en ont confacré les témoignages dans leurs ouvrages, comme Manilius, Dion, Jofeph, & les Oracles Sybillins. Et, f Diodore a écrit que la Gaule n'avoit point de mines d'argent, d'un autre côté Athénée raconte, qu'une forêt dans les Pyrénées ayant été réduite en cendres par un incendie, on en vit couler des ruiffeaux d'argent, tant en Gaule, qu'en Espagne. Strabon parle auffi des mines d'argent dans le Rouergue & le Gevaudan. Il y a en plufieurs endroits de la Gaule, des mines de cuivre comme l'attefte Céfar. On y trouve des améthiftes, felon Pline, & du corail, vers les Ifles Stéchades, aujourd'hui d'Hyeres. Dion de Prufe, dit que dans un fleuve du pays des Celtes, on ramasse de l'ambre jaune & du fuccin.

Le Royaume de France, qui occupe aujourd'hui la Gaule Tranfalpine des Anciens, moins une étendue de vingt-quatre millions d'arpens de terre, eft un des plus grands, des plus floriffans, des

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plus riches, des plus peuplés du monde actuel, & ce n'eft point une defcription que nous avons prétendu en faire ici, ce n'en feroit pas la plus foible efquiffe. Il faudroit plufieurs volumes entiers pour en contenir le détail, & nous avons d'excellens ouvrages fur cette matiere, dans lefquels on peut s'inftruire amplement. Notre intention n'a été que de rapporter ce que les Anciens, dont les ouvrages nous font parvenus, ont dit de ce pays, qui nous eft cher, parce que c'eft celui que nous habitons, mais qui leur étoit peu connu, comme il paroît par ce que nous avons vu. Nous croyons devoir terminer ce Chapitre par quelques obfervations fur l'agriculture, dans le deffein de la perfectionner.

Quoique nous ayons des Ecrivains modernes qui affurent qu'il y a en France une certaine quantité d'arpens de terre en grande culture, qui pourroient rendre chacun dix fetiers, ce qui feroit quinze pour un de femence; peut-être ne doit-on gueres porter la grande fécondité de nos terres les meilleures, à plus de fix fetiers, c'est-à-dire, à neuf pour un de femence; & à quatre fetiers ou fix pour un de femence, celle de nos bonnes terres communes, audeffous defquelles il y en a une grande quantité de qualité inférieure ou mal cultivée, qui fouvent ne rapportent pas plus de deux fetiers & demi ou trois fetiers, c'eft-à-dire, quatre pour un, peu plus ou moins. M. le Maréchal de Vauban, qui a toujours paffé pour avoir apporté autant de fageffe dans fes recherches, que de vérité dans fes calculs, voulant déterminer le produit moyen des terres de la France, choifit, dans fon projet d'une dîme Royale (pag. 46, 47 & 48), la Province de Normandie, dans laquelle il y a des fonds de qualité différente, de bons, de médiocres & de mauvais. Il définit enfuite les mesures qui y font en ufage: l'acre y eft compofé de 160 perches quarrées, & la perche eft de vingtdeux pieds, mais le pied varie; la mesure du pied la plus commune, dit-il, & qu'on a fuivie, eft de onze pouces du pied de Roi. Après cela il ajoute : « On a examiné ce que pouvoit rendre » l'acre, année commune, de dix une dans toute la Province, le » fort portant le foible. Et quoique des perfonnes très-expérimen»tées aient foutenu qu'il y avoit beaucoup plus de terres qui ren» doient au deffus de 150 gerbes à l'acre, qu'il n'y en avoit qui >> rendoient au-deffous de cent, & qu'ainfi la proportion géomé» trique auroit été de mettre l'acre à 120 gerbes une année por

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> tant l'autre ; cependant comme ce fait a été contefté par d'autres » perfonnes auffi fort intelligentes, qui ont tenu, que la jufte proportion feroit de ne mettre les terres qu'à 90 gerbes par acre, » à caufe de la mauvaise culture où elles font pour la plupart, » on s'eft réduit à cet avis; parce que dans un fyftême femblable » à celui-ci, on ne doit rien avancer qui ne foit communément >> reçu pour véritable. Après quoi il a fallu examiner ce qu'il fal»loit de ces gerbes ordinaires pour faire un boiffeau de bled » année commune. Mais comme le boiffeau eft une mesure fort » inégale en Normandie, on l'a réduit au poid, qui est égal par >> toute la Province, & on a trouvé, d'un confentement una» nime, que cinq gerbes, année commune de dix une, feroient >> au moins un boiffeau, pefant cinquante livres. Mais parce que >> les terres ne fe chargent pas toutes les années, & qu'en plu>> fieurs cantons de la Province, elles ne portent du bled que de » trois années l'une, on a jugé que dans cette fupputation de la » dîme Royale, on ne devoit compter que deux années de trois, » parce que la dime des menus grains de la feconde année,

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jointe à la verte des trois années mifes enfemble, & à celle » des légumes, peuvent valoir l'année de bled, &c. ». Suivant ces obfervations, les 150 gerbes feroient à raifon de 55 boiffeaux & trois quarts de Paris, de bled par arpent Royal; les 120 gerbes feroient 44 boiffeaux par arpent, & les 90 gerbes environ 33 boiffeaux & demi. L'Auteur ajoute encore, qu'il eft vrai qu'il y a quantité de bois en Normandie, & que ce feroit fe tromper, que d'en mettre l'acre fur le pied des terres labourables; mais que comme il y a une grande quantité de prairies & de pâtures, qui rendent bien plus que les terres labourables, peut compenfer l'autre. Les meilleures terres ne rendoient donc en Normandie que peu plus de fix pour un, les moyennes ou médiocres que cinq, & la plus grande partie que quatre. Doublant les produits ci-dessus, puis divifant par 3, fuivant le principe de M. de Vauban, vous trouverez que le produit d'un arpent de terre en Normandie eft annuellement en bled, foit en menus grains, foit en légumes, de la valeur de 37 boiffeaux de bled, pour les meilleurs terres, de 29 pour les médiocres, & de 22 communément; défalquant la dîme, puis la femence, le reste fera peu de chose. Ordinairement un arpent de terre ne vaudroit pas chaque année plus d'un fetier de bled, faifant 20 ou 24 livres

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en monnoie ; & je ne fais fi un arpent de bois ne rend pas davantage; car une coupe de fept arpens de bois taillis produit bien jufqu'à cinq mille bourrées, & deux mille deux cents fagots: les bourrées fe vendent fept livres le cent, & les fagots trente livres ; le montant des fept arpens iroit à 1010 livres; divifant par 35, à cause que cette coupe ne fe fait que tous les cinq ans, vous aurez 29 livres environ pour le rapport annuel d'un arpent de bois taillis. Mais un arpent de pré fera ordinairement d'un revenu incomparable aux précédens, 400 bottes de foin à la premiere coupe, 200 bottes de regain, font 600 bottes, qui peuvent fe vendre 25 livres le cent, & produire 150 livres par an, fans frais de culture, & fans déduction quelconque.

Delà il fuit que fuppofer les récoltes de nos terres les unes dans les autres, à quatre fetiers de bled par arpent, c'est c'est trop fuppofer, au moins dans notre culture actuelle; car nous avons vu que les terres de la premiere qualité rapportoient rarement cinq fetiers de bled, très-rarement fix, & ces excellentes terres font en petite quantité; que les bonnes terres ne rapportent pas plus de quatre fetiers, & que celles qui font de médiocre qualité, lef quelles font en bien plus grand nombre, ne produifent gueres audelà de trente boiffeaux, faisant six cents livres de bled. Cependant nous laiffons fubfifter cette hypothefe, que nos terres, les unes dans les autres, rapportent quatre fetiers de bled par récolte; ce fera-là le taux général fur lequel on pourra évaluer le produit de la totalité des terres du royaume, en les portant au portant au plus haut, & en fuppofant qu'elles foient toutes cultivées en bled.

Il y a en France deux fortes de cultures qui y font en usage, dit M. Quefnay le fils, dans un favant Mémoire fur cette matiere (Voyez le Dictionnaire Encyclopédique au mot Grain), la grande culture, ou celle qui fe fait avec des chevaux, & la petite culture, ou celle qui fe fait avec des boeufs. La grande culture eft actuellement bornée à environ fix millions d'arpens de terres, qui comprennent principalement les Provinces de la Normandie, de la Beauce, de l'Ile de France, de la Picardie, de la Flandre Françoife, du Hainaut, & peu d'autres. Un arpent de bonne terre, bien traité par la grande culture, peut produire huit setiers & davantage, mefure de Paris, qui eft de deux cents quarante livres pefant; mais toutes les terres traitées par cette culture ne font pas également fertiles; car cette culture eft plutôt pratiquée par un refte

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