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CHAPITRE XIII.

Introduction aux monnoies de France.

Our fabriquer des monnoies, il falloit une matiere solide rare, précieuse, fufceptible de recevoir une forme commode, & des fignes qui ferviffent à les caractériser; & les métaux ont été feuls généralement reconnus pour avoir ces qualités.

Les fubftances appellées métaux font des corps pefans, plus ou moins durs, éclatans, opaques, fufibles au feu où ils prennent une furface convexe, mais qui reprennent enfuite leur folidité hors de l'élément qui les avoit mis en fusion, qui font ductiles & malléables en des degrés différens.

Ces corps ne fe trouvent pas toujours purs dans la nature; ils font le plus fouvent combinés avec du foufre ou de l'arfenic, ou avec l'un & l'autre en même temps, & unis à de la terre ou à des pierres. C'est à cet affemblage de métal, de foufre ou d'arfénic, & de terre ou de pierre, qu'on donne le nom de minéral ou de mine.

On compte ordinairement fix métaux, l'or, l'argent, le cuivre, le fer, l'étain & le plomb. Quelques Auteurs en comptent un feptieme; c'eft la platine, appellée auffi or blanc à caufe de fa couleur, & qu'on nous a apportée depuis peu des Colonies Efpagnoles de l'Amérique. Mais celle qu'on a vue dans ce pays-ci, eft en petits grains lenticulaires, & de figure triangulaire. Elle n'eft ni fufible ni malléable lorfqu'elle eft pure; enfin ce n'eft qu'un demi-métal comme le mercure, l'arfénic, l'antimoine, l'étain de glace ou bifmuth, le zinc & le cobalt.

On divife les métaux en deux ordres particuliers, en métaux parfaits & en métaux imparfaits. Les métaux parfaits font ceux qui n'éprouvent aucune altération de la part du feu, qui, après les avoir fait entrer en fusion, ne peut les calciner ou les changer en chaux, ni en volatiliser aucune partie. Ils ne craignent ni l'action de l'air ni celle de l'eau, qui ne produisent fur eux aucun dérangement, ni aucune diffipation de matiere. On ne connoît

que deux métaux parfaits, favoir l'or & l'argent. Les métaux imparfaits au contraire, font ceux à qui l'action du feu fait perdre leur éclat & leur forme métallique, & dont à la fin il vient à bout de détruire, de décompofer & même de diffiper une grande partie de cette claffe font le cuivre, le fer, l'étain & le plomb. L'air & l'eau altérent ces fortes de métaux, & en décomposent le

tiffu. Pour fimplifier les chofes, on peut dire que les métaux parfaits font ceux à qui l'action du feu ne fait point perdre leur phlogiftique, ou la partie inflammable qui leur eft néceffaire pour paroître fous la forme métallique qui leur eft propre; au lieu que les métaux imparfaits font ceux que le feu prive de cette fubftance. Il eft à propos d'examiner chacun de ces métaux en particulier, ce que nous ferons fuivant l'ordre de leur pesanteur spécifique, commençant néanmoins par les deux métaux parfaits.

L'or, qu'on appelle à jufte titre le roi des métaux, eft auffi le plus ductile, le plus malléable, le plus pefant, & celui qui a le plus de fixité au feu. Il eft mou, peu fonore, entre en fusion dès qu'il a été rougi; il ne fe diffout que dans l'eau régale; le plomb ne le vitrifie point, & il réfifte à l'antimoine, qui volatilife tous les autres métaux. Plus la pureté de ce métal eft parfaite, moins il a de dureté, & ne peut être employé en certains ouvrages; voilà pourquoi on lui joint un alliage de cuivre ou d'argent pour lui procurer plus de fermeté & de confiftance. L'or et toujours pur dans la nature, c'est-à-dire, qu'on ne le trouve jamais minéralifé avec le foufre ni avec l'arfénic; il eft tantôt dans une pierre, tantôt dans une terre, le plus fouvent dans le fable des rivieres, dont on le retire par le lavage : il eft alors fous la forme d'une poudre, de petits grains ou de paillettes. Suivant les expériences de M. de Réaumur, une once d'or peut s'étendre fous le marteau à une furface de 146 pieds quarrés; & en longueur cette même once d'or peut s'étendre par la filiere jufqu'à 96960 toifes, qui valent 48 lieues Parifiennes &, ou environ 34 lieues d'une heure: enforte que 212 onces ou 26 marcs d'or peuvent fournir la matiere à un fil d'or plus que fuffifant pour embraffer la circonférence entiere de la terre. Enfin fa ductilité eft telle, que le Tireur d'or l'étend jufqu'à 65 1590 fois plus que fon volume, & fa malléabilité fi grande, que le Batteur d'or l'étend aussi sous le marteau jufqu'à 159092 fois fon volume; enforte qu'avec une once d'or il forme 1600 feuilles, chacune de 36 lignes en

quarré, avec lesquelles on peut dorer 100 pieds quarrés.

L'argent eft le plus ductile des métaux après l'or, car une once d'argent peut être tirée & étendue de cent toifes: après le cuivre, il eft le plus fonore; fa couleur est d'un blanc pur & brillant. Il fe fond au feu en même temps qu'il y rougit; il eft fixe, mais on peut le volatiliser par le moyen de l'antimoine, de l'arfénic, ou de l'acide du fel marin. L'air ni l'eau ne produisent aucune altération fur lui; la vapeur du foufre le noircit. Le plomb ne le vitrifie point, non plus que l'or; mais l'antimoine, qui a la propriété de le volatiliser, en emporte avec lui une partie. On trouve de l'argent vierge ou natif; il y a des mines dans lesquelles il est uni au foufre ; d'autres dans lesquelles il est uni à l'arfénic; d'autres enfin dans lesquelles il eft uni en même temps au foufre & à l'arfénic; on le trouve encore mêlé quelquefois avec du cuivre, du fer & de l'antimoine.

Le plomb eft le plus mou des métaux; il eft auffi le plus fufible après l'étain: pour peu qu'on le tienne en fonte, il se décompofe à fa furface, & fe couvre d'une espece de crafse ou de chaux: fi on expose cette chaux à un grand feu, elle fe change en une efpece de faux verre qu'on appelle litharge; il n'eft ni sonore ni élaftique; il s'étend aifément fous le marteau, mais fes parties ont très-peu de ténacité; il eft d'un blanc bleuâtre fort brillant, lorfqu'il a été fraîchement coupé, mais il devient d'un gris mat, lorfqu'il eft refté long-temps expofé à l'air : il vitrifie tous les métaux, à l'exception de l'or & de l'argent, qu'il fait paffer au travers des vaisseaux, ce qui le rend propre à purifier ces deux métaux. Les mines de plomb qu'on connoît, font 19. celles où il est pur, ce qui le fait appeller plomb natif, parce qu'il y eft fous fa forme métallique; 29. celles où il eft minéralisé avec le soufre ; 3°. les mines dans lesquelles il eft minéralisé avec l'arfénic; 4o. celles où il est minéralisé conjointement avec le foufre & l'arfénic; & 5°. enfin les mines décomposées, telle eft la céruse minérale, qui eft très-rare.

Le cuivre eft un métal imparfait, d'un rouge éclatant ou d'un jaune tirant sur le rouge, très-fonore, très-dur, ductile & malléable, élastique. Il paroît compofé d'une substance terreuse rouge, & de beaucoup de phlogistique ou de principe inflammable. Il n'y a que le fer qui foit plus dur, plus élastique, & plus difficile fondre que le cuivre. Il rougit au feu promptement & avant d'entrer

en fufion; mais un feu violent & continué pendant long-temps diffipe une partie de la substance de ce métal fous la forme de vapeurs ou de fumée, tandis qu'une autre partie eft réduite en une chaux rougeâtre, qui n'a plus fa forme métallique; c'est ce qu'on appelle chaux de cuivre. Ce métal fe décompofe auffi à l'air, qui, le pénétrant facilement, le change en une rouille verte qu'on appelle verdet ou verd-de-gris. La même chofe lui arrive dans l'eau; il fe diffout dans tous les menftrues. L'alkali volatil fait prendre une couleur bleue ou d'azur à fes diffolutions, ce qui fournit un moyen de le reconnoître par-tout où il eft. Il y a le cuivre vierge & le cuivre précipité; le cuivre minéralisé avec le foufre; le cuivre minéralité avec l'arfénic; le cuivre minéralifé avec le foufre & l'arfénic, & les mines de cuivre décompofées. Le cuivre rouge eft appellé cuivre de rofette quand il eft pur; mais quand il a été fondu avec de la calamine, quintal pour quintal, alors il devient jaune, & on l'appelle laiton. L'expérience fait connoître que ces deux quintaux fondus enfemble ne reviennent plus après cela qu'à 130, 140 ou 150 livres, ce qui dépend de l'adreffe des ouvriers. Le cuivre rouge, fondu avec vingt-deux ou vingt-trois livres d'étain fin par quintal, eft ce qu'on appelle métal, & on s'en fert pour faire les cloches. Lorfque le cuivre rouge & le jaune ou le laiton font fondus enfemble, quintal pour quintal, cet alliage s'appelle bronze; c'eft avec quoi l'on fait les figures, les ftatues & d'autres ornemens. On emploie auffi le bronze dans les ouvrages d'artillerie; mais on y mêlé trois livres d'étain fin par quintal: fans ce mélange, il s'y trouveroit de petites cavités qu'on appelle foufflures, qui feroient d'une dangereuse conféquence.

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Le fer eft de tous les métaux le moins ductile & le moins malléable; il n'y en a point qui ait plus d'élafticité ou de reffort, & de dureté, fur-tout lorfqu'il eft converti en acier, qui n'eft qu'un fer parfaitement pur. Il rougit aifément dans le feu, mais il fond difficilement. Quand on le chauffe vivement, il pétille & jette de grandes étincelles il fe détruit dans le feu; l'air & l'eau le décompofent; enfin il eft attiré par l'aimant, qui eft un minéral beaucoup plus dur & plus pefant que le fer, mais qui peut être changé en fer même, par l'action du feu. On trouve dans la nature du fer pur ou vierge fous fa forme métallique, du fer minéralisé avec le soufre; du fer minéralisé avec l'arfénic, & des mines de fer décomposées.

`Enfin l'étain eft de tous les métaux le moins pefant; il eft blanc comme l'argent, très-flexible, très-mou, & fe fond au feu le plus léger. Quand on le plie, il fait un bruit ou cri qui le caractérise, & auquel il eft aifé de le diftinguer. Il n'eft prefque point sonore quand il eft fans alliage, mais il le devient quand il est uni avec d'autres fubftances métalliques. C'est donc une erreur de croire, comme font quelques Auteurs, que plus l'étain eft fonore, plus il eft pur. Si on tient l'étain long-temps en fufion, il fe calcine à fa furface, & fe convertit en une espece de cendre grife, qui ne fe vitrifie pas comme celle du plomb, mais donne une couleur laiteufe & opale à la frite du verre, dans laquelle on l'a mêlé: c'eft cette cendre qu'on appellé potée, & dont on fe fert pour polir les verres. Ce métal diffous dans l'eau forte, exalte la couleur de la cochenille dans la teinture de l'écarlate; il dégage l'or qui eft en dissolution dans l'eau régale, fous la forme d'une poudre de couleur de pourpre, dont on fe fert dans les émaux. On trouve de l'étain vierge, ce qui eft très-rare, & de l'étain minéralisé avec l'arsénic. L'étain fin s'appelle étain d'Angleterre ou de Cornouailles, parce que c'eft dans ce pays qu'on le trouve plus pur. L'étain fin, mêlé avec deux livres de cuivre rouge, livre d'étain de glace ou bifmuth par quintal, s'appelle étain sonnant. Enfin on nomme étain commun un alliage de douze à quinze livres de plomb avec un quintal d'étain fin.

& une

Il est évident, par ce que nous avons dit, que l'or & l'argent font d'entre les métaux ceux qui conviennent à la fabrication des monnoies. Ces deux métaux font parfaits, c'eft-à-dire, qu'ils réfiftent également à l'action du feu, de l'eau & de l'air. Ils font ductiles & malléables, & propres par cette raison à recevoir une forme & une impreffion quelconque. Ils font rares & d'un grand prix, ce qui fait qu'en très-petit volume ils peuvent repréfenter beaucoup; & il réfulte delà que les efpeces qui en font faites font portatives & commodes. Quant aux métaux imparfaits, ils ne doivent fervir que pour faire des monnoies communes, de peu de prix, & feulement pour représenter les menues denrées dans le détail, ou plutôt les fractions des plus petites efpeces d'argent. Ils font de plus employés, fur-tout le cuivre, comme alliage avec l'or & l'argent, pour procurer à ces derniers plus de dureté & de confiftance, & pour d'autres raifons que nous rapporterons. Il s'agit à présent d'établir des principes & des regles pour dispenser,

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