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dans la confection des monnoies, ces métaux avec économie & dans une jufte proportion; c'eft ce que l'on fait par le moyen d'un poids matrice & original : mais ce poids a varié en France; & c'est ce que nous nous propofons d'examiner.

La livre Romaine fut en ufage en France fous nos premiers Rois, comme nous l'avons prouvé ailleurs, & y fervit à peser les métaux jufqu'au regne de Charlemagne, environ l'an 800; c'est à cette époque, ou quelques années plutôt, que ce Prince établit de nouveaux poids & de nouvelles mefures. La nouvelle livre poids, inftituée par Charlemagne, fe divifa en 12 onces, 96 drachmes ou deniers, 288 fcripules, comme l'ancienne livre Romaine; mais elle étoit plus grande, & elle répondoit à 6912 grains de la livre poids de marc d'aujourd'hui ; c'est la livre en médecine que les Apothicaires ont laiffée depuis quelques années pour lui fubftituer la livre commune de deux marcs. Outre les divifions précédentes, la livre Carlovingienne fe divifa encore en 20 fous, 240 deniers, 5760 grains; c'eft ce qui eft prouvé par le témoignage d'un Auteur contemporain: Juxta Gallos vigefima pars unciæ denarius eft. Et duodecim denarii folidum reddunt: ideoque juxta numerum denariorum tres unciæ 5 folidos complent, fic & quinque folidi in tres uncias redeunt : nam duodecim uncia libram 20 folidos continentem efficiunt (Vetus Agrimenfor de Ponderibus. ). La valeur de ce nouveau poids eft conftatée par les monnoies qui nous reftent de ce temps-là. Les fous de Charlemagne pesent ou doivent pefer 288 grains d'alors, & 345 grains de la livre poids de marc; les deniers du même numéraire devoient pefer alors 24 grains, qui répondent à 28 grains du poids actuel or les deniers qui nous reftent de ce Prince pefent effectivement jufqu'à 28 grains trébuchans du poids de marc. Il n'eft pas moins certain que cette livre est de l'inftitution de Charlemagne; on en peut donner des preuves inconteftables. Dans un titre de ce Prince pour l'Eglife d'Ofnabruck, on lit ces mots : Sexaginta folidos noftri ponderis (Monum. Paderb. p. 327.). Dans un autre titre de l'Empereur Frideric II, daté de l'an 1234, il y a: Regi centum libras auri in ya: pondere Caroli perfolvet (Alberic. Chron. Mf.) Et Arnoldus Lubecenfis dit: Quatuor millia marcharum . . . . . perfolveret librata pondere publico, quod Carolus Magnus inftituerat. Gruter nous a donné la figure d'un poids de cuivre rond, qui, felon lui, pefe trois onces vingt fcripules, fur lequel on lit cette infcription: PONDUS CAROLI.

On trouve dans les Ordonnances des Rois Robert & Henri I, des preuves que cette livre étoit encore en ufage pour pefer les métaux & les monnoies; on s'en fervit même encore au commen. cement du regne de Philippe I, car dans un titre daté de l'an la feizieme année de fon regne, il est fait mention de livre d'or: Fifco noftro auri libras C feftinet perfolvere (Spicil. tom. I.); & dans un autre de l'an 1066, la feptieme de fon regne : Decem libras auri Regio fifco perfolvat.

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Ce fut fous le regne de Philippe I que le poids de marc s'introduifit en France pour pefer les métaux; en effet on lit (Spicil. tom. 2, p. 751.) que l'an 1093, ce Prince donna neuf marcs d'argent pour rebâtir une Abbaye qui avoit été brûlée. L'an 1117, le neuvième du regne de Louis le Gros, fon fils, dans une de fes Chartes, il eft fait mention de douze marcs d'argent pour couvrir la châsse de saint Magloire. L'an 1148, Louis le Jeune, fon fils: Præcepit Abbati fine ulla dilatatione 300 marchas argenti. fibi præparandas fore. Et dans une Lettre de l'Evêque de Laon au Roi: Quadringentas marchas puri argenti..... depofitas commifi. Il paroît donc qu'il faut rapporter l'inftitution du marc pour pefer les monnoies entre l'an 1075 & l'an 1093. Ce marc fut les deux tiers de la livre de Charlemagne ; & doublé, il a fait la livre poids de marc d'aujourd'hui, qui vaut une livre Carlovingienne & un tiers. Mais il y eut autrefois diverfes fortes de marcs en France, comme le marc de Troyes, le marc de Limoges, celui de Tours & celui de la Rochelle, tous quatre di érens entr'eux de quelques deniers. Il en eft fait mention au Regiftre de la Chambre des Comp cotté Nofter (fol. 204 & 205.), ainsi qu'il fuit:

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Au Royaume fouloit avoir quatre poids de marc; fçavoir, le mare de Troyes, qui poife quatorze fols deux deniers efterlins de poix. Le marc de Limoges, qui poife treize fols trois oboles efterlins de poix. Le marc de Tours, qui poife douze fols onze deniers obole efterlins de poix; & le marc de la Rochelle, dit d'Angleterre, qui poife 13 fols 4 deniers efterlins de poix. Par le marc de la Rochelle qui poife 13 fols 4 deniers efterlins, toutes les monnoies quelles qu'elles foient fe allouoient pour douze deniers d'argent fin de poix l'un contre l'autre, & huit ensemble doivent faire & poifer ledit marc : chacun defdits douze deniers doit poifer 24 grains. Chacun efterlin doit poifer trois oboles tournois, & ainfi généralement doit eftre marc de tournois felon le marc de la Rochelle à vingt fols tournois. Et ainfi fe ordonnent &

houffent toutes les monnoies du monde, felon du plus le moins ; qui plus y met d'argent des devant dits douze deniers, & le demourant du métail fe comme fe l'en difoit mailles petites tournois à dix-fept fols fix deniers au marc de Troyes qui eft de Paris, & le dit marc eft plus grand que celui de la Rochelle de dix efterlins, qui doivent poifer 30 oboles qui valent deux fols fix deniers. Ainfi font-ils de 20 fols au marc felon celuy de la Rochelle, & furent faites telles petites mailles l'an 1329 de 18 grains de loy, argent le Roy. On ne pouvoit, ce me femble, écrire avec plus d'obscurité.

Voici une Ordonnance du Roi d'Angleterre, donnée avant l'an 1158, qui peut fervir à répandre quelque lumiere fur les rapports des poids qui étoient alors en ufage, foit en France, foit en Angleterre.

De mutatione Monetæ, . Tréfor, cott. 8, fol. 46.

Ita ordinatum eft apud Cadomum communia Senescaltia Normania concilio fratris Hanur, & concilio Baronum Normaniæ quod marca de Cadomo, Dunefenfi, Peticenfi, & Vendofilenci capiatur ad fcacarium pro 14 folidis & ix denariis, & de Giunganpn pro 13 folidis & ix denariis, & de Andegavenfi pro 15 folidis Turonenfibus, & nulli liceat nec Cambitori, nec alio portare monetam prohibitam extra terram Domini Regis, fed ad Cambium, vel ad Cuftodes monetæ, & illi qui debent argentum Domino Regi reddant pro marca 13 folidos & 4 denarios ferlingorum de Cuftodia, vel 53 folidos & 4 denarios Turonenfes, vel 26 folidos & 8 denarios Cenomanenfes, & mandatum eft ex parte Domini Regis quod de debitis quæ debentur ei ficut promiffum in Ballia noftra de illis qui non habent Turonenfes, vel Cenomanenfes, alios denarios recipiatis, & fimiliter faciatis fieri de debitis quæ debentur alii genti ad marcam Rothomagenfem 14 folidos, Guiganpn xiij folidos, Andegav. 14 folidos & 3 denarios.

On voit, par ce titre, que le marc d'Angleterre ou de la Rochelle, qui valoit le poids de 13 fous 4 deniers fterling, valoit également le poids de 53 fous 4 derniers tournois, & que par conféquent l'efterlin, ou denier fterling, valoit 4 deniers tournois. Roger d'Hoveden parle d'un Traité de paix entre Philippe-Auguste & Jean, Roi d'Angleterre, fait en 1200, le 21 Mai. Dedit nobis, dit Philippe, 3000 marcarum argenti ad pondus & legem in

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qua facta fuerunt, fcilicet 13 fol. 4 den. pro marca, propter vacatum noftrum, & propter feudum Britanniæ, quod nos Regi Angliæ divifimus (Tréfor R. 8, fol. 4.). La troisieme année du regne du Roi Jean, la monnoie efterlin étoit encore de ce poids, comme il roît par une tranfaction faite entre lui & la veuve du Roi Richard, fon frere, pour fa dot : Johann. Dei gratiâ, Rex Anglia, &c. Sciatis ita conveniffe inter nos & Berengariam quondam Reginam Angliæ uxorem Regis Riccardi fratris noftri de dote fuá. quod nos affignavimus ei pro dote fud mille marcas annuas 13 folidis & nariis bonorum fterlingorum computatis pro marca..... anno regni noftri tertio.

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Le 19 Mars de l'an 1248 la monnoie fterling n'avoit pas changé de valeur, comme il paroît par une reconnoiffance que le Prieur de Lanfac, Diocèfe de Cahors, fait au Comte de Toulouse, pour avoir fa protection: Conftituo vobis D. Raimundo Comiti Tholofano, &c. annuum cenfum dimidiæ marca fterlingorum, videlicet fex folidorum & octo denariorum fterlingorum bonorum & legalium (Chart. de Tholofe, Vion.).

Saint Louis, par fon Ordonnance faite au Parlement de la Touf faint de l'an 1265, donne cours aux efterlins jusqu'à la mi-Août, pour 4 deniers tournois. En 1289, Philippe le Bel, par fon Ordonnance, veut de même que les efterlins d'Angleterre qui font de poids, n'ayent cours en France que pour 4 deniers tournois. Et dans un Traité fait l'an 1290, entre le Roi de Caftille & Philippe le Bel, le bon denier fterling eft évalué à quatre deniers tournois.

En 1295, l'Ambaffadeur du Roi de Norwege reconnoît, par fa quittance, avoir reçu du Roi 500 marcs de bons & loyaux fterlings, monnoie d'Angleterre & d'Ecoffe, du poids de 13 fous 4 deniers pour marc pour un Navire équipé (Invent. Vol. 4, fol. 72.).

Il est évident, par ce que nous venons d'alléguer d'autorités, qu'on connoîtra les rapports des marcs ci-deffus à nos poids, lorf qu'on connoîtra le poids du fou tournois, qui avoit cours alors, Ór il étoit de 58 au marc de la monnoie du Roi de France, comme il paroît par un fragment d'Ordonnance que 5. Louis fit l'an 1266, pour régler la maniere dont on devoit pefer la monnoie que de la délivrer au public. En voici le texte : « Et quand la Garde » voudra délivrer cette monnoie, il la meslera toute ensemble, & » de ces deniers meflez il pesera 3 marcs l'un après l'autre, & fe » il les trouve fi foibles que en nul de ces trois marcs en entre

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» 58, qu'ils ne foient délivrez, tant il en ait ofté tant de foible, » parquoy li ramenant foit du poids qu'ils devoient eftre. Et quand » l'en ne puet faire toutes œuvres que ly 58 deniers poifent un » marc fans plus ni fans meins, &c. »>

Ce poids du fou tournois, ou gros tournois, eft encore prouvé par une Ordonnance de Philippe le Bel, du 22 Janvier 1310, dans laquelle il dit que les mailles tierces, qui étoient de même loi que les gros tournois de S. Louis, étoient de 174 au marc, & qu'elles valoient juftement le tiers d'un gros tournois de S. Louis. Deforte que fi l'on divife 174 par 3, on aura 58. Enfin M. le Blanc dit qu'il nous refte encore quantité de ces gros tournois de S. Louis, bien entiers & bien confervés, qui pesent 3 deniers 7 grains 4 trébuchans, ou environ 79 grains du poids actuel. Par conféquent le marc de la monnoie au temps de S. Louis, étoit le même que celui d'aujourd'hui ; il étoit également les deux tiers de la livre Carlovingienne, établie par l'Empereur Charlemagne.

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On pourroit penfer que la monnoie fterling étoit au même degré de pureté que la monnoie tournois, puifqu'il paroît qu'on la donnoit poids pour poids; cependant la monnoie d'Angleterre n'étoit qu'au titre de 11 den. & demi-grain, tandis que la monnoie de S. Louis étoit au titre de 11 deniers 12 grains de fin; comme le prouve une promeffe entre Jacques d'Arragon, & Jacques, Roi de Majorque, du mois de Juin 1309, dans laquelle il eft parlé de 160000 tournois d'argent: Sandi Ludovici bona memoriæ Regis Francia de lege undecim denariorum & oboli, quorum Turonenfium 57, minus tertia parte unius ponderant unam marcham ad penfum Monfpefulii. Voilà donc encore un marc, celui de Montpellier, qui eft évalué au poids de 56 tournois. Il exifte un autre titre de Jacques, Roi de Majorque, daté du mois de Mars 1338, par par lequel il paroît auffi que ces gros tournois étoient d'argent à 11 deniers 12 grains de loi, & que les 56 pefoient un marc de Montpellier.

Voici la liste & l'évaluation des poids dont nous avons parlé ci-deffus, & en premier lieu les anciens poids d'Angleterre, auffibien que ceux d'à présent, qui en ont été déduits.

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