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exprime par les termes de bonté intérieure & de fin. Les degrés de bonté du cuivre ne fe comptent pas, parce que fa valeur n'est pas confidérable, & que s'il eft mêlé, ce n'eft qu'avec les métaux plus précieux, l'or & l'argent. Mais ces deux derniers ne se trouvent dans toute leur pureté dans aucune mine du monde ; & quand même cela arriveroit, on n'en feroit peut-être pas moins obligé de les mélanger avec du cuivre. Ainfi les raifons qui engagent à ne pas travailler fur le fin, mais à fe fervir d'alliage, font 1°. le mélange qui fe trouve naturellement dans les métaux, lorsqu'ils font tirés des mines; 2°. la dépenfe qu'il faudroit faire pour les affiner; 3°. la néceffité de les rendre plus durs par quelque portion d'autre métal, afin d'empêcher que le temps ni le manîment qu'on appelle le frai en terme de monnoie, ne puiffent diminuer facilement le poids des efpeces d'or & d'argent; 4°. la qualité du pays, lequel n'ayant aucunes mines, eft contraint de tirer fes matieres des pays voisins, par le décri & la fonte de leurs monnoies qui font auffi alliées; 5. le droit que le Prince leve fur les monnoies, que l'on appelle feigneuriage; 6°. les frais de fabrication, qui font pris fur la monnoie, afin d'empêcher qu'on ne la fonde, pour en employer les 'matieres à d'autres ouvrages, lesquels frais de fabrication font appellés le braffage; 7°. enfin la néceffité du commerce avec les grands Royaumes voifins, lefquels ayant affoibli le titre de leurs monnoies, fi les autres n'en faifoient pas de même, attireroient à eux toute la monnoie qui fe trouveroit plus forte que celle qu'ils fabriquent. Mais, felon les plus habiles gens, le feigneuriage ni le braffage ne doivent point entrer dans les raifons de l'alliage des efpeces, puifqu'on peut lever ces droits en travaillant fur le fin, par l'augmentation du prix des efpeces.

Cet alliage fe fait dans une certaine proportion autorisée par la permiffion du Prince, qui veut, par exemple, que l'or & l'argent dont on fabrique les groffes pieces de monnoie en France, foient mêlés d'un douzieme de cuivre; enforte qu'un marc pesant, de chacun de ces métaux, ne contienne réellement que les onzedouziemes du marc en matiere pure. Cette fixation légale de la pureté plus ou moins grande du métal précieux, eft ce qu'on appelle titre ou loi. On l'exprime par karats & trente-deuxieme de karat pour l'or, & en deniers & vingt-quatrieme de denier, qu'on appelle grains, pour l'argent, comme nous l'avons déja enfeigné ailleurs. L'or à 24 karats eft de l'or parfaitement pur, &

l'argent

l'argent à 12 deniers de même. Mais l'or à 22 karats & l'argent à 11 deniers, contiennent également chacun un douzieme de cuivre, & tel eft le titre ou la loi des métaux monnoyés en France. On obferve que la quantité du cuivre qui entre dans la composition du mélange, n'eft comptée pour rien, ce métal étant vil par comparaison aux deux autres par conféquent un marc d'or à 24 karats vaut un douzieme de plus que l'or à 22 karats; & c'est la même chofe pour l'argent. Une once d'or à 24 karats vaut une once & un onzième d'or à 22 karats. Une once d'argent à 12 den. vaut une once & un onzieme d'argent à 11 deniers.

par

Aloi se dit du mélange d'un métal précieux avec un autre, dans un certain rapport convenable à la deflination du mélange. L'aloi eft à l'alliage comme l'efpece au genre, ou comme alliage eft à mélange. Mélange fe dit de toutes matieres combinées ensemble; alliage fe dit feulement d'un mélange de métaux; & aloi ne se dit que d'un alliage de métaux fait dans un certain rapport déterminé par l'ufage de la matiere ou du mélange ordonné par les Réglemens. Si le rapport déterminé par l'ufage, ou ordonné les Réglemens, fe trouve dans le mélange, on dit du mélange qu'il eft de bon aloi; finon on dit qu'il eft de mauvais aloi. Bon aloi eft fynonyme à titre, quand il s'agit des matieres d'or & d'argent. La monnoie eft de bon aloi, quand elle eft fabriquée d'un métal au titre porté par les Ordonnances, &c. Dans la vaisselle & autres ouvrages d'orfévrerie, l'or eft de bon aloi quand il est au titre de 22 karats, & l'argent de même, quand il est au titre de 11 deniers 12 grains; l'or encore eft de bon aloi dans les ouvrages de bijouterie, quand il eft au titre de 20 karats; parce qu'en France telles font les Loix prefcrites par les Ordonnances.

L'or fin eft au titre de 24 karats, & l'argent fin au titre de 12 deniers; c'eft le plus haut degré de pureté auquel on imagine que ces métaux puiffent être portés.

L'or de coupelle ou d'effai eft au titre de 23 karats 31 trentedeuxiemes, & l'argent de coupelle ou d'effai, à celui de 11 den. 23 grains; c'est le plus haut degré de pureté où l'on croit qu'on puiffe porter ces métaux par l'affinage; on affure même qu'il eft. difficile d'affiner l'or au-delà de 23 karats 28 trente-deuxiemes, & l'argent au-delà de 11 deniers 18 grains.

Argent-le-Roi eft celui qui eft au titre auquel les. Ordonnances l'ont fixé pour les ouvrages des Orfévres & des Monnoyeurs. Par

Nana

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I

l'article 3 de l'Edit de Henri II, Roi de France, il fut défendu de travailler de l'argent qui ne fût à 11 deniers 12 grains de fin, au remede de 2 grains. Aujourd'hui on appelle argent-le-Roi celui qui paffe à la monnoie & dans le commerce à 50 livres i fou i deniers, & qui eft au titre de 11 deniers 18 grains de fin. Le nom d'argent - le Roi, ou du Roi, fut donné à celui qui eft au titre de 11 deniers 12 grains; parce que nos Rois ne faifant exploiter aucune mine d'or ou d'argent en France, voulurent accorder quelques profits aux étrangers qui en apporteroient, en leur payant l'argent au titre de 11 den. 12 grains comme s'il eût été à celui de 12 deniers: & delà vient que par argent fin, les Ordonnances entendent l'argent à 11 deniers 12 grains; ce qui fe prouve par le registre de la Chambre des Comptes, cotté Nofter, fol. 205, dont voici l'extrait :

« Argent-le-Roi eft & doit eftre à une maille (près)_ d'argent » fin: car argent fin eft à 12 den. d'aloy, & argent-le-Roi à 11 » den. obole. Et fi l'en dit: telle monnoye eft à 8 den. d'argent»le-Roy, s'y prend l'en l'argent-le-Roy à 12 den. & le fin à 12 » den. obole, & vaut chacun denier 24 grains, & 12 grains obole » ou maille; ainfi ont porté chacun denier d'aloy d'argent fin, un » grain en argent-le-Roy. Si comme qui diroit, cette monnoye est » à 4 den. d'argent fin; c'est-à-dire, que il est à 4 den. 4 grains d'argent-le-Roy, & ainfi des autres.

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>> Ez comptes des Monnoyes eft dit : C'est le compte de la monnoye de tel lieu, de telle monnoye, à tant d'argent-le-Roy, » fait par tel, & ne dit l'en pas d'argent fin: car anciennement » quand l'Emperiere faifoit monnoye, l'en difoit en fes monnoyes » d'argent fin, & ainsi faifoit l'en ez monnoyes des Rois, Ducs >> Princes & Comtes qui tenoient de luy. Et afin qu'il ne semblâc » que le Roy de France fût homme de l'Emperiere, & qu'il tenît » de luy, il fut ordonné par le Confeil des Peres de France, que » l'en diroit argent-le-Roy, qui eft, à une maille prez, d'argent fin. » Argent fin eft à 12 den. obole d'argent-le-Roy.

>> Gros tournois de S. Louis & les autres

» Argent fignié en vaiffelles & mailles» tierces vieilles

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font à 12 deniers d'argent-le-Roy.

}font à 11 den. obol.

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» Mailles d'argent figniées vieilles de 3 den. tournois de cours, » font à 11 den. 6 grains argent-le-Roy.

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fi

>> Se aucun vouloit ouvrer argent-le-Roy, & achetoit argent fin, & fût l'achat & la délivrance tout à un marc, il le peut » faire, mes que le prix de la délivrance & de l'achat foient con» fidérez eftre d'une valeur, fi comme qui acheteroit un marc d'argent-le-Roy 58 gros, l'en n'en devroit donner que 56 gros, » l'en les délivroit à argent-le-Roy c'est toute une valeur; car » argent fin en emporte bien plus que argent-le-Roy, & comment » que il femble, que il donne plus grand prix, c'est à sçavoir 58 » gros, fi ne donne-t-il pas plus que 56 gros argent; car il achete » argent & délivre argent, & femble que le furcroît de l'argent >> fin que il achete, il doit rendre, puifque il délivre argent-leRoy, qui bien fe pourroit montrer à tel prez demy-gros ».

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L'intelligence de cet article est importante pour entendre les anciennes Ordonnances de nos Rois; mais il paroît qu'il y a quelques défauts d'exactitude dans l'explication ci-deffus : car les 11÷ deniers de l'argent-le-Roi étant fuppofés idéalement divifés en douze deniers, & chacun de ces deniers en 24 grains, il s'enfuit que la monnoie fabriquée à 8 deniers argent-le-Roi, n'eft qu'à 7 deniers 16 grains de fin; que la monnoie à 4 deniers de fin est à 4 den. 4 grains argent-le-Roi, & non précisément à 4 den. 4 grains; que l'argent fin eft à 12 deniers 12 grains argent-le-Roi, & non précisément à 12 deniers 12 grains. Il fuit encore que les mailles d'argent de la valeur de trois deniers tournois, & qui font à 11 deniers 6 grains argent-le-Roi, ne font qu'à 10 deniers 18 1 grains de fin; que les gros tournois de S. Louis, étant à 12 den. argent-le-Roi, ne font qu'à 11 deniers 12 grains de fin, comme nous l'avons vu ailleurs dans ce Chapitre; que les eftallins ou efterlins d'Angleterre, &c. étant à 11 deniers obole argent-leRoi, ne font qu'au titre de 11 deniers & demi-grain de fin comme l'est encore aujourd'hui la monnoie d'Angleterre; que le marc d'argent fin étant à 58 gros, le marc d'argent-le-Roi ne devroit valoir que 55 gros, & non précisément 56. On comprendra mieux cette théorie par l'infpection de l'abaque fuivant.

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23 a

Toutes les monnoies fe font travaillées, jusques vers le milieu du fiecle précédent en comptant le titre à l'argent-le-Roi ; il faut donc faire une réduction pour ramener le titre argent-le-Roi au titre argent fin. C'eft un calcul à faire, & en voici le procédé. Suppofons qu'une monnoie eft à un certain titre argent-le-Roi, lequel titre j'appelle a; on fera cette analogie 24: 23 : : a : 24 dont le quatrieme terme, fera le titre de cette monnoie, exprimé en argent fin. Si au contraire il étoit question de réduire le titre b en argent fin d'une monnoie, en titre argent-leRoi, on feroit cette autre analogie 23: 24: :

b

:

246

23

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&

le quatrieme terme exprimeroit le titre argent-le-Roi. Argent en droit s'entend toujours de l'argent monnoyé. Argent bas ou bas argent fe dit de celui qui eft à plus de fix deniers au-deffous du titre de l'argent monnoyé; ainfi l'argent 1, 2, 3, 4, 5, deniers de fin, eft de l'argent bas.

à 1,

En général, felon les plus habiles gens, l'or & l'argent audeffous du titre des efpeces, favoir, l'or jusqu'à 12 karats, & l'argent jufqu'à 6 deniers, doivent être appellés or bas, argent bas. Quand l'or eft au - deffous de 12 karats, & l'argent au-deffous de fix deniers, en ce cas on peut dire billon d'or, billon d'argent, parce que le cuivre l'emporte fur ces deux métaux.

Argent tenant or fe dit de l'or qui a perdu fon nom & fa qualité pour être allié fur le blanc, & au-deffous de 17 karats.

Argent faux fe dit de tout ce qui eft fait de cuivre rouge qu'on a recouvert à plufieurs fois par le feu, de feuilles d'argent.

Les Ordonnances, après avoir réglé le titre des métaux à monnoyer, & des efpeces qui doivent en être fabriquées, prescrivent

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