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23 fois cinq fous, qui font 115 fous, ou 1380 deniers tournois; c'est le prix du marc, monnoie courante d'alors. Il y avoit donc au marc d'argent 690 pieces de deux deniers tournois chacune; & parce que le denier parifis vaut un denier tournois & un quart, il s'enfuit que le marc à 12 deniers de loi, argentle-Roi, produifoit 1104 deniers parisis; mais ce nombre de pieces étoit fabriqué fans doute à un plus grand nombre de marcs d'argent alliagé avec du cuivre, dont la quantité n'est pas déter

minée ici.

Après avoir parlé de la matiere des monnoies & des poids qui font en ufage pour rendre ces monnoies égales en poids & en bonté intérieure, il faut examiner fuccinctement, par quelles opérations on fait paffer les métaux avant que de les réduire à l'état de monnoie, & en quoi confiftent les droits que le prince perçoit fur les métaux ou fur les monnoies, &c.

On trouve de l'or en Europe en plufieurs contrées, en Hongrie, en Tranfilvanie, en Suede, en Norwége, en Sibérie, dans quelques rivieres de France & d'Allemagne. Il exifte également des mines d'argent en plusieurs endroits de cette partie du monde ; mais c'eft principalement en Afie, en Afrique, & fur-tout en Amérique, que l'on trouve ces métaux avec abondance. En Afie, les royaumes de Pegou & de Siam; ceux de la Chine, du Japon, & de Barantola, en quelques provinces, & les Ifles Philippines produifent de l'or. En Afrique on en trouve au Sénégal, fur les côtes de Guinée & des Caffres, dans les Royaumes de Tombut, de Gangara, de Mandique, de Galam & du Monomotapa. En Amérique, le Pérou aux environ de Cufco, tout le Chili & le Mexique dans la plupart de fes provinces, comme Guatimala, Cofta-Rica, &c. produifent de l'or en abondance. On recueille auffi de l'or en paillettes ou pailloles dans la plus grande partie des torrens & des fleuves de l'Afie, de l'Afrique & de l'Amérique, particuliérement dans l'Inde, le Gange & le Pactole en Afie; dans les rivieres de Guaxata & de Costa Rica au Mexique, dans ceux de l'Ifle de Cuba, l'une des Antilles, & du Pérou en Amérique. Les fieuves de l'Europe même n'en font pas dépourvus; on en ramaffe dans le Tage en Espagne; dans l'Ariege en Languedoc, dans le Rhône, le Rhin & le Danube. L'argent fe trouve furtout en Asie, dans le Royaume de Pegou, de Siam, & dans les Ifles du Japon; en Amérique dans plufieurs provinces du Me

xique, principalement dans celle de Guadalajara, de Zacatecas & de Colima; au Pérou dans les Provinces de Guatimala & de la Plata, où eft fituée cette fameufe montagne appellée Potofi, qui a la forme d'un cone tronqué, ayant par en bas une lieue d'Espagne de circonférence, & par en haut un quart de lieue feulement. On commença à découvrir les mines de cette montagne en l'année 1545. Depuis ce temps-là, les Rois d'Espagne en ont fait tirer des milliards: mais on obferve que toutes les veines de la mine fe trouvent du côté du foleil levant & aucune du côté du couchant.

L'or qu'on trouve dans les mines en pepins ou en larmes, est très-pur, & n'a pas befoin d'être affiné, non plus que celui qu'on retire des torrens & des fleuves; mais on eft obligé de purifier celui qu'on a tiré des mines, en efpece de terre ou de pierre ainsi qu'il fuit. On pile les pierres ou les terres auriferes à fec; on verse dessus une quantité fuffifante d'eau claire pour en faire une forte de bouillie; on y mêle du fel & du vif argent; on mêle & on remue le tout affez long-temps; puis on en fait des lavures, & on retire ainfi l'or pur. Il y a une autre maniere de faire cet affinage on concaffe les terres & les pierres; on les jette dans un fourneau appellé manche quand cet affinage eft achevé, on trouve l'or pur dans la caffe de la manche. Pour af finer l'or en maffe alliagé, on le fait fondre dans un creufet, & on y ajoute peu-à-peu, lorfque l'or eft fondu, quatre fois autant d'antimoine. Lorfque le tout eft dans une fusion parfaite, on verse la matiere dans un culot; & lorqu'elle eft refroidie, on fépare les fcories du métal; enfuite on fait fondre ce métal à feu ouvert pour en diffiper l'antimoine en foufflant; ou, pour avoir plutôt fait, on y jette du falpêtre à différentes reprises. On observe l'antimoine n'eft meilleur que le plomb pour affiner l'or, que parce qu'il emporte l'argent, au lieu que le plomb le laiffe, & même en donne. On peut affiner l'or par le nitre, comme on affine par ce moyen l'argent, fi ce n'eft qu'il ne faut pas y employer le borax, parce qu'il gâte la couleur de l'or. L'or mêlé d'argent ne peut s'affiner par le falpêtre. Il y a l'affinage de l'or par l'inquart, qui fe fait par le moyen de l'efprit de nitre, qui diffout l'alliage de l'or & l'en fépare. Cet affinage ne fe peut faire que lorsque l'alliage furpaffe de beaucoup l'or en quantité: il faut qu'il y ait le quart d'or: il fe peut faire lorfqu'il y en a

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que

plus, mais il ne fe fait pas fi bien lorsqu'il y en a moins. On affine auffi l'or par la cémentation, en mettant couche fur couche des lames d'or, & du ciment compofé avec de la brique en poudre, du fel ammoniac & du fel commun, & on calcine le tout au feu il y en a qui mettent du vitriol; d'autres du verd-de-gris,

: &c.

C'est avec le vif argent qu'on purifie l'argent fortant des mines. Nous avons décrit ailleurs la maniere dont les anciens pratiquoient cette méthode. A l'égard de l'argent en maffe & alliagé, il y a l'affinage au plomb, & l'affinage au falpêtre. L'affinage au plomb fe fait avec une coupelle (a) bien feche, qu'on fait rougir dans un fourneau de réverbere, & dans laquelle on met enfuite du plomb qu'on laiffe fondre; après cela on y met l'argent qui fe fond auffi dans la coupelle, s'y agite & devient immobile, paroît rouge, puis blanchit au point qu'on a peine à le diftinguer de la coupelle. Pendant que l'argent tourne & s'agite, on fouffle fur la coupelle pour le dégager de la litharge; on présente à la litharge un écoulement, en pratiquant une échancrure au bord de la coupelle, & on retire la litharge avec un rateau. L'affinage de l'argent au falpêtre fe fait en faisant fondre de l'argent dans un creufet (b), dans un fourneau à vent. Lorfque l'argent eft fondu, on jette du falpêtre dans le creufet, & on laiffe bien fondre le tout ensemble. On retire le creufet du feu, & on verfe par inclination, dans un baquet plein d'eau, où l'argent fe met en grenailles, pourvu qu'on remue l'eau avec un bâton ou autrement. Si l'eau eft en repos; l'argent tombe en masse. On fond ainfi l'argent trois fois, en y mettant du falpêtre & un peu de borax, chaque fois; & la troisieme fois on laiffe refroidir le creuset fans y toucher, & on le verfe dans une lingotiere; ensuite on le casse, & on y trouve un culot d'argent fin: les fcories qui font deffus, font compofées du falpêtre & de l'alliage, qui étoit dans l'argent.

Quand l'or, au fortir de la mine, a été purifié & affiné par les lavures, ou par le moyen de la manche, on le jette en lingots ou en plaques de huit à dix marcs. On jette de même l'or qui a été tiré des mines en pepins ou en larmes, & celui qui a été

(a) La coupelle eft un vase fait d'une matiere poreufe, & propre à résister à la violence du feu fans fe fondre.

(b) Le creuset eft un vaiffeau de terre, dont la forme la plus ordinaire eft celle d'un gobelet.

amaffé dans les torrens & les fleuves. On négocie enfuite ces lingots ou plaques. L'argent purifié & affiné de même fe jette en barres, & on le négocie de la même maniere. A l'égard de l'or, on marque fur les lingots ou plaques le titre par karats & grains de fin, & on les met dans le commerce fur ce pied-là : mais comme le titre n'y eft pas toujours fort jufte, on ne les achete en France que fur le pied de l'effai. On partage les degrés de l'or en 24 karats, aux Indes & en Espagne, comme en France: maist chaque karat y eft divifé en 24 grains, & c'est pour cela que les Efpagnols marquent le titre de l'or par karats & grains de fin. On apporte auffi en France de la poudre d'or de Guinée, & même de petits ouvrages d'or que l'on a négociés au Sénégal. Cette poudre eft ordinairement à 21 karats, & même au-deffus de 22 karats, quand elle eft pure & fans mélange. Mais il eft arrivé quelquefois que les Negres y ont mêlé de la poudre de laiton ou de celle d'émeri, ces matieres étant de même couleur que l'or. On y a trouvé d'abord du laiton; enfuite ayant foupçonné quelque mélange, on a jetté cette poudre dans de l'eau forte, laquelle s'étant chargée du cuivre, l'or y eft demeuré Cette expérience ne fuffifant pas pour faire découvrir la poudre d'émeri, parce que l'eau forte n'agit pas fur cette poudre, on a pris la précaution de fondre dans un creufet cette poudre alliagée ; & alors on a vu l'or fe précipiter au fond, & l'émeri furnager en craffes. Si dans cette opération l'alliage eft du laiton, il fe fond avec l'or; mais cet or paroît après cela fi aigre, qu'il eft facile de découvrir la fraude. Cela fait que l'on n'achete la poudre qui vient du Sénégal, que fur le pied de l'effai, & on en ufe de même pour les petits ouvrages d'or.

pur.

Quant aux barres d'argent, elles font ordinairement caractérisées par quatre marques fur chacune celle du poids, celle du titre, celle du milléfime, & celle de la Douane où les droits ont été acquittés. On remarque que le poids des barres eft proportionné au titre du métal; par exemple, celles qui font à 11 deniers 19 à 20 grains, appellées de toute loi, font de 200 marcs & plus, & celles de moindre titre ne font que de cent à 150 marcs. Le marc d'Efpagne eft différent de celui de Paris; celui d'Espagne eft plus foible; en forte que 100 marcs de Caf tille ne font que 93 marcs de Paris. A l'égard des degrés de bonté ou du titre de l'argent, on y divife le marc de loi en 12

.

deniers, & le denier en 24 grains, comme en France. Le marc d'argent, poids de Paris, au titre de 11 deniers 19 grains, fans remedes, fur le pied de l'argent monnoyé en France, vaut 53 liv. 7 fous 10 deniers environ. Le marc d'argent, poids de Castille, au même titre & fans remedes, ne vaut, argent de France, que so livres 1 fou 10 deniers environ. Le titre ou le prix eft marqué fur les barres, par des numéros qui repréfentent autant d'ochavos ou de maravedis de plate forte : ce maravedis eft un fou multiple ou numéraire de la Plata antique ou vieille, l'unique dont on fe fert pour les changes; ce numéraire eft tel: La piaftre antique ou Sévillane de 1718, qu'on appelle piece de huit, vaut huit réaux de plate monnoie forte, 16 réaux de veillon, 272 maravedis de plate forte, appellés ochavos, 544 maravedis de veillon; le réal de plate monnoie forte, vaut 2 réaux de veillon, 34 ochavos, 68 maravédis de veillon; le réal de veillon vaut 17 ochavos 34 maravedis de veillon; l'ochavo vaut 2 maravédis de veillon. Le barres de toute loi font donc numérotées 2376 ou 2380, & ces numéros représentent autant d'ochavos, dont les 2380 font 38 livres 2 fous de notre monnoie; c'eft le prix du marc de ces barres, prifes aux Indes occidentales. Quand elles font de moindre titre, par exemple, à onze deniers 17 grains, elles ne font numérotées que 2355. Le marc des barres de toute loi est évalué à 70 réaux de plate monnoie forte, aux Indes, ce qui fait 2380 ochavos comme nous l'avons dit: fur ce pied, fi un négociant y vend pour 2000 piaftres de marchandises on le paie en ces fortes d'efpeces, ou bien on lui donne 228 marcs 4 onces 4 gros, poids d'Espagne, en barres de toute loi. Ces barres de toute loi valent en Espagne 72 réaux par marc: on les a même vu pousser jusqu'à 75 réaux, qui valent 40 livres 16 fous 5 deniers, à cause des frais de voiture & du rifque. Quand les barres que l'on négocie aux Indes & en Espagne ne font pas de toute loi, on en fait le compte fur le pied du titre, qui y eft marqué; mais comme ce titre n'y est pas toujours fort jufte, on ne les reçoit en France que fur le pied de l'effai qui en eft fait.

On apporte auffi en France des plaques, des culots & des pignes, qui font des reftes de l'argent qui a été amalgamé en faifant les lavures dont il a été parlé ; & comme on met cet argent dans des vaiffeaux, pour en féparer le vif argent, il retient la figure de ces vaiffeaux, ou en plaques, ou en culots, ou en pignes.

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