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Réformateurs n'ont donc pas pris les paroles de S. Paul dans leur véritable sens, et ils sont tombés dans une erreur déplorable.

D'après toutes ces réflexions, un Protestant qui serait sans prévention, et qui chercherait la vérité avec un cœur et un esprit droits, ne devrait pas faire difficulté d'admettre le dogme de la présence réelle. Il n'a pas besoin d'un témoignage étranger; il est le juge de sa foi ; l'expression du texte saint et le raisonnement du sens commun lui suffisent. Mais le catholique ne se contente pas de cela; il veut que les vérités, révélées de Dieu, lui soient enseignées par cette Eglise, à qui le divin fondateur de la Religion en a confié le dépôt. Le Protestant qui réfléchit doit être dans la crainte, parce que Jésus-Christ a dit qu'il fallait croire pour être sauvé, et un homme, quelque savant qu'il soit, doit appréhender de se tromper dans une matière si importante et si délicate, se voyant obligé de prononcer lui-même sur les vérités du salut. Mais le catholique, serait-il dépourvu de talents, est tranquille dans sa foi, parce qu'il se repose sur l'Eglise, qui a été chargée par le divin Sauveur d'enseigner tous ses disciples. Or, l'Eglise nous assure, que Jésus-Christ est véritablement, réellement, et substantiellement présent dans le Sacrement de nos Autels; nous pourrions donc nous arrêter là, et ne pas pousser plus loin les preuves de la vérité eucharistique. Cependant il ne sera pas hors de propos, pour la satisfaction des fidèles, de présenter ici les preuves de la Tradition sur le dogme de la présence réelle, et de leur donner le développement dont elles sont susceptibles. « Consultez, disait Moïse aux Juifs ingrats envers le Seigneur, consultez les siècles antérieurs, considérez ce qui s'est passé dans chacune des générations: interrogez votre père et il vous instruira, interrogez vos ancêtres et ils vous diront ce que le Seigneur a fait pour vous. » (Deuter. XXXII, 7). Les paroles du Sauveur: Ceci est mon corps, ceci est mon sang, expriment ce que les chrétiens doivent croire du Sacrement de l'Eucharistie, et les catholiques sont persuadés qu'il faut les entendre dans le sens simple et littéral, et qu'elles expriment une présence réelle; mais puisque dans le xvIe siècle, des hommes ont

dans les œuvres de Scheffmacher, tome 1, Ed. de 1840. Elles se trouvent également dans les cours de Théologie.

prétendu, que ces paroles devaient être prises dans le sens de figure, et que leur sentiment est suivi encore par les Protestants qui se disent Réformés, nous devons consulter les siècles chrétiens, pour savoir ce que nos Pères dans la foi ont cru, et dans quel sens ils les ont entendues. Pour agir selon la prudence, il est à propos de chercher les témoignages de tous les temps, et de toutes les nations du monde chrétien.Si dans tous les temps, depuis les Apôtres jusqu'à Zwingle et Calvin; si dans tous les pays et même chez les nations ennemies les unes des autres, nous trouvons que les témoignages sont uniformes, la raison et le sens commun disent, qu'on doit reconnaître, dans cette antiquité, dans cette universalité, et cette continuité de sentiments, une preuve évidente du dogme de la présence réelle. De plus, si les faits et les circonstances sont de nature, à rendre impossible tout changement de croyance sur cette matière, la raison et le bon sens disent encore plus hautement, que les paroles, Ceci est mon corps, ceci est mon sang, doivent être entendues dans leur sens littéral, et qu'on doit par conséquent admettre et croire la présence réelle de J. C. dans l'Eucharistie. C'est ce que nous démontrerons, dans ce qui nous reste à dire de cette question.

SECONDE PREUVE.

Témoignages des Pères et des Ecrivains Ecclésiastiques.

Observations.

Avant de rapporter les paroles des Pères et des Ecrivains ecclénous mettrons ici quelques observations préliminaires :

4o Dans la doctrine catholique les paroles, Ceci est mon corps, ceci est mon sang, que J.-C. prononça en instituant l'Eucharistie, sont faciles à comprendre quant aux termes, et elles ne demandent pas d'explication pour être entendues littéralement; mais nous devons

dire aussi, qu'elles présentent de grandes difficultés, quant au sens qu'elles expriment, et il faut une autorité imposante pour faire croire, que ce qui a l'apparence du pain et du vin soit cependant le Corps et le Sang de Jésus-Christ.

Dans le sentiment calviniste au contraire, les mêmes paroles sont difficiles à expliquer littéralement, et il faut qu'une interprétation vienne dire, Ceci n'est que la figure de mon Corps, de mon Sang; mais d'un autre côté la chose signifiée par les paroles est facile à comprendre, et toute espèce de mystère ou de miracle disparaît, en disant l'Eucharistie n'est que la figure du Corps et du Sang de Jésus-Christ.

2o Si les Pères de l'Eglise ont entendu les paroles de l'institution dans le sentiment catholique, ils n'ont pas eu besoin d'insister pour les expliquer, parce qu'elles sont claires littéralement, et qu'elles présentent à l'esprit l'idée de la foi à la présence réelle; mais ils ont dû s'appesantir davantage sur la chose signifiée, pour éloigner le doute, que les sens et la raison pouvaient élever contre la vérité de cette présence.

Au contraire, s'ils ont été persuadés du sens figuratif des Protestants, ils se seront appliqués à l'interprétation des paroles, pour faire observer aux chrétiens, de ne pas prendre à la lettre les paroles Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang,mais d'y voir seulement un sens figuré, comme dans beaucoup d'autres passages de l'Ecriture. Par la même raison, ils n'auront pas eu besoin de combattre les contrariétés des sens et de l'intelligence humaine; car tout le monde conçoit, que le Sauveur aurait pu établir le pain et le vin, pour être le signe ou la figure de son corps et de son sang; et dès lors l'Eucharistie n'aurait rien d'extraordinaire. Et cependant les Pères se sont occupés surtout de la chose signifiée, et ils se sont appliqués à combattre les doutes des sens et de la raison de l'homme.

3o Non seulement les Pères auraient dû expliquer le sens figuratif, s'ils l'avaient admis, mais ils étaient même obligés de le faire, pour ne pas laisser tomber dans une erreur monstrueuse les fidèles qu'ils étaient chargés d'instruire. Dans l'Ecriture, il est beaucoup d'expressions, qui étant prises à la lettre donneraient une idée fausse; telles sont celles qui attribuent à Dieu des yeux, des oreilles, des mains et

des pieds, etc.; ou bien qui disent, que Dieu est jaloux, qu'il se repent, etc.; aussi les Pères en commentant l'Ecriture ont eu soin de faire remarquer, que ces paroles ne devaient pas être prises littéralement, mais qu'elles étaient des métaphores ou des allégories, par lesquelles les choses spirituelles étaient exposées par des figures corporelles, qui y avaient quelque rapport. Or, les paroles de l'institution de l'Eucharistie Ceci est mon corps, ceci est mon sang, prises à la lettre, désignent la présence réelle de Jésus-Christ; ils étaient donc obligés, pour faire éviter l'idolâtrie, de dire en commentant l'Ecriture, que les paroles du Sauveur devaient être entendues dans un sens figuré, si tel avait été leur sentiment. Et cette obligation était rigoureuse, soit lorsque leurs Ecrits s'adressaient à ceux qui ne connaissaient pas les Mystères de la Religion, soit lorsqu'ils enseignaient les fidèles pour leur apprendre les dogmes de la foi. Ils ne l'ont point fait, et au contraire ils ont pris ces paroles dans leur sens simple et naturel, malgré le Mystère qu'elles renferment; ils ont même combattu le doute, non pas d'expression, ni d'efficace, mais le doute de réalité qui se présente naturellement à l'esprit; il faut donc conclure, qu'ils ont admis la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie.

4o Dans le sens catholique, l'Eucharistie étant efficace par ellemême, puisqu'elle contient en réalité le Corps et le Sang de JésusChrist, les Pères ont dû parler des effets admirables et particuliers de ce Sacrement.

Dans le sens calviniste, au contraire, l'Eucharistie n'étant qu'une figure ne peut pas avoir une efficacité par elle-même; et alors, si tel avait été leur sentiment, ils n'auraient pas parlé d'une manière particulière de ses effets. Et si Dieu avait voulu par extraordinaire, que des effets résultassent constamment d'une figure vide par elle-même, les Pères, qui se sont étendus sur l'Eucharistie, n'auraient pas manqué d'en faire la remarque. Or, ils ne l'ont pas fait ; nous devons donc en conclure, qu'ils ont attribué l'efficacité dont nous parlons à la présence réelle.

5o Les premiers Pères n'ont parlé de l'Eucharistie qu'avec réserve et avec des expressions voilées, dans leurs discours publics auxquels les Catéchumènes assistaient, parce que ceux-ci n'étaient

pas encore en état d'apprécier ce Mystère: ils recommandaient même aux fidèles de n'en parler qu'avec prudence (1). Il est des commentaires des Pères, qui sont longs et étendus, destinés ron seulement à éclaircir les passages de l'Ecriture, mais encore les dogmes de la foi; il en est d'autres qui sont courts, et qui ne consistent qu'en des notes, pour expliquer la lettre et faire quelques remarques: il en est même qui ne contiennent que des réflexions morales. Dans les premiers de ces commentaires nous devons trouver le dogme de la présence réelle positivement exprimé dans les seconds, ce dogme peut n'être pas désigné, sans que ce silence soit une négation de la présence réelle, puisque le but des Auteurs n'était pas de l'établir, et que les paroles, Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang, sont positives, sans obscurité, indiquant cette présence.

6o Les premiers Réformateurs ne voulaient d'abord que les paroles de l'Ecriture, et rejetaient les témoignages des Pères. Ils reconnurent plus tard l'utilité de leurs Ecrits, et se mirent à les étudier; mais comme ils n'avaient d'autre désir, que de faire triompher la cause du protestantisme, et non point de chercher la vérité, ils se contentèrent de ramasser des textes, où ils trouvaient quelques expressions, qui leur paraissaient propres à favoriser leur sentiment particulier et hérétique. Ces expressions cependant ne sont pas contraires au dogme de la présence réelle. Ainsi les Pères ont pu donner le nom de pain à l'Eucharistie, sans qu'on puisse en conclure qu'ils ne reconnaissaient pas la présence réelle; car l'Eucharistie ayant été instituée pour être la nourriture spirituelle de nos âmes, et les apparences du pain continuant d'exister, on peut très-bien l'appeler le pain de nos âmes, le pain céleste, le pain sacré, le saint pain, ou simplement pain, selon la tournure de la phrase; c'est une manière de s'exprimer, reçue encore parmi les catholiques, et que l'on trouve, soit dans les livres des Auteurs ascétiques, soit dans les discours des Orateurs chrétiens. Les Pères ont pu pareillement s'en servir dans leurs ouvrages, et les Protestants ne peuvent en tirer aucune conséquence contre le dogme catholique. Dans le Canon même de la Messe, qui

(1) C'est en particulier ce que nous lisons dans la xxIIIe homélie de S. Chrysostome sur S. Mathieu. Tom. vii, in Math. hom. 23, pag. 326, Ed. Paris 1836.

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