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de l'an 1584 prescrit aussi aux chrétiens de recevoir à Pâque la Communion de leur propre Curé, sous peine d'excommunication (1). Celui d'Avignon, de l'an 1594, leur ordonne pareillement, de satisfaire à ce devoir dans leur propre paroisse, et il veut même que l'on refuse la Communion à ceux qui voudraient la faire dans une paroisse étrangère (2). Les Conciles de Malines de l'an 1607, de Narbonne de l'an 1609, et de Bordeaux de 1624, désignent aussi l'Eglise paroissiale pour le lieu de la Communion pascale (3). Les Synodes diocésains ont répété, ces prescriptions (4).

ARTICLE QUATRIÈME.

DE LA FRÉQUENTE COMMUNION.

Deux sentiments, nuisibles à la sanctification des âmes, ont été manifestés sur cet article par divers Auteurs. Les uns ont conseillé aux chrétiens de communier rarement, à cause de la grande perfection que ce Sacrement exige; les autres ont assuré qu'il fallait recevoir fréquemment la Sainte Communion, à cause de la facilité à s'y préparer, et à acquérir les dispositions nécessaires. Ces deux opinions sont également opposées aux intentions de Jésus-Christ et à l'enseignement de l'Eglise; la première fait injure à la bonté et à l'amour du Sauveur; la seconde à sa sainteté et à sa grandeur. Evitant ces deux extrêmes, nous disons qu'il est louable, avantageux et utile

(1) Conc. Labb., tom. xv, tit. 2, can. 9, pag. 1091.

(2) Ibid. pag. 1445.

(3) Ibid. pag. 1548, 1590, 1643.

(4) Le Synode de Nimes de l'an 1627 déclare, que la Communion pascale doit se faire dans la propre Eglise paroissiale, des mains du Curé ou de celui qui le représente, à moins qu'on n'ait une permission de l'Evêque ou du Curé pour la faire ailleurs. Hist. de Nimes, tom. v, preuv. 95, pag. 296. Le Synode de la même ville de l'an 1670 prescrit la même chose; celui d'Alais de l'an 1724 parle aussi de cette obligation d'une manière précise. Nous défendons, y est-il dit, à tous les fidèles de faire leur Communion pascale autre part que dans leur paroisse ; et nous défendons à tous Religieux et Prêtres séculiers desservant d'autres Eglises, d'y admettre personne à la Sainte Table dans ledit temps pascal, sans notre permission.. Art. 6, n. 3', pag. 22.

Frequente Commu

ture.

de communier souvent, mais toujours avec les dispositions requises: nous aurons soin de les indiquer.

1o La pratique de la Communion fréquente est une conséquence de l'enseignement évangélique. Selon les paroles de la promesse de Insinuée par l'Beri l'Eucharistie, le Sauveur est le pain vivant, descendu du ciel; il faut le recevoir pour avoir la vie; et sa Chair est véritablement une nourriture (1). Dans l'institution de ce Sacrement, il dit: Prenez et mangez, ceci est mon Corps (2). De là nous devons conclure, que Jésus-Christ a voulu que son Corps devînt la nourriture spirituelle de nos âmes. Tous les jours nous donnons à notre Corps les aliments dont il a besoin pour vivre; ne devons-nous pas aussi donner fréquemment à notre âme sa nourriture spirituelle, la Sainte Eucharistie? Le pain matériel est l'aliment quotidien de notre Corps; et puisque Jésus-Christ a institué l'Eucharistie pour être reçue sous les Espèces du pain, n'a-t-il pas voulu par là nous faire entendre, que nous devions aussi la recevoir fréquemment? Dans l'Oraison dominicale, il nous apprend à demander à Dieu notre pain de tous les jours; mais l'âme n'est-elle pas plus précieuse que le Corps, et n'a-t-il pas voulu que nous demandions aussi pour elle une nourriture quotidienne, l'Eucharistie? Le Sauveur la compare à la manne, dont les Israélites se nourrirent dans le désert, et qui leur était donnée tous les jours; et puisque ce qui se passait dans l'Ancien Testament était la figure de ce qui devait avoir lieu dans le Nouveau, nous pouvons donc penser que l'Eucharistie doit être la fréquente nourriture de nos âmes, dans le pélerinage et le désert de cette vie.

Manifestée par la
Tradition.

Nous trouvons la Communion fréquente dans les monuments de la Tradition. Il semble qu'elle est rappelée dans les Canons attribués aux Apôtres (3); mais elle est certainement indiquée par S. Justin. Après avoir parlé de la réunion de tous les chrétiens le dimanche, et de la consécration de l'Eucharistie dans ces assemblées, il ajoute aussitôt : « Les Diacres la distribuent à chacun de ceux qui sont présents... et ils l'apportent à ceux qui sont absents: didóαciv Exάoty των παρόντων καὶ τοῖς οὐ παρουσιν ἀποφέρουσι (4) . Tous les chrétiens com

...

(1) S. Jean vi.

(2) S. Math. XXVI.

(3) Concil. Labb. tom. 1, can. 9, pag. 26 et 27.

(4) S. Just. Opera, Apol. I, n. 65, pag. 83, Ed. Paris 1742.

muniaient donc le dimanche'; et ceux qui par indisposition n'avaient pu assister au Saint Sacrifice demandaient à y participer. La Communion de tous les dimanches ne satisfaisait pas la dévotion de tous les pieux chrétiens, et il y en avait qui communiaient chaque jour. Mais cette pratique ne devait pas être approuvée de tout le monde, puisque des Ecrivains prirent la plume pour traiter cette question; c'est S. Jérôme qui nous apprend cette circonstance dans sa réponse à Lucinius. « Pour ce qui concerne l'Eucharistie, lui dit-il, et s'il faut la recevoir tous les jours selon la pratique des Eglises de Rome et d'Espagne, vous pouvez consulter les ouvrages d'Hippolyte, pleins d'éloquence, et de plusieurs autres qui ont ramassé dans leurs Ecrits les opinions de différents Auteurs. Pour moi, je crois que lorsque les Traditions ecclésiastiques ne donnent aucune atteinte aux règles de la foi, nous devons les observer de la même manière, que nous les avons reçues de nos prédécesseurs, et ne pas détruire leurs pratiques, pour substituer la pratique des autres..... On peut aussi communier tous les jours, pourvu que la conscience ne reproche rien et qu'on ne s'expose pas à recevoir sa condamnation » (1). Il y a apparence que S. Jérôme désigne ici S. Hippolyte, Evêque dans l'Orient au commencement du IIIe siècle, et dont les ouvrages sont perdus. S. Cyprien expliquant l'Oraison dominicale, parle de l'Eucharistie comme étant reçue tous les jours par les chrétiens pieux. «< Nous demandons, dit-il, que ce pain nous soit donné tous les jours, de peur que nous, qui sommes en J.-C. et qui recevons tous les jours l'Eucharistie comme l'aliment du salut, ne soyons séparés par l'obstacle de quelque délit plus grief, qui nous tenant privés et exclus de la Communion, nous prive du Pain céleste (2). S. Hilaire entendait dans le même sens les paroles de l'Oraison dominicale: Donneznous aujourd'hui notre pain quotidien (3). S. Basile avait été consulté par une Dame, nommée Césaria Patricia, pour savoir s'il était utile de communier tous les jours, et s'il était permis à un laïque, en l'absence des Prêtres et des Diacres, de se donner la Com

(1) Patrol. tom. xxII, S. Hieron. Epist. 71 ad Lucin. n. 6, pag. 672. (2) Patrol. tom. iv, S. Cyp. Opera Tract. de Orat. cap. 18, pag. 531. (3) Patrol. tom. x ? S. Hila. Fragm. 7, pag. 725. Le IVe Concile de Tolède cite ces paroles comme de S. Hilaire.

munion de sa propre main. « Il est bon et utile de communier tous les jours, répond-il, et de participer au sacré Corps et au Sang de Jésus-Christ, puisqu'il a dit lui-même: Celui qui mange ma Chair et boit mon Sang a la vie éternelle. Peut-on douter que ce ne soit un bon moyen pour l'acquérir, que de s'approcher souvent de la source de vie? Quant à nous, nous communions quatre fois la semaine, les dimanche, mercredi, vendredi et samedi, et les autres jours, quand nous célébrons la mémoire de quelque Saint. Mais que dans le temps de persécution on soit obligé, n'ayant point de Prêtre ou de Diacre, de se communier de sa propre main, cela ne peut souffrir de difficulté, et il serait superflu de le prouver, puisque c'est établi par une ancienne coutume et une pratique constante; car tous les Moines qui sont dans le désert où il n'y a pas de Prêtres, * gardent la Communion chez eux et se communient eux-mêmes (1). » Pallade rapporte que lorsque S. Macaire eut guéri une personne possédée du démon, en lui jetant de l'eau bénite sur la tête, il lui conseilla de s'approcher souvent des Sacrements. Se trouvant dans un Monastère de la Thébaïde, le même Ecrivain vit beaucoup de Religieux recevoir tous les jours la Sainte Eucharistie, conformément aux instructions de leur saint Abbé (2). Cette pratique de la Communion fréquente était le résultat de l'enseignement des Pères. << Ne demeurons pas, disait S. Chysostôme, dans l'insensibilité après avoir reçu des marques d'un si grand honneur et d'un si prodigieux amour. Vous voyez avec quelle impétuosité les petits enfants se jettent au sein de leurs nourrices, et avec quelle avidité ils sucent le lait de leurs mamelles. Imitons-les, mes frères, en nous approchant avec joie de cette Table sacrée, et suçant pour ainsi dire le lait spirituel de ces mamelles divines; mais courons-y encore avec plus d'ardeur et d'empressement, pour attirer dans nos cœurs, comme des enfants de Dieu, la grâce de l'Esprit-Saint, et que la plus sen

(1) *... Κοινωνίαν οίκοι κατέχοντες ἐφ' ἑαυτων μεταλαμβανουσιν. Tom. 111, Epist. 93, pag. 186, Edit. Paris 1722.

(2) Οὐ προτερον της τροφῆς μετελάμβανον πρίνη τῆς εὐχαριστίας τοῦ Χριστου xotvovýcwat. Bibl. Patrum tom. XIII, Hist. Lausic. cap. 19 et 53, pag. 922 et 984, Ed. Paris 1644.

sible de nos douleurs soit d'être privés de cette nourriture céleste »(1). S. Augustin, expliquant aux Catéchumènes ces mots de l'Oraison dominicale, donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien, n'est pas moins positif: « Cette demande du pain quotidien, disait-il, a un double sens; l'un pour la nécessité de la nourriture du corps, l'autre pour la nécessité de l'aliment spirituel... Les fidèles connaissent l'aliment spirituel, que vous saurez aussi, (vous Compétents), quand vous le recevrez de l'Autel de Dieu..... L'Eucharistie est donc notre pain quotidien » (2). Ainsi selon le saint Docteur, deux pains sont nécessaires à la vie, l'un pour le corps, et l'autre pour l'âme. Ces deux pains sont quotidiens, parce qu'il faut sans cesse soutenir l'homme fragile et défaillant, et réparer chaque jour ses pertes, autant pour l'esprit, que pour la chair. Dans les six Livres des Sacrements nous trouvons la même doctrine: « Si c'est le pain quotidien, y est-il dit, pourquoi ne le mangez-vous qu'au bout d'un an, comme les Grecs en Orient ont coutume de faire? Recevez-le tous les jours, afin que tous les jours il vous soit utile. Vivez de telle sorte que vous méritiez de le recevoir fréquemment. Celui qui n'est pas digne d'y participer journellement, ne mérite pas de le recevoir au bout de l'an. Le saint homme Job n'offrait-il pas tous les jours un sacrifice pour ses enfants, de peur qu'ils n'eussent péché par leurs pensées ou par leurs paroles? Mais vous, ne savez-vous pas, que toutes les fois que le Sacrifice est offert, la mort, la résurrection, l'ascension du Seigneur et la rémission des péchés sont représentées? Et cependant vous ne recevez pas tous les jours ce pain de vie! Celui qui a reçu une blessure ne cherche pas le remède! Le péché qui nous captive est notre plaie notre remède est dans le céleste et vénérable Sacrement» (3). Il est à propos de faire remarquer, pour éviter à quelques lecteurs de tomber dans l'erreur, que, selon la doctrine des Pères, l'Eucharistie n'est point le remède d'expiation pour les péchés mortels; mais elle est à leur égard un remède de préservation. L'Auteur de ces Livres se trompait sur la pratique, qu'il attribue aux Grecs,

(1) S. Chrys. tom. VII, in Math. hom. 82, pag. 890, Edit. Paris 1836. (2) S. Aug. tom. v, Serm. 57, cap. 7, pag. 389, Ed. Paris 1841. (3) Patrol. tom. xvi, S. Ambr. de Sacram. lib. 5, cap. 4, n. 25, pag. 452.

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