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communier tous les jours, afin de participer aux divins Mystères avec plus de pureté, et par conséquent plus dignement. Mais pour le faire d'une manière plus digne que celle, qui est rigoureusement requise et qui consiste à n'avoir pas de péché mortel, il faut admettre que ces personnes entendaient n'approcher de J.-C. que dans l'exemption de toute affection au péché véniel; et il approuve leur sentiment. Il parle ensuite de ceux qui croient devoir ne passer aucun jour sans communier; et il loue également leur manière de faire, comme honorant J.-C. autant que les autres. Mais si ces derniers avaient été dans l'usage de s'approcher de la Table sainte avec l'affection au péché veniel, ils n'auraient pas honoré J.-C. autant que les premiers; et puisque le saint Evêque assure qu'ils le glorifient également, il faut donc reconnaître qu'ils communiaient dans l'exemption de toute affection au péché véniel. Les paroles de Gennade, qui exclut pour la Communion fréquente l'affection au péché véniel, se lisent dans la réponse du Pape Nicolas I aux Bulgares (1); elles se retrouvent dans les Sentences de Pierre Lombard, Evêque de Paris, qui les attribue à S. Augustin (2). S. Thomas demande, si par le péché véniel on empêche l'effet du Sacrement de l'Eucharistie: sa conclusion est, qu'on l'empêche en partie (3). La Communion de tous les jours, selon ce saint Docteur, peut être considérée de deux manières; la première par rapport au Sacrement, dont la vertu est salutaire aux hommes, et ainsi il est utile de recevoir tous les jours la Communion, afin d'en retirer les fruits qu'elle produit; la seconde par rapport à celui qui communie « duquel il est requis, qu'il approche de ce Sacrement avec une grande dévotion et révérence : in quo requiritur ut cum magnd devotione et reverentia ad hoc Sacramentum accedat. C'est pourquoi si quelqu'un se trouve tous les jours dans cette disposition, il est louable qu'il communie tous les jours..... Mais parce que quelquefois plusieurs obstacles contrarient cette dévotion dans quelques hommes, à cause de l'indisposition du corps ou de l'âme, il n'est point utile à tous les hommes de

(1) Concil. Labb. tom. resp. ad Bulg. n. 9, pag. 520.

(2) Lib. 4, Distinct. 12, n. 8, pag. 357.

(3) Sum. part. 3, quest. 79, art. 8.

communier tous les jours, mais seulement lorsque quelqu'un sera disposé comme nous avons dit » (1). Ainsi selon l'enseignement de S. Thomas, pour communier fréquemment un homme doit être dans une grande dévotion et révérence pour ce Sacrement; or l'affection aux péchés véniels est un défaut de dévotion et de respect envers J.-C., et un obstacle à la fréquente Communion. « Car le péché véniel, a-t-on dit avec raison, est une offense de Dieu, aussi bien que le péché mortel, quoique moindre; et ce qui convient au péché mortej lui convient aussi, quoique d'une autre manière. Et de là il s'ensuit, que si le péché mortel est un mépris de la majesté de Dieu, le péché véniel est un défaut de respect envers lui; que si le péché mortel est une haine de cette bonté infinie, le péché véniel est une indifférence pour elle; si l'un est une rébellion contre ce Souverain Maître, l'autre est un défaut de soumission; si l'un est une préférence de la créature au Créateur, l'autre est une complaisance pour la créature au dépend de ce qu'on doit au Créateur; si l'un est une perte de la charité, l'autre est un refroidissement de la charité qui dispose à la perdre ; si l'un est une infraction, l'autre est une négligence de la loi; si l'un est un égarement de la fin dernière, l'autre est un détour qui conduit souvent à l'égarement (2). »

Le sentiment, que nous venons d'exposer sur l'obligation de renoncer à toute affection au péché véniel, pour la fréquente Communion, n'est-il pas une conséquence de ce qui est dit dans l'Evangile? En venant sur la terre, le divin Sauveur a voulu que ses disciples jouissent de la vie spirituelle, et qu'ils en jouissent avec abondance Veni ut vitam habeant et abundantiùs habeant (3); or l'Eucharistie est le moyen qu'il a établi pour leur procurer la vie, et c'est pourquoi il a dit: Je suis le pain de vie..... Celui qui mange de ce pain ne mourra point (4); communier avecl'affection au péché véniel, c'est se priver donc de l'abondance de vie que le Sauveur a voulu leur communiquer. Car les effets

(1) Ibid. quæst. 70, art. 10.

(2) Réflexions chrétiennes, par le P. Nepveu, tom. 1, (3) S. Jean x. 10.

(4) S. Jean, chap. vi.

5me jour.

de la fréquente Communion sont en rapport avec les dispositions que les personnes y apportent : nous voulons parler des grâces que la Communion procure aux âmes, soit pour les unir plus parfaitement à J.-C., soit pour leur donner les secours dont elles ont besoin contre les tentations. Il n'est pas nécessaire d'avoir beau coup d'expérience dans l'ordre de la vie spirituelle, pour savoir que parmi ceux qui communient tous les jours, les uns y trouvent des grâces abondantes pour avancer à grands pas dans la perfection, et les autres n'en retirent aucun fruit pour leur avancement spirituel. Le Sacrement opére cependant par lui-même, ex opere operato; la différence de ces effets doit nécessairement provenir de la différence des dispositions : les uns font tous leurs efforts pour se préserver des péchés véniels, les autres vivent dans l'indifférence pour ces sortes de péchés et en conservent même de l'affection. Et de là nous concluons, que pour tirer de la fréquente Communion tous les fruits que le Sauveur désire, il est nécessaire d'être exempt de l'affection au péché véniel. D'ailleurs, « Celui qui craint Dieu, ne néglige rien, dit l'Ecrivain sacré » (1). Et encore: « Celui qui méprise les petites choses, tombera peu à peu » (2).

CINQUIÈME QUESTION.

Dans quelles dispositions les chrétiens doivent-ils recevoir le Sacrement de l'Eucharistie, pour en retirer les fruits salutaires, que le Sauveur à voulu leur ménager?

Les chrétiens ne négligeront pas d'apporter à la Communion les dispositions convenables, s'ils ont soin d'avoir présent à leur esprit le dogme de la présence réelle. Le Prêtre célébrant la Sainte Messe

(1) Eccles. vii. 19.

(2) Eccles. XIX.

et distribuant l'Eucharistie, renouvelle ce que Jésus-Christ fit la veille de sa mort. << Croyez, disait S. Chrysostôme que c'est ici cette Cène, où Jésus-Christ était assis avec ses Apôtres. Il n'y a nulle différence entre les deux. On ne peut pas dire, que ce soit un homme qui fasse celle-ci, que Jésus-Christ a fait celle-là. C'est le même Sauveur qui a fait l'une et l'autre. Quand donc vous voyez le Prêtre vous présenter cette nourriture sacrée, ne pensez pas que ce soit la main d'un homme qui vous la donne; croyez que c'est JésusChrist même qui vous tend la main pour vous en faire part..... Ecoutons donc ceci nous tous, Ecclésiastiques et Laïques. Reconnaissons quel est l'aliment dont il plaît à Dieu de nous nourrir, a quel honneur il nous élève, et que cette vue nous frappe d'étonnement. Il nous fait la faveur de nous donner sa chair sacrée, et il se communique à nous lui-même, comme une victime qui a été immolée pour l'amour de nous » (1). Par la Communion Jésus-Christ Dispositions à la communique son corps, son âme, et sa divinité; les fidèles doivent de leur côté employer toutes leurs facultés pour le bien recevoir. Ces facultés, que Dieu a départies aux hommes, et qui les mettent audessus de toutes les autres créatures de la terre, sont un cœur pour vouloir, un esprit pour connaître, un corps pour agir. Leur devoir est d'en faire usage pour la sainte Eucharistie, et ils satisferont à cette obligation en apportant à la réception de ce Sacrement les dispositions convenables de l'âme, de l'esprit, et du corps.

ARTICLE PREMIER.

DISPOSITIONS DE L'AME.

Communion

de l'âme,

la

grâce sanctifiante.

La pureté de l'âme, ou l'état de la grâce sanctifiante, est la pre- Première disposition mière condition, pour participer dignement à l'Eucharistie. Ce fut pour faire sentir cette nécessité, que le divin Sauveur voulut laver les pieds de ses Apôtres avant de les communier. << Quelle union, dit S. Paul, peut-il y avoir entre la justice et l'iniquité ? Quel commerce entre la lumière et les ténèbres? Quel' accord -entre Jésus

(1) S. Chrys. tom. vii. in Math. hom. 50, pag. 581, Ed. Paris 1836.

Indiquée par la
Tradition

Christ et Belial? II. Cor. vI. 14. Et ailleurs: « Quiconque mangera ce pain et boira ce calice indignement, sera coupable du Corps et du Sang du Seigneur. Que l'homme donc s'éprouve soi-même ; qu'il mange ainsi de ce pain et qu'il boive de ce calice; car quiconque mange de ce pain et boit de ce calice indignement, mange et boit sa propre condamnation ne faisant pas le discernement qu'il doit du Corps du Seigneur. C'est pour cette raison qu'il y a parmi vous beaucoup de malades et de languissants. » I. Cor. XI 27.-30. Cet enseignement de l'Apôtre, fondé sur le dogme de la présence réelle, s'est perpétué par la voie de la Tradition.

Origène, expliquant les pains de proposition de la Loi mosaïque: « De même Dieu vous a fait le précepte, dit-il, de ne recevoir et ne manger le pain mystique que dans un lieu pur, c'est-à-dire, que vous ne receviez'pas les Sacrements du Corps et du Sang du Seigneur dans une âme souillée par le péché. Car celui qui mangera le pain et boira le calice du Seigneur indignement, sera coupable du Corps et du Sang du Seigneur » (1).

S. Cyrille de Jérusalem, instruisant les Néophytes sur le Sacrement de l'Eucharistie : « Vous avez vu, leur disait-il, que le Diacre présentait au célébrant de l'eau pour laver ses mains, et qu'il fit de même à tous les autres Prêtres qui étaient autour de l'Autel. Croyezvous qu'il ne donnât cette eau, que pour nettoyer quelques saletés du corps? Non: car nous avons soin de nous tenir propres, avant d'entrer dans l'Eglise; mais c'est pour marquer seulement, que vous devez vous purifier de tout péché et de tout dérèglement; car comme les actions sont représentées par les mains, on désigne en les lavant l'innocence et la pureté des œuvres... Ce soin donc, que nous prenons de laver nos mains, exprime celui que nous devons avoir de tenir notre âme pure et exempte de péchés » (2).

S. Ambroise enseignait la même doctrine: « Nul ne reçoit J.-C. pour nourriture, disait-il, s'il n'a été auparavant guéri. Aussi lorsqu'il appelle les hommes au festin céleste, il les guérit par son appel avant qu'ils arrivent; s'il s'en trouve de boiteux, ils reçoivent

(1) Orig. tom. II, hom. 13 in Levit. pag. 257, Ed. Paris 1732.
(2) S. Cyril. Hieros. Catéch. myst. 5, pag. 239, Ed. Paris 1631.

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