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est susceptible; cette partie de nousmêmes qui est sans comparaison la plus vile, est celle qu'on se plaît à orner davantage, et lorsqu'il s'agit de former en soi ce que j'appelle une belle ame, c'est-à-dire, un cœur droit un cœur pur et exempt de taches, où sont les moyens qu'on emploie? où sont les peines qu'on se donne ?

A voir tant de jeunes gens, disons-le même, à voir tant de femmes d'un âge mûr, perdre les matinées entières pour se préparer à paroître avec avantage dans le monde pendant le reste du jour; à les voir composer leurs cheveux avec tant d'apprêts, étudier leurs gestes et leur maintien, étaler avec complaisance les charmes de leur figure, qui ne diroit qu'ils font consister tout leur mérite dans un premier extérieur ? qui pourroit croire que c'est pour Dieu qu'ils ont été créés? Qui pourroit, même avec fondement, les regarder comme des hommes ? A voir tant de Vierges chrétiennes, tant de femmes du siècle s'occuper uniquement de leur parure, épuiser, pour se faire remarquer, tout ce qu'il y a de plus rafiné, inventer chaque jour ce qu'il y a de plus dangereux et de plus séduisant pour suppléer, par un éclat emprunté, à la beauté qui leur manque, ou relever celle qu'elles ont reçu de la

nature par tout ce qu'il y a de plus recherché dans les ajustemens, par des modes toujours nouvelles, par les choses les plus propres à irriter les passions de ceux qui les environnent, qui pourroit s'imaginer qu'elles regardent la modes tie, la pudeur comme le plus bel appa nage de leur sexe, et qu'elles considèrent la grâce qui sanctifie les cœurs comme le plus bel ornement de la créature ? Qui pourroit penser que c'est à Dieu qu'elles cherchent à plaire, que c'est pour lui qu'elles se parent; et qui ne croiroit pas, avec raison, qu'elles ne connoissent d'autre difformité que celle qui peut les empêcher de plaire aux hommes ? Elles reviendront un jour, mais trop

tard

peut-être, d'une erreur si funeste et elles avoueront alors en gémissant qu'il n'y a de véritables attraits, qu'il n'y a de vraie beauté que celle qui est selon Dieu, que celle qui est en même temps le principe du vrai bonheur.

Et, tel est encore le don que le Tout-Puissant a fait à Marie, le don de la grâce, qui, en la rendant plus agréable à ses yeux, plus belle, plus or née que toutes les créatures ensemble servoit de fondement à son immortalité, et lui assuroit la félicité la plus étendue, dont il fût possible de jouir après Dieu. En effet, c'est une maxime appuyée sur

les plus pures lumières de la raison et de la foi, que dans les décrets éternels du juste juge, la sainteté et le bonheur sont deux choses inséparables; de manière que ce qui est la source de cellelà est nécessairement le principe de celuici; de même que ce qui est la mesure de l'une, est, par une conséquence nécessaire, la mesure de l'autre. C'est donc parce que Marie a été la plus favorisée du côté de la grâce, et qu'elle en a le mieux conçu tout le prix, qu'elle est aussi la plus heureuse dans le Ciel, et la première entre tous les Saints. C'est pour cela même que toutes les générations célèbrent avec tant de joie ce que Dieu a fait pour elle. Beatam me dicent omnes generationes.

Mais, M. F., pouvons-nous être bien persuadés de l'accord nécessaire qui est entre le véritable bonheur et la grâce qui nous sanctifie et montrer si peu d'empressement pour elle, tandis que nous faisons paroître tant d'attache pour les biens sensibles, tant d'ardeur pour toutes les choses de la terre ? Et, cependant, de quoi nous serviront ces richesses dont l'acquisition vous coûte tant de soins et d'alarmes, que vous n'accumulez qu'aux dépens de votre repos, et dont vous faites, ou par un vain luxe et une prodigalité mal entendue, ou par une

fausse économie qui vous rend insensibles aux besoins des pauvres, un si mauvais usage. Ah! M. F., que vous serviront ces biens mal acquis que vous retenez depuis si long-temps, dont la jouissance est si souvent accompagnée de craintes et de remords, et dont vous avez néanmoins tant de peine à vous dépouiller en faveur de ceux auxquels ils appartiennent? De quoi vous servirontils à l'heure de votre mort, et que trouverez-vous en eux que la matière de votre jugement et de votre condamnation ? Ah! M. F., vous les possédez aujourd'hui, et demain peut-être on vous redemandera votre ame.

Quel est le fruit de ces plaisirs auxquels vous vous livrez sans réserve, de ces fausses joies du siècle si contraires à l'esprit du Christianisme, de ces voluptés qui flattent vos sens et dont votre cœur s'enivre ? Que vous reste-t-il après la douceur passagère que vous rencontrez et qui ne sert qu'à irriter vos désirs, au lieu de les satisfaire? Quem fructum habuistis in illis ; que vous en reste-til que bien du trouble, quelquefois même bien de l'amertume dans ce monde, et la mort éternelle dans le siècle à venir. Quem fructum habuistis in illis ? Nam finis illorum mors est (1): mais la grâce, M. F., (1) Rom. 6. 21.

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la grâce de notre Dieu qui nous est donnée en J. C. son fruit, c'est la vie éternelle. Gratiam autem Dei vitam æternam (i).

Ah si vous connoissiez le don de Dieu! Si scires donum Dei! si vous saviez quel est celui qui vous offre sa grâce, et quel est le prix qu'il y a attaché, vous demanderiez de cette eau vive, seule capable d'étancher la soif qui vous dévore, et je ne vous verrois plus puiser à ces sources empoisonnées qui n'ont d'autre effet que celui de l'augmenter à chaque instant. Si scires donum Dei. Si vous saviez quelle douce paix, quel calme heureux cette grâce fait naître dans l'ame, vous voudriez en ressentir les impressions, et je ne vous verrois plus chercher, dans de faux biens, un repos que vous n'y rencontrez jamais. Si scires; si vous saviez quelle est la vie éternelle promise au Juste quel est le torrent de joies pures et ineffables dont on est comme inondé dans la maison du Seigneur, vous soupireriez uniquement après cette grâce dont la source jaillit jusque dans l'éternité et je ne vous verrois plus courir après des joies si courtes et si bornées. Si scires. Vous l'avez connu, ô Vierge sainte ! le prix de la grâce que Dieu a si abon

(1) Joan. 4.

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