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pourquoi le voyons-nous multiplier ses humiliations, dès son entrée dans le monde, si ce n'est encore parce qu'il a pris sur lui la ressemblance du péché, comme parle St. Paul, In similitudinem carnis peccati, c'est là ce qui lui fait aimer l'oubli et le mépris, et ce qui lui fait penser qu'il ne peut trop se confondre et s'abaisser.

Ce n'est pas assez pour lui d'être né dans le temps, et d'être renfermé dans l'espace étroit d'un corps sujet à toutes nos infirmités; ce n'est pas encore assez pour J. C. de descendre jusqu'aux foiblesses de l'enfance, et de s'assujétir à ce que cet âge a de plus humiliant, il naît comme le dernier des enfans des hommes. Des bergers, il est vrai, des Rois viennent lui rendre hommage; mais il est inconnu au reste de l'univers. Dans Jérusalem, Hérode et la Synagogue se troublent à son avènement mais il est ignoré dans tout le reste de la Judée. Les Mages lui présentent de l'or et de l'encens; mais il a prévenu leurs dons par un état d'indigence qui le rend méprisable aux plus petits d'entre le peuple. Il est le maître du monde, et à peine trouve-t-il où reposer sa tête. Il est le roi de l'univers, il vient parmi ses sujets, et ils ne lui accordent d'autre asile qu'un lieu destiné à servir de retraite aux animaux les plus

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vils. Joseph et Marie, retenez vos larmes. Jésus, dans sa naissance, est rassasié d'opprobres; il se met au-dessous de tous les hommes; il essuie toute la honte qui est dûe au péché; mais c'est à ce point que devoit s'humilier celui qui ne s'est revêtu de la forme du pécheur, qu'afin de se rendre son médiateur, sa victime, et de satisfaire pour lui.

Cependant M. F. c'est nous qui avons péché, qui péchons tous les jours. Jésus est une victime sainte, innocente, et c'est nous qui sommes les coupables; il prend sur lui l'apparence du crime, mais nous en portons la tache réelle, et nous nous croirons dispensés de l'humilité la plus profonde. Ah! cette tache, nous en avons été souillés dès le premier moment de notre existence. Nous avons été conçus dans le péché ; nous avons été engendrés dans l'iniquité, et de là, vous le savez, cette loi de la chair, toujours opposée en nous à la loi de l'esprit; cette révolte des sens contre la raison; cet entendement, si souvent troublé par des pensées honteuses ou frivoles, et qui, à de si vives lumières, mêle de si épaisses ténèbres; ce cœur, devenu le théâtre de mille passions diverses, d'une foule de penchans déréglés, et qui, à tant de grandeur, joint si souvent tant de bassesse; de là encore, cette malédiction

que nous apportons en naissant, et qui fait de nous, aux yeux de l'Etre infiniment saint, des enfans de colère; de là enfin, ces infirmités qui nous assiègent de toutes parts; cette imbécilité de l'enfance et de la vieillesse; cette mort, qui rend à la poussière le corps qui en a été tiré, et qui, selon l'expression de Job, nous donne pour héritage la pourriture et les vers. Ah! sous cet autre rapport, que J. C. naissant sous la forme du pécheur, veut bien nous rappeler que la condition de l'homme est humiliante, et ce ne sont là, M. F. que des traits communs à tous les hommes: voyons ce que nous y avons ajouté, ce que nous y ajoutons chaque jour.

En nous lavant dans les eaux du Baptêine de cette tache honteuse qui a flétri notre origine, Dieu nous a prévenus par sa grâce, et après ce premier effet de sa clémence, il n'a cessé de nous combler de ses plus précieuses faveurs. Mais comment avons nous répondu à ses bienfaits? par l'ingratitude la plus noire, par les plus mortelles offenses, et peut-être estce là le premier usage que nous ayons fait de notre raison.

Au lieu de consacrer à la vertu les premiers de nos ans, nos plus beaux jours ont été pour le vice. A la fougue impétueuse d'une jeunesse effrénée, ont suc

cédé des passions plus tranquilles en apparences, mais qui ne nous rendoient pas moins coupables. Dieu nous invitoit cependant à rétourner à lui, et chaque jour nous opposions à sa grâce des infidélités nouvelles. Comme un abîme attire un autre abîme, ainsi d'un excès passons-nous à d'autres excès plus grands encore ; nos iniquités ont été portées à leur comble et il n'est rien resté en nous qui ne soit tout souillé par nos crimes.

Mais peut-être, M. F. peut-être, au moment où je parle, en est-il parmi vous qui se rassurent sur ce qu'ils n'ont pas de certains vices, sur ce qu'ils ont même des vertus qu'on admire en eux? Cependant, sans qu'il soit nécessaire de vous rappeler de nouveau à cette dépravation de la nature humaine, qui nous rend capables des plus grands désordres, et qui, d'un Juste, peut faire en un moment un réprouvé; d'une ame fidèle, un monstre d'iniquité; je vous demande, sommes-nous exempts de péché? Ah! si nous le disions au tribunal de ce Juge éclairé, qui sonde les consciences, tout parleroit contre nous, l'orgueil, que nous cachons au fond de notre cœur ; cette vanité secrète, qui nous rend si juste à nos yeux ; cet amour, cette estime déréglée de nous-mêmes, qui, dans le commerce de la vie, nous rend si délicats, si sensibles, si attachés à nos

idées, à nos goûts, à tout ce qui a le moindre rapport avec nous, suffiroit sans doute pour nous confondre.

Ajoutons encore le peu de correspondance à tant de grâces dont Dieu nous a favorisés ; le peu d'usage que nous avons fait de ses dons; le peu de mérite, peut-être, qui se trouve dans nos vertus mêmes, et nous reconnoîtrons que nous n'avons que trop lieu de nous croire plus dignes de haine que d'amour.

Ah! Seigneur, il est donc vrai, il ne me reste, pour toute ressource, que cet humble aveu que faisoit le premier de vos Apôtres : Je suis un homme pécheur. Homo peccator sum. Qu'on loue en moi ce que je ne tiens que de vous seul; qu'on y exalte des qualités frivoles, que le monde Y honore de vains titres à vos yeux, je ne suis qu'un homme pécheur, et comme tel-, ô mon Dieu! puis-je trop me mépriser moi-même, puis-je trop aimer l'humiliation, l'abjection, le mépris qui m'est dù.

Si J. C., parce qu'il est venu se rendre victime pour le péché, s'est anéanti jusqu'à la forme d'esclave, que me restet-il, à moi, si ce n'est de me mettre, s'il étoit possible, au-dessous du néant même dont j'ai été tiré?

O homme! homme pécheur, apprends donc aujourd'hui, en voyant ton Dieu ainsi

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