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rendre la piété aimable, ou n'est-ce pas plutôt l'anéantir et est-elle compatible avec vos mœurs? En paroissant vous mettre au-dessus des préjugés, ne voyezvous pas que c'est l'ordre, la règle, la vérité même que vous détruisez, et que tout en vous n'est qu'erreur ? Nous traiter de déclamateurs comme vous le faites quelquefois, prenez-y garde, M. F. ce n'est pas ôter à nos principes et à nos maximes toute la force que Dieu même leur a donnés. Ah! on parle tous les jours de force d'esprit pour s'élever audessus des opinions vulgaires, ne la ferat-on jamais consister à revenir des fausses opinions du monde, et à les examiner au flambeau de la raison et de la foi?:

O vous qui n'avez pas encore renoncé, au salut; vous qui voulez vous sauver > cessez d'écouter ce monde aveugle, et craignez les écueils dont il est rempli. Plût à Dieu que j'eusse l'autorité d'Isaïe, et assez de voix pour me faire entendre de tous ceux qui tiennent encore au monde ! que je leur répéterois volontiers les paroles du Prophète ; que je leur dirois souvent retirez-vous, M. F.; sortez, sortez de ce monde si corrompu, sauvez votre foible vertu de l'air contagieux qu'on y respire; sortez, je ne dis pas du sein de votre famille et d'un cercle d'amis sages et vertueux; je ne dis pas

même de votre état, tel que soit le grand nombre des liaisons qu'il entraîne. Ce n'est pas là ce que j'appelle le monde, ou s'il s'y rencontre, il vous sera moins dangereux dès que la main de Dieu vous y aura placé, et que vous n'y resterez qu'autant que sa gloire le demande. Son spectacle vous deviendra même utile dès que vous employerez les momens de votre loisir à méditer sur ses égaremens ; mais sortez de ces sociétés où son esprit règne comme dans son centre, où rien ne vous appelle que le désir de participer à ses joies et à ses plaisirs, et où vous ne pourriez recevoir en y restant que de mortelles atteintes; sortez de ce monde où tout devient un piége et concourt à nous séduire; de ce monde, qui, pour allumer l'ambition dans nos antes, nous ouvre la carrière de la gloire et des honneurs, qui donne à l'enflure, à l'orgueil, le nom de grandeur, et met les titres à la place des vertus; de ce monde, qui, pour nous inspirer la soif ardente des richesses, attache aux biens sensibles l'idée du bonheur, qui honore le méchant qui les possède, qui supplée, par la fortune, au mérite réelle, et méprise le juste qui n'a de mérite que la sagesse ; de ce monde, qui applaudit au vice, tant qu'il se cache sous les ombres du mystère, qui ne lui interdit que les excès qu'ac

compagne la honte, qui souvent même couronne les crimes heureux, et ne flétrit de sa censure que ceux que le succès ne justifie pas; de ce monde enfin, où tout sért d'aliment à la passion la plus dangereuse. Ses romans la peignent et la déguisent sous les traits du sentiment, ses discours l'insinuent, ses spectacles l'embellissent, ses chants la préconisent, ses exemples l'accréditent, ses mœurs l'autorisent, ses assemblées et ses cercles en favorisent la naissance, ses parties de plaisirs et ses fêtes en facilitent les progrès, en nouent les intrigues, en préparent, et quelquefois en consomment les honteux déréglemens. Ah! sortez, sortez de cette Babylone, où l'esprit d'illusion et de vertige devient de jour en jour plus sensible, et où chaque jour l'iniquité augmente.

Ce n'est pas l'esprit chagrin de la vieillesse qui m'inspire. Je n'ai vu que peu de lustres encore, et cependant, depuis un petit nombre d'années, quel accrois sement dans la corruption générale et la dépravation des mœurs! La terre est désolée par l'assemblage de tous les crimes. Desolatione desolata est terra. Non, on n'a jamais vu tant d'impiété sous le beau nom de philosophie, tant de licence sous un vernis de politesse et d'agrément, tant de fausseté sous un masque d'urbanité et

de candeur, tant de désordres sous un vain ton d'arrangement et de décence. Hé! que dis-je ? dans le siècle où nous sommes, sauve-t-on même les apparences? Non, jamais on n'a vu si peu de pudeur dans le sexe, si peu de sagesse dans ses propos, tant de bizarrerie dans ses goûts, tant de caprice et de légèreté dans ses penchans, tant d'effronterie dans ses modes, tant d'affectation et si peu de retenue dans les moyens qu'il emploie pour séduire et pour plaire. Jamais on n'a vu le lien du mariage si peu respecté, les bienséances si mal observées, les devoirs d'état si mal remplis, les conditions et les rangs si confondus par le luxe, tant d'indigence jointe à tant de faste et à tant d'orgueil, le bien commun si peu recherché, si recherché, si peu connu, et si souvent sacrifié à des intérêts particuliers, les scandales si publics, et le vice accrédité par de si grands exemples. Desolatione desolata est terra. Jamais on n'a vu la jeunesse si frivole et si débauchée, l'âge mûr si intrigant, si envieux, si avide de nouvelles richesses, si peu délicat sur les moyens d'en acquérir, si rempli de l'esprit de vertige et de parti, si amateur des nouveautés et des systêmes; jamais on n'a vu la vieillesse même si peu exemplaire, si peu sage, si éclairée ou si distraite sur les grands peu

intérêts du salut, si attachée à ses anciens préjugés, à ses anciennes passions et si raffinée dans ses plaisirs. Voilà le monde tel qu'il est aujourd'hui. On n'y respecte plus rien ; les mœurs y sont l'école du vice; les livres, les entretiens y sont celle de l'indépendance; livres pernicieux, entretiens licencieux et frivoles; livres qui rendent si coupables ceux qui les prêtent, ceux qui les débitent et ceux qui les lisent. On y méprise les autorités les plus légitimes. Le Magistrat n'y est plus à l'abri de la censure, le Pontife y est déchiré par la calomnie les lois les plus saintes y sont foulées aux pieds; on y sape le trône sous prétexte de l'affermir; on y enseveli les noms si chers à nos aïeux, de sujet et de François, sous les vains noms de liberté et de patriotisme; on y renverse les autels; on y détruit l'unité de prin cipe et de doctrine par les fausses maxi mes de la tolérance. Ah! la Religion n'est plus ; l'honneur restoit encore, l'intérêt en prend la place. A sa suite, se produisent, de nos jours, des crimes qui désolent la terre, et dont les siècles de nos pères, tout dépravés qu'ils étoient, auroient rougi. Desolatione desolata est terra. O siècle de fer, siècle marqué par tant d'horreur, vous êtes le triomphe et le règne de l'esprit du monde et de la

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