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et pour le salut des hommes, qui ramènent également à lui, quoique par des routes différentes, voyez quel est celui auquel Dieu vous appelle, et choisissez.

Ce n'est point à moi à prévenir ce choix et à fixer vos résolutions. Je ne dois que vous éclairer et vous mettre en état de vous déterminer avec sagesse. Pour y réussir j'écarterai avec soin tous les préjugés que vous auriez pu vous former, et je m'attacherai à vous donner une juste idée de la vie du monde et de la vie reli

gieuse, par rapport au salut. A l'égard de l'une, je dis ma chère sœur, que nonseulement on peut se sanctifier dans le monde, mais même qu'avec une piété solide il s'en faut bien que le salut y soit aussi difficile que les mondains se plaisent à le penser; et ce sera le sujet de ma première Partie. A l'égard de l'autre, j'ajoute qu'avec une vocation bien décidée et l'heureux choix d'une maison vraiment sainte, on se sauve plus aisément dans la Religion; c'est le sujet de la seconde. Avec les précautions que je prends, ne craignez point que mon zèle vous égare. Ministre du Dieu vivant, je ne consulte ici d'autre intérêt que celui de la vérité. Et vous qui vivez au milieu des dangers du siècle, puissiez vous trouver dans ce discours de quoi vous consoler, vous instruire et vous édifier ?

I.re Partie.

PREMIÈRE PARTIE.

C'est, ma chère sœur, un préjugé dangereux et malheureusement trop répandu, qu'il est comme impossible de se sauver dans le monde. Dangereux, pourquoi Parce que les personnes du siècle s'autorisent de ce prétexte pour donner un libre cours à leurs passions, n'ayant pas, disentelles, assez de forces pour les surmonter; parce que la vertu, foible encore et timide, se décourage à la vue d'obstacles qu'elles se grossit à elle-même et qu'elle néglige de vaincre, après s'être accoutumée à les regarder comme invincibles; parce que la piété tendre et délicate s'alarme trop aisément d'un état où Dieu l'avait placé, sort des voies que la Providence lui avoit marquées et prend pour vocation à l'état religieux, un esprit inquiet et changeant qui devroit bien plutôt l'en éloigner; parce qu'enfin l'impiété elle-même s'arme de cette prétendue impossibilité du salut dans un certain monde, pour répandre des nuages jusques sur la religion, en donnant un caractère odieux à la sévérité de sa morale, tant les extrémités se touchent, tant il est vrai qu'en matière de Religion une opinion fausse entraîne souvent les conséquences les plus funestes et conduit de proche en proche aux excès les plus opposés.

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Non, ma chère sœur, le salut dans le monde n'est certainement pas impossible, je dis plus, avec une piété solide, il n'y est pas, à beaucoup près, aussi difficile qu'on le pense.

pour

Et d'abord, c'est une vérité que la raison nous annonce et que la foi nous confirme, que Dieu a fait le salut pour tous les hommes. Dieu bon, souverainement bon, n'a créé des êtres intelligens que pour les rendre heureux, en les faisant naître la société civile, en les unissant par des nœuds que forme la nature, qu'avoue et que consacre la Religion; en leur apprenant à respecter et à chérir les doux noms de fils, d'époux et de père, il n'a pas voulu les dépouiller du droit imprescriptible, si j'ose ainsi parler, de prétendre au bonheur; que dis-je, il a voulu leur en assurer les moyens et les leur faire trouver dans la fidélité à remplir les devoirs que ces noms sacrés leur imposent.

Et J. C. le sauveur des hommes, en leur apportant une loi de grâce et d'amour, seroit-il venu anéantir parmi eux tous les droits de l'humanité et y effacer les saintes lois de la nature; seroit-il venu leur rendre le salut plus difficile en le renfermant dans le cercle étroit d'un petit nombre d'ames appelées à des voies peu communes? Non sans doute ; il est venu au contraire perfectionner ce que la nature n'avoit,

pour ainsi dire, qu'ébauché ; il est venu ennoblir, épurer, sanctifier ce qu'elle n'avoit pu élever par ses propres forces à un certain degré de mérite; il est venu donner à l'état primitif, à celui qui est le principe de tous les autres, une consistance que la raison toute seule ne lui avoit pas jusques-là suffisamment assurée, et élever, ce qui n'étoit encore qu'un contrat social, jusqu'à la dignité du sacrement; mais sur-tout il est venu adoucir les devoirs et les rendre plus faciles en les faisant accomplir par la charité. Le verbe de Dieu, son fils et sa sagesse, après avoir présidé du haut des cieux à l'arrangement et à la distribution des états qui concourent au bien général et à l'harmonie de la société n'a pas prétendu détruire son propre ouvrage en disant anathème à toutes ses conditions différentes que la Providence avoit instituées. Ah! bien loin de là, il a attaché à chacune d'elle les grâces qui lui sont proprès, ces grâces d'état d'autant plus abondantes que les devoirs en sont plus difficiles à remplir. Le précurseur du Messie n'a pas dit au citoyen généreux armé pour la défense de sa patrie Quittez la licence des camps, cessez d'être soldat, mais il lui a dit : Ne faites point d'injustice et contentez-vous du salaire qui vous est assigné ; l'apôtre des gentils n'a pas dit : Parce que vous êtes

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dans le monde, sortez de votre état ; mais bien plutôt, restez ferme dans l'état auquel Dieu vous a appelé. C'est enfin pour les hommes de tout état, de toute condition, que le disciple de l'homme-Dieu a dit sans exception, que Dieu, qui est également le Dieu de tous, a voulu que tous les hommes pussent parvenir au salut, omnes homines vult salvos fieri.

Que les prétextes que l'on tire des dangers du monde s'évanouissent donc aujourd'hui à la lumière de l'évangile et au flambeau de vérité. Mondains, ne dites plus qu'il vous est trop difficile de vous sauver, dites plutôt que vous ne le voulez pas, la moindre contrainte vous paroît trop que dure; que dans votre état, le moindre sacrifice fait à la Religion vous paroît trop pénible, et que,, trop attaché à la terre, vous préférez en toute occasion le temps à l'éternité.

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Pour vous, ma chère sœur avec des dispositions bien différentes, tous les états vous sont ouverts pour le salut; choisissez, elige.

Et en effet, n'a-t-on pas vu, ne voiton pas tous les jours des ames fidèles se sanctifier dans tous les états; parcourez les fastes de l'Eglise, ouvrez les annales du christianisme; quel état, avoué par la providence, établi pour le bonheur des hommes et l'avantage de la société, pourriez

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