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ét grossière, et celui qui n'est qu'esprit et qu'on ne peut apercevoir que des yeux de l'esprit, l'Etre souverainement parfait, ils l'ont méconnu. A la majesté du Dieu incorruptible, ils ont substitué, dit l'Apôtre, l'image de l'homme corruptible, des animaux qui remplissent l'air et des bêtes qui rampent sur la terre. O égarement! ô folie de l'esprit humain dont on n'oseroit le croire capable, si une expérience trop générale et trop constante ne nous apprenoit combien l'imagination et les sens ont d'empire sur la

raison !

Ils en auroient moins sans doute si les passions de l'homme étoient moins vives, et s'il étoit moins assujéti aux besoins du corps; mais ceux-ci le forcent à chaque instant à se répandre au-dehors, à sortir de lui-même et à donner presque tous ses momens et ses soins à ce qui peut le faire vivre, et non à ce qui peut l'instruire et l'éclairer. Celles-là aveuglent son entendement, et de concert avec les préjugés de l'éducation et les impressions des sens, elles achèvent de corrompre ses jugemens et de pervertir toutes ses notions. Ce sont ces mêmes passions en partie qui ont fait rendre un culte à des Dieux qui ne méritoient pas même d'être compté parmi les hommes; culte infâme et cruel, où le sang humain arrosoit şi

souvent leurs Autels; culte superstitieux et bizarre, d'où l'on bannissoit pour les mieux honorer, la gravité, la pudeur, la décence et la sagesse pour n'y admettre que de folles joies, des ris insensés et une stupide ivresse; culte impur qu'on ne pourroit rappeler sans rougir, et où la vertu séduite étoit souvent la première' victime qu'on leur immoloit. C'étoit ainsi , en effet, que devoient être adorées de semblables divinités : un Saturne, un Jupiter, un Mars, un Mercure, un Apollon, et tant d'autres qu'il ne m'est pas permis de vous nommer. Que vos femmes, disoit aux Païens St. Clément d'Alexandrie, les invoquent, ces divinités en les priant d'inspirer de la chasteté à leurs maris. Que vos enfans apprennent à révérer de tels Dieux pour se former à la débauche par leurs leçons et leurs exemples. L'innocence même, dit Lactance, se corromproit à une telle cole. Et comment les hommes seront-ils justes, si les Dieux mêmes les dressent au crime?

Aussi voyons-nous que ces mêmes hommes, qui avoient mis le mensonge à la place de la vérité, ont été en proie à tous les désirs de leurs cœurs, et se sont plongés dans tous les vices. Le vrai Dieu qu'ils ont abandonné les a livrés comme parle Saint Paul, à des passion

honteuses, à un sens dépra' é, et ils ont fait des actions indignes de l'homme. Et, ne croyez pas, M. F. que cet aveu、 glement funeste n'ait été répandu que sur un petit nombre de peuples sauvages et barbares. Connoissons mieux la foiblesse de notre raison lorsqu'elle est abandonnée à elle-même. En matière de Religion les nations les plus policées ne se distinguoient en quelque sorte de celles qui l'étoient le moins que par un plus grand nombre de fables et de superstitions. Elles avoient assez de lumières et de génie pour inventer et perfectionner les sciences et les arts. Et de toutes les sciences, la plus importante, celle qui nous apprend à connoître Dieu et à nous bien connoître nous-mêmes, étoit pour elles le plus grand des mystères. Vous auriez vu dans ces temps malheureux les Prêtres de l'Egypte encenser tour-à-tour les plantes et les crocodiles. Les Grecs, si éclairés sur tout le reste, n'étoient ici que des enfans que les poètes ont amusés par les absurdités de leur Mythologie; et si jamais ils ont élevé des Autels à un premier Etre digne de leurs hommages, ce n'étoit que comme à un Dieu qu'ils entrevoyoient à peine, un Dieu qui leur étoit inconnu. Ignoto Deo. Rome, cette capitale du monde, en triomphant de toutes les nations en est comme sub

juguée à son tour; elle adopte leurs cultes et se soumet à leurs folles divinités. Ge peuple si grand par le génie et par le cœur, n'est plus reconnoissable dès qu'il s'agit de Religion; il paroît alors, pour me servir de la pensée d'un homme célèbre, il paroît, dis-je, comme possédé par un esprit étranger, et la lumière naturelle l'abandonne; en un mot, de l'endroit où le soleil se lève jusqu'aux lieux que nous habitons et où il semble terminer son cours, de l'un à l'autre pôle, sur quelque partie du monde que vous eussiez jeté les yeux, si l'on en excepte la nation sainte à laquelle Dieu s'étoit manifesté par ses Prophêtes, vous n'eûssiez rencontré que des peuples ensevelis dans les épaisses ténèbres. Les habitans des Gaules avec leurs druïdes, les Francs que nous reconnoissons pour nos ancêtres, qu'étoient-ils avant qu'ils eussent été convertis à la foi ? Nousmêmes, M. F., nous-mêmes, je vous en fais la remarque en frémissant, que serions - nous si nous n'avions été éclairés de ses lumières ? que sont aujourd'hui toutes les nations dans la Religion desquelles la révélation n'a introduit aucun changement, et pour nommer, s'il le faut, une des nations les plus sages et les plus éclairées, que nous offre la Chine; qu'un peuple d'idolâtres entre

lesquels ceux qui veulent passer pour savant ne se distinguent que par le renoncement à tout principe et par un vain mépris de toute Religion. L'idolâtrie, tous les égaremens du paganisme, voilà donc, M. F., voilà sans doute où vous et moi nous serions réduits sans un secours extraordinaire du Tout-Puissant ?

Après cela, qu'on nous vante la suffisance de la loi primitive et les seules forces de la raison; qu'on nous dise que la Religion naturelle nous enseigne clairement et uniformément tout ce qu'il faut connoître de l'existence de Dieu et de ses souveraines perfections, et tout ce qu'il est nécessaire de pratiquer. Qu'on imagine avec plus d'esprit que de justesse ce génie qui lit et relit à haute voix les saints préceptes de la loi naturelle gravés dans notre cœur ; pour apprécier des éloges si magnifiques, pour détruire ces suppositions et ces brillantes chimères, il nous suffit de l'expérience. C'est à elle que j'ai droit d'en appeler; c'est elle surtout qui m'apprend ce qu'est la raison dans le commun des hommes; combien elle suffit peu pour les éclairer sur les objets les plus importans, et combien, dès lors, elle a dû être soutenue de la révélation, puisque, si l'on peut juger du prix et de la nécessité de ce divin

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