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rempli de ténèbres; ils sont devenus fous en s'attribuant le nom de Sages. Dicentes se esse sapientes stulti facti sunt.

Mais, je le veux, que nos partisans de la seule loi naturelle aient de véri tables lumières et qu'ils en fassent honneur à leur raison. C'est alors que je leur demanderai à qui véritablement ils les doivent. Ils ne prennent pas garde que tout ce qu'il y a de louable tout ce qu'il y a de bon dans leur philosophie et leur morale n'est, à bien dire, que le rudiment, que le catéchisme du Chrétien; ils ne prennent pas garde qu'avant qu'ils eussent élevé si haut les forces de leur entendement, le plus simple fidèle, instruit dans les vrais principes de notre Religion, en savoit autant qu'eux, quoiqu'il ne sut pas l'exprimer avec tant d'art, ni avec tant de pompe et d'enthousiasme ; ils ne font pas attention que personne ne prouve mieux que nous, que personne ne démontre avec plus de force, avec plus de clarté que nous tout ce que renferme la Religion naturelle; mais pourquoi ? c'est que toutes ces vérités, c'est que tous ces principes et toutes ces conséquences nous sont présentés par la révélation comme autant de théorêmes T comme autant de propositions qui se suivent les unes les autres, et qui se

prouvent les unes par les autres. Car, M. F. je vous l'avouerai sans honte lorsque je médite avec le plus de soin sur les vérités de la loi naturelle, je me sens arrêté à chaque instant; je sens que je serois prêt à m'égarer, si le fil de la révélation ne m'aidoit à retrouver la route que je dois tenir, et ne m'y faisoit marcher d'un pas ferme et assuré.

Quand il seroit vrai, néanmoins, que dans les hommes doués d'un génie heureux et profond, la raison, cultivée par une longue étude, fut seule capable de leur donner des lumières assez exactes, assez précises, assez claires pour les déterminer et les fixer, suffiroit-elle pour les instruire de tout ce qu'il est nécessaire de savoir? Après nous avoir appris que nous devons adorer Dieu et le servir, suffit-elle, par exemple, pour déterminer la nature du culte extérieur qu'il veut qu'on lui rende pour nous apprendre quelle est la manière de l'adorer et de le servir, qui lui est la plus agréable et qui est, en même temps, la plus digne de lui ? N'est-il pas dans les Cieux ou sur la terre quelque offrande plus méritoire que toutes celles que nous croirions devoir lui présenter ? N'est-il pas quelque nom vraiment saint et auguste que nous puissions invoquer

a un

pour nous le rendre propice et pour T'honorer comme il doit l'être ? Et s'il y a une offrande de cette espèce, s'il y nom assez respectable pour être employé dans nos prières et leur donner tout leur mérite, la raison sutfit elle pour nous le faire connoître ? Suffira telle pour enseigner à l'homme pécheur quel est le moyen sûr et efficace de rentrer en grâce avec l'Etre - Suprême qu'il a offensé; quelle est la propitiation pour le péché que Dieu peut accepter sans déroger à son autorité, à sa gloire et à la majesté de ses lois, et s'il y a quelque victime qui puisse satisfaire pour nos crimes, et qui ait une valeur plus réelle que le sang des boucs et des taureaux; s'il y a quelque Pontife qui soit digne par lui même de l'offrir, d'intercéder pour nous, et de faire accepter notre repentir; n'est-ce pas une révélation particulière qui peut seule nous l'apprendre?

J'ai ajouté que la raison n'étoit pas soutenue dans les l'hilosophes d'un amour assez ardent pour la vérité, d'un zèle assez pur pour les déterminer à mettre à la portée de tous les hommes ce qu'il est à désirer que tous les hommes puissent apprendre et pratiquer. En effet on a vu de tous les temps ceux qui se glorifioient du nom de Sages faire au

peuple un mystère de leurs découvertes, et soit qu'ils n'eussent que du mépris pour les suffrages de la multitude, soit qu'ils craignissent les préjugés qu'ils trouveroient à combattre, on les a vu retenir la vérité captive; ceux mêmes qui ont connu Dieu ne l'ont point glorifié comme Dieu. Bien loin de s'opposer à l'idolâtrie, on les voit offrir de l'encens aux faux Dieux qu'ils désavouent intérieurement; ils conseillent à leurs concitoyens d'adorer les idoles que leurs pères ont adorées; de se conformer aux décisions des Pontifes et des Aruspices touchant les victimes qu'il faut offrir à chaque Divinité; de suivre, en un mot, la Religion et les rites du pays dans lequel ils sont nés Etoit-ce donc là l'hommage qu'ils devoient à la vérité ? Etoitce là le témoignage qu'ils devoient à leur conscience? Etoit-ce le moyen d'éclairer les hommes et de bannir la superstition; ou n'étoit-ce pas plutôt l'unique moyen de l'éterniser?

Convenons-en, cependant, tous leurs efforts n'auroient produit sans doute que bien peu de fruits pour la gloire du souverain Etre, pour l'instruction et pour la réforme du genre humain, puisqu'ils étoient dépouillés de toute autorité propre à donner du poids à leurs préceptes. T ffet, comme Lactance, Origène, et

presque tous les anciens Pères l'ont observé, ce n'est pas assez de présenter aux hommes la vérité telle qu'elle est en elle-même pour les obliger à la recevoir. Tant qu'on ne sera point revêtu d'un caractère propre à faire impression sur les esprits, tant qu'on n'aura point le sceau d'une mission divine, on ne doit pas se flatter d'être écouté, ou on ne le sera que foiblement. Comme les sentimens de tel ou tel Philosophe ne font point règle auprès du peuple, qu'il ne les regarde que comme des systêmes arbitraires auxquels personne n'est assujéti, les leçons les plus sages, les plus beaux raisonnemens ne passent, après tout dans son esprit, que pour des discours humains, et n'ont aucune force pour produire en lui cette persuasion vive et ferme qui l'entraîne, qui le détermine à agir conformément à la doctrine qui lui est proposée. Il lui faut donc des maîtres et des guides envoyés de Dieu avec des preuves sensibles de leur mission et c'est ce que les Législateurs ont si bien compris, qu'ils ont toujours cru devoir faire intervenir le Ciel dans l'établissement de leurs lois et de leurs cérémonies; mais quelques soins qu'ils aient pu prendre pour qu'on les considérât comme les Ministres de la Divinité, ils n'étoient après tout, que des hommes semblables

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