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dont les yeux, pleins d'une douce langueur, promettent un sentiment que leur cœur se garderoit bien d'éprouver; dont les lèvres, pour me servir du langage de l'écriture, semblables au rayon d'où coule le miel, emploient les expressions les plus flatteuses, tandis que leur esprit médite les plus noirs projets; dont l'élégante et dangereuse parure met en usage tous les agrémens de l'art, pour relever encore les appas que leur a donné la natu ture; dont le manège adroit joue tour à tour les grâces naïves de la pudeur et l'emportement de la passion; dont le premier talent est de plaire, et dont tout le but est de pervertir; dont les perfides caresses font espérer la joie et le bonheur, et conduisent, selon l'expression du sage, au repentir et à la mort. C'est une de ces idoles du monde, qu'il prépare et qu'il forme lui-même pour sa perte et pour son malheur , que l'on oppose à la vertu de notre saint; elle s'arme de tous ses attraits on lui ménage l'occasion la plus favorable à ses vues, la plus dangereuse pour Charles. Le silence de la nuit, la circonstance du moment, une jeune personne seule, à ses genoux; sa beauté, ses larmes, la jeunesse de Charles, luimême, la sensibilité de son cœur, ces malheureux penchans d'une nature dépravée imprimés dans tous les enfans d'Adam, tout conspire sa défaite. Le combat même

a ses dangers et rend la victoire trop incertaine ; que fera-t-il? Il fuira; et comme un autre Joseph, vainqueur par sa fuite même, il donnera aux siècles à venir la plus importante leçon. L'Eglise se glorifera de sa sagesse, elle le proposera à tous ses enfans 9 comme le modèle qu'on doit suivre, elle le proposera à ses Ministres, comme la règle de leur conduite; et formant d'après lui de dignes élèves, puisse-t-elle n'avoir plus à rougir pour eux de la dépravation des mœurs.

Pour que l'Eglise triomphe encore avec plus d'éclat dans la personne de Charles, il faut à ce jeune héros du christianisme un plus grand théâtre. Le cardinal de Médicis, son oncle, est élevé sur la chaire de St. Pierre. La nouvelle en est portée à ses neveux, elle se répand avec soin, la joie se répand avec elle; on s'empresse à témoigner cette commune allégresse: Charles seul paroît triste. Les hautes espérances qu'on lui fait concevoir en le remplissant de crainte, le rendent plus humble encore et plus modeste. Aux pieds du trône où il va s'asseoir avec son oncle, il entrevoit des abîmes; sous le vain éclat des titres, il aperçoit le pésant fardeau des devoirs ; sous l'écorce des grandeurs, il démêle l'apdes vices, et voit de toute part les pas écueils dont est bordée la route qui conduit aux honneurs. Il regrette son heu

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reuse obscurité; il craint pour le Souverain Pontife, il craint pour lui-même et sait que son salut est devenu d'autant plus difficile qu'il se voit plus près des dignités et des richesses. Il a donc recours aux gémissemens et à la prière; il se prosterne aux pieds du Seigneur, il lui dit: « O mon Dieu vous savez que je ne vous demandois pas ces honneurs dangereux, maintenant s'il en est est temps encore, éloignez-les de moi. Que le nouveau Pontife que vous y avez élevé sache en soutenir le poids; qu'il vive non plus pour lui, mais pour l'Eglise dont il est le chef; qu'il ne mesure son rang et son pouvoir que sur le bien qu'ils lui permettent de faire, et sur les obligations qu'ils lui imposent ; successeur du premier et du plus humble de vos Apôtres, qu'il nous gouverne, non pas en Monarque, non pas en Maître mais en Pasteur, mais en Pere; et moi, Seigneur, laissezmoi, à l'ombre de vos Autels, dans un rang obscur, soutenir, par des vertus, toute la dignité d'un Ministère qui n'est déjà que trop grand par lui-même, et que trop redoutable pour moi,» Ainsi parloit Charles; mais Dieu aimoit trop son Eglise pour exaucer entièrement des vœux qui lui eussent été si contraires.

Dans la foule de ceux qui félicitent Pie IV sur son exaltation, il ne voit point

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le jeune Borromée. Il faut un ordre à Charles pour qu'il sorte de sa retraite il faut que le Vicaire de J. C. l'appelle et lui dise comme autrefois Dieu disoit à Moïse: Venez et je vous enverrai. Veni, et mittam te. Venez, c'est par vous que l'Eglise recouvrera son éclat et sa gloire; Dieu vous l'ordonne par ma voix, venez. Charles voit augmenter ses frayeurs; il tremble, mais il obéit; il vient au nom du Seigneur; Rome le reçoit dans ses murs, et le Souverain Pontife ne laisse qu'un dégré entre son neveu et lui. Charles est tout-à-coup prince, cardinal, archevêque, protecteur des empires, dé positaire du souverain pouvoir, et Charles n'a que 22 ans. Il est au milieu de la cour, où l'ambition reçoit des lois et en donne, et Charles n'en reçoit que de son zèle pour la gloire du Seigneur; à la cour où l'on n'oublie le plaisir qu'en faveur de l'intérêt, et où, quand l'intérêt s’endort, on se livre tout entier à la volupté, et Charles n'est occupé que du soin de faire fleurir la Religion; à la cour où tout est intrigue pour parvenir, ruses et finesses pour supplanter, adulation et bassesses lorsqu'on dépend, hauteur et fierté dès qu'on domine, et Charles est toujours droit dans ses vues, simple dans ses mœurs, égal dans toute sa conduite; Charles est toujours semblable à lui-même ; dans ce

lieu enfin où tout en impose à ceux qui sont en place; où l'hypocrisie emploie, pour les surprendre, les noirceurs du vice. et le masque de la vertu; où la flatterie,: toujours adroite et concertée, leur déguise avec art leurs propres foiblesses, et leur fait illusion sur tous leurs défauts; où l'envie sourde et maligne ajoute en secret aux vices qu'ils ont déjà, et leur fait un crime de toutes les vertus qu'ils n'ont pas; et Charles connoît, démêle tous ceux qui l'environnent, il se connoît lui-même ; sous ses yeux l'hypocrite est démasqué, le flatteur se tait, et l'envieux avoue, quoiqu'à regret que dans Charles il n'y a rien à reprendre. D'après lui les mœurs se réforment, son exemple touche, entraîne, persuade, et l'Eglise triomphe d'avoir au sein de Rome, si près du Souverain pontife, dans un Ministre si jeune encore, de si belles vertus à opposer aux traits critiques et méchans des ennemis qui la déchirent, et un si beau modèle à proposer à ses enfans.

Elle vous le propose encore aujourd'hui ce modèle à vous qui êtes appelés au même état, au même ministère que Charles; elle vous le propose pour qu'en l'imitant, vous lui rendiez à elle-même sa gloire déjà si fort obscurcie de nos jours, et que vous renouveliez son triomphe. O mon Dieu, jetez les yeux sur nous, et

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