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et ce qu'on ne voit pas est éternel (1). Passons donc, et prenons tout comme en passant; sans y attacher notre cœur lorsqu'on le possède, ni se troubler quand on le perd. Car le temps de jouir des biens de la terre est court: ce n'est qu'un moment, et ce n'est pas la peine de s'y arrêter. S'y arrêter, c'est renoncer au christianisme, et à l'espérance du siècle à venir.

Mais si nous sommes chrétiens, pour nous détacher des choses même permises, combien est grand notre crime, si nous demeurons attachés à celles, qui ne doivent pas même être nommées parmi les chrétiens! selon ce que dit saint Paul : Que l'impureté et l'avarice ne soient pas même nommées parmi vous, ainsi qu'il est convenable parmi les saints. Et encore: Ce qu'ils font dans le secret, est honteux même à dire (2),

XLI. JOUR.

Immortalité de l'ame; résurrection des corps.
Luc. xx. 37, 38.

OR que les morts ressuscitent, Moïse même vous l'a dit (3). Il va à la source, et il leur allègue les paroles du législateur, et le fondement de l'alliance. Je serai ton Dieu, dit Dieu à Abraham (4): et c'est sur cela que l'alliance est fondée. Et depuis il s'est toujours appelé le Dieu d'Abraham,

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le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob. Et c'est ainsi qu'il se qualifia, quand il apparut à Moïse pour l'envoyer à son peuple: Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob. Et après : Va, dit-il, et dis aux enfans d'Israël le Seigneur Dieu de vos pères ; le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob c'est là mon nom à jamais, et c'est là mon mémorial, et le titre sous lequel je veux être connu de génération en génération (1). Or Dieu n'est pas le Dieu des morts (2), ni le Dieu de ce qui n'est plus. Les morts, à les regarder comme morts, dorment dans le sépulcre; le Seigneur ne s'en souvient plus, et ils ne sont plus sous sa main (3). Mais il n'en est pas ainsi des ames saintes, des ames des amis de Dieu : car s'ils sont morts à l'égard de l'homme, ils sont vivans pour Dieu. Ils sont vivans sous ses yeux et devant lui; et encore: ils sont vivans pour lui (4). S'ils ont perdu le rapport qu'ils avoient à leurs corps et aux autres hommes, ils avoient un autre rapport à Dieu, qui les a faits à son image, et pour en être loué. Ce rapport ne se perd pas car si le corps se dissout et n'est plus animé de l'ame, Dieu pour qui l'ame a été faite, et qui porte son empreinte, demeure toujours. Ainsi les amis de Dieu subsistent toujours par le rapport qu'ils ont à Dieu. Et c'est pourquoi il se dit leur Dieu, non-seulement durant leur vie, mais encore après leur mort. Car leur vie a été trop courte pour donner à Dieu une dénomi(1) Ex. m. 6, 15. (2) Luc. xx. 38. (4) Luc. xx. 38.

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(3) Ps. LXXXv11. 6. ·

nation éternelle. Or le titre de Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, est éternel. Dieu donc se dit leur Dieu, parce qu'ils vivent toujours devant lui, et qu'il les tient sous sa face et comme dit l'apôtre saint Paul (1): Dieu ne rougit pas de s'ap

peler leur Dieu, parce qu'il leur a báti une ville permanente, et qui avoit des fondemens éternels. Autrement, comment n'auroit-il pas honte de s'appeler leur Dieu, s'il les avoit abandonnés, et ne leur eût laissé pour demeure qu'un tombeau? Ils sont donc vivans devant lui et ce qui leur convient, convient à tous les enfans de Dieu; puisque c'est le fondement de l'alliance, à laquelle par conséquent tout le monde a part. Car ce même Dieu qui se dit le Dieu d'Abraham, se dit en même temps le Dieu de nos pères, et en disant à Abraham Je serai ton Dieu, il a ajouté: et de ta postérité après toi (2). Il leur a donc également destiné cette demeure éternelle.

:

On dira que Jésus ne prouve que l'immortalité des ames, et non pas la résurrection des corps. Mais la coutume de l'Ecriture est de regarder une de ces choses comme la suite de l'autre. Car, si on revient à l'origine, Dieu avant que de créer l'ame, lui a préparé un corps. Il n'a répandu sur nous ce souffle de vie, c'est-à-dire, l'ame faite à son image, qu'après qu'il a donné à la boue, qu'il manioit si artistement avec ses doigts tout-puissans, la forme du corps humain. Si donc il a fait l'ame pour la mettre dans un corps, il ne veut pas qu'elle en soit éternellement séparée. Aussi voulut-il d'a(1) Heb. XI. 10, 16. — (2) Gen. xvii. 7.

bord

:

bord qu'elle y fût unie éternellement, puisqu'il avoit fait l'homme immortel, et que c'est par le péché que la mort a été introduite sur la terre. Mais le péché ne peut pas détruire à jamais l'œuvre de Dieu car le péché et son règne doit être luimême détruit. Alors donc l'homme sera rétabli dans son premier état la mort mourra; et l'ame sera réunie à son corps, pour ne le perdre jamais. Car le péché qui en a causé la désunion ne sera plus. Il a donc prouvé aux sadducéens plus qu'ils ne vouloient, puisqu'il leur a prouvé non-seulement la résurrection des corps, mais encore la subsistance éternelle des ames, qui est la racine et la cause fondamentale de la résurrection des corps, puisque l'ame à la fin doit attirer après elle le corps, qu'on lui a donné dès son origine pour son éternel compagnon.

Que reste-t-il donc après cela, sinon de nous réjouir avec les pharisiens, de ce que Jésus a fermé la bouche aux sadducéens (1), qui ne vouloient croire ni la résurrection, ni la subsistance des ames après la mort. Le Sauveur les a confondus: il est allé d'abord à la source de l'erreur, en leur prouvant l'immortalité des ames. Joignons-nous donc à ces docteurs de la loi, qui, ravis de ce qu'il venoit de dire, s'écrièrent avec une espèce de transport : Mattre, vous avez bien dit (2). Mais ce n'est pas de vains applaudissemens que Jésus cherche. S'il á bien dit, profitons de sa doctrine. Vivons comme devant éternellement vivre ne vivons pas comme

(1) Matt. xx11. 34, — (2) Luc. xx. 39.

BOSSUET. IX.

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devant mourir, pour terminer tous nos soins à cette vie : songeons à cette vie qui nous est réservée éternellement devant Dieu, et pour Dieu. Commençons donc dès à présent à vivre pour lui, puisque c'est pour lui que nous devons vivre dans l'éternité. Vivons pour lui aimons-le de tout notre cœur : c'est ce qu'il nous va enseigner dans la lecture suivante.

XLII. JOUR.

Le grand commandement de la loi, l'amour de Dieu et du prochain. Matth. xx11. 34, 36. Marc. XII. 28, 30. Luc. x. 27.

QUEL est le grand commandement dans la loi (1) ? On ne sait si c'est encore pour le tenter qu'on lui fit cette demande, en saint Matthieu et en saint Marc; ou si c'est de bonne foi, pour être instruit : car nous voyons en saint Luc, dans une autre occasion, qu'un des docteurs de la loi lui fit une demande approchante pour le tenter (2), et qu'après avoir ouï de la bouche du Sauveur la même réponse qu'il fait aujourd'hui, il continua son discours, en voulant se justifier lui-même.

Je ne sais s'il en est de même en cette occasion; car le docteur de la loi qui l'avoit interrogé, paroît si satisfait de sa réponse, qu'il mérita de recevoir cet éloge du Sauveur Vous n'êtes pas loin du royaume de Dieu (5). Par où, s'il lui montroit qu'il n'y étoit pas encore arrivé, il lui faisoit voir en

(1) Matth. xx11. 36. — (2) Luc. x. 25, 29. — (3) Marc. XII. 32, 34.

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