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Ne dites pas d'un pécheur : Il a commencé : il a fait sa confession générale; qu'il aille maintenant tout seul. Vous ne songez pas que le grand coup est de persévérer. Prenez garde que vous ne vouliez que la gloire de convertir, et non pas le soin de

conserver.

Le faux zèle est bien marqué dans ces paroles : Vous courez la mer et la terre, pour faire un seul prosélyte (1). Qu'il est zélé! Tant de peine pour un seul homme! faux zèle, puisqu'il ne sert qu'à la vanité : il se repaît de la gloire d'avoir fait un prosélyte. Plus la chose est sainte, plus il est détestable de la gâter. J'ai fait cette religieuse, j'ai attiré cet homme à l'ordre : achevez donc; cultivez cette jeune plante; ne la déracinez pas par les scandales que vous lui donnez; qu'elle ne trouve pas la mort, où elle a cherché la vie en un mot, ne la damnez pas davantage par le mauvais exemple. Le mauvais exemple du monde lui auroit été moins nuisible: le mauvais exemple des serviteurs et des servantes de Dieu, la perd sans ressource.

Dieu dissipe les os de ceux qui plaisent aux hommes: ils sont remplis de confusion, parce que le Seigneur les méprise (2), comme des hommes vains, qui préfèrent l'apparence au solide et au

vrai.

(1) Matth. xx111. 15. — (2) Ps. LII. 6.

LIX. JOUR.

Docteurs juifs, conducteurs aveugles et insensés. Ibid. 16, et suiv.

JUSQU'ICI il ne les a appelés qu'hypocrites: parce qu'ils mettoient la piété dans l'extérieur seulement. Voici une autre qualité qu'il leur donne conducteurs aveugles: Et encore: insensés et aveugles (1).

:

Marquez la liaison de ces deux paroles: conducteurs, et aveugles: guides aveugles, et insensés : Hélas! en quels abîmes tomberez-vous, et ferez-vous tomber les autres? Car tous deux tombent dans l'abîme, et l'aveugle qui mène, et celui qui suit.

L'aveuglement qu'il reprend ici est, lorsque l'intérêt fait oublier les maximes les plus claires et les plus certaines.

Il est bien manifeste, que le temple et l'autel qui sanctifient les présens (2), sont de plus grande dignité que le don qu'on met dessus pour les sanctifier. Et cependant ces guides aveugles étoient assez insensés pour dire que le serment qu'on faisoit par le don, et par l'or qu'on avoit consacré dans le temple et sur l'autel, étoit plus inviolable que celui qu'on faisoit par le temple et par l'autel même. Pourquoi? parce qu'ils vouloient qu'on multipliât les dons et l'or dont ils profitoient : et c'est pourquoi ils en relevoient le prix, et ils poussoient leur (2) Ibid. 18, 19.

(1) Matth. xxi. 16, et suiv.

aveuglement,

aveuglement, jusqu'à préférer le présent au temple et à l'autel, où on le consacroit.

Lorsqu'il dit que le temple et l'autel sanctifient le don, il parle pour l'ancienne loi, où en effet tous les dons et toutes les victimes, qui n'étoient que choses terrestres, étoient bien au-dessous du temple et de l'autel, qui étoient le manifeste symbole de la présence de Dieu. Mais dans la nouvelle alliance, il y a un don qui sanctifie le temple et l'autel. Ce don c'est l'eucharistie; qui n'est rien de moins, que Jésus-Christ et le Saint des saints: et ce don est en même temps un temple. Détruisez ce temple, dit-il et il parloit du temple de son corps... (1), où la divinité habitoit corporellement (2). Il est donc le temple, et plus que le temple: Celuici est plus grand que le temple méme (3).

Il est l'autel, en qui et par qui nous offrons des victimes spirituelles, agréables par Jésus-Christ, comme dit saint Pierre (4).

Ceux qui estiment le don plus que le temple et plus que l'autel, sont encore ceux qui donnant quelque chose à Dieu, le font valoir en eux-mêmes; au lieu de songer qu'on ne peut rien donner à Dieu, qui ne soit beaucoup au-dessous de la majesté de son temple, et de la sainteté de son autel.

Comme il élève l'esprit! du don, à l'autel et au temple: du temple, au ciel dont il est l'image : du ciel, à Dieu qui y est assis, qui y règne, qui y tient l'empire de tout l'univers.

Apportez votre don : apportez-vous vous-même

(1) Joan. 11. 19, 21.

(4) I. Pet. 11. 5.

BOSSUET. IX.

(2) Coloss. 11. 9. — (3) Matth. xii. 6.

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à l'autel; et ne faites cas de vous-même qu'à cause que vous êtes consacré à Dieu. Tirez de là tout votre prix attendez de là tout ce que vous espérez de

sainteté.

O le grand don que vous avez à offrir à Dieu! son corps et son sang que tous les jours vous pouvez offrir à Dieu en sacrifice : don qui sanctifie l'autel et le temple, et ceux qui s'offrent dans le temple.

LX. JOUR.

Guides aveugles attachés aux petites choses, et méprisant les grandes. Ibid. 23 et 24.

PAR quelle erreur de l'esprit humain arrive-t-il qu'on observe la loi en partie, et qu'on ne l'observe pas toute entière; qu'on en observe les petites choses, comme de payer la dîme des plus vils herbages, et qu'on omet les plus grandes, la justice, la miséricorde, la bonne foi (1)? Il y a là une ostentation et un air d'exactitude qui s'étend jusqu'aux moindres observances. Mais il faut encore remarquer ici quelque chose de plus intime. On observe volontiers dans la loi ce qui ne coûte rien à la nature; où les passions ne souffrent point de violence. On le sacrifie aisément à Dieu: on ne veut pas avoir à se reprocher à soi-même qu'on est sans loi, qu'on est un impie on s'acquitte par de petites choses, et on se flatte d'avoir satisfait. Mais la lumière éternelle vous foudroie : Il falloit s'attacher à ces grandes

(1) Matth. xxIII. 23.

choses, mais sans omettre les moindres (1). Il ne faut pas s'y attacher comme aux principales, ni les mépriser non plus à cause qu'elles sont petites.

Voyez ce que Jésus estime, la justice, la miséricorde, la bonne foi.

Guides aveugles, qui coulez le moucheron, et qui avalez un chameau (2). Que le monde est plein de ces fausses piétés! Ils ne voudroient pas qu'il manquât un Ave, Maria, à leur chapelet. Mais les rapines, mais les médisances, mais les jalousies, ils les avalent comme de l'eau: scrupuleux dans les petites obligations; larges sans mesure dans les autres.

C'est encore la même chose, que ce qui est dit au y. 5. Ils étendent des parchemins, où ils écrivoient des sentences de la loi de Dieu (3), conformément au précepte du Deutéronome (4). Soit que ce fût une espèce d'allégorie, ou une obligation effective; ils vouloient bien avoir ces sentences roulantes et mouvantes devant les yeux: mais ils ne se soucioient pas d'en avoir l'amour dans le cœur. Il étoit commandé aux Israélites, pour se distinguer des autres peuples, d'avoir des franges au bord de leurs robes, qu'ils nouoient avec des rubans violets (5). Ce qui leur étoit un signal, qu'ils devoient être attentifs à la loi de Dieu, et ne laisser pas errer leurs yeux et leurs pensées dans les choses qu'elle défendoit. Les pharisiens se faisoient de grandes franges, ou dilatoient ces bords de leurs robes, comme gens bien attentifs à la loi de Dieu, qui dilatoient ce qui étoit destiné à en rappeler la mémoire. C'est tout

(1) Matth. xx111. 23. ·(2) Ibid. 23, 24.- (3) Ibid. 5. (4) Deut. (5) Num. xv. 38. Deut. xx11. 12.

VI. 8.

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