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dernier, et lorsque la mort est déjà presque dans le cœur et alors il n'y a plus de flambeaux, plus d'attention, ni de réflexion; tout est presque éteint.

Cinquièmement: Aussitôt ils lui ouvrent. Comme tout ici est actif! Il faut ouvrir soi-même au maître qui vient, être bien-aise de le recevoir : mais ouvrir avec diligence, aussitôt : ouvrir par conséquent avec joie; ne pas murmurer, ne pas se plaindre de la mort qui vient si tôt. Au reste, il n'a pas besoin qu'on lui ouvre, afin qu'il prenne notre ame qu'il vient requérir; car il saura bien la reprendre sans qu'on la lui donne. Bon gré, malgré, il faut mourir : et souvent il frappe si fort, que les portes brisées s'ouvrent d'elles-mêmes, sans que vous ayez le loisir d'ouvrir, ni de lui offrir vous-même votre ame qu'il vous redemande. Il n'a donc que faire de vous pour la retirer: mais pour l'amour de vous, afin que vous puissiez lui en faire le sacrifice, il veut que ce soit vous qui lui ouvriez, et promptement, et avec joie; puisque vous ouvrez, non pas à la mort, mais à un maître bienfaisant.

Car, sixièmement, s'il trouve ses serviteurs vigilans, il se retroussera, et les fera asseoir, et passera de l'un à l'autre pour les servir (1). Il ne faut pas chercher dans les paraboles à tout expliquer : il y a des circonstances, comme celles-ci, qui ne servent que pour la peinture. Le fond est ici, que JésusChrist s'est fait serviteur de ses fidèles. Le Fils de l'homme, dit-il, est venu servir, et ce service est de se donner lui-même en rédemption pour plusieurs (2), C'est de lui que nous tenons tout, et en (3) Luc. XII. 37. - (2) Matth. xx. 28.

ce monde et en l'autre et nul ne demeurera sans récompense; car il passera de l'un à l'autre pour les servir tous. Il leur donnera abondamment tous les biens; car pour lui il n'a pas besoin de vos services, ni de rien : il est heureux, il est dans la gloire. Il vient pour vous; et sous la figure de la mort, qui vous paroît si hideuse, il vous apporte sa grâce, son royaume, sa félicité éternelle, des richesses inestimables, des plaisirs sans fin. Ouvrez donc à un si bon maître; et donnez-lui de bon cœur cette ame, qu'il ne redemande que pour la rendre bienheureuse.

Septièmement: S'il vient à la seconde veille, et s'il vient à la troisième (1). Remarquez: il ne parle point qu'il vienne jamais de jour : il surprend toujours. On ne le voit pas, et il se cache dans les onbres de la nuit; et cependant l'homme insensé veut le deviner. Je me porte bien, je ne mourrai pas; on se donne toujours bien des années; et cependant l'expérience fait voir qu'il surprend toujours: il vient à l'heure qu'on n'attend pas, et au jour qu'on n'espère pas (2).

Huitièmement: ce père de famille, qui vient avec tant d'amour, pour nous donner des biens éternels sous la figure de la mort, prend encore une autre figure, celle d'un voleur (3): c'est-à-dire, celle d'un ennemi, qui vient nous ravir tout ce que nous possédons et que nous aimons. Premièrement, les biens temporels et les plaisirs des sens, dont nous faisions notre bonheur. Tout d'un coup tout nous sera enlevé: ces biens passeront en d'autres mains: ces plaisirs se dissiperont comme une fumée, comme une paille (2) Matth. XXIV. 50. (3) Luc. XXII. 39.

(1) Luc. xi. 38.

que le vent emporte. Secondement, il nous ôtera les biens spirituels : tant de pensées de conversion, tant de désirs imparfaits qui nous amusoient, qui nous endormoient dans la mort. Tout cela nous sera ôté; et nous verrons malgré tous ces foibles commencemens de bonne volonté, de bons sentimens et de vertus, qui nous faisoient dire : Je suis riche: nous verrons que nous sommes pauvres, misérables, aveugles, nuds, dignes de pitié; ou plutôt indignes de pitié, à cause de notre malice; sans aucun de ces biens, qui nous ouvrent la porte du ciel, ainsi qu'il est écrit dans l'Apocalypse (1).

En neuvième et dernier lieu. Pesons ce mot : Soyez préts (2). Que vos comptes soient en état : que vos dettes soient payées que vos desseins soient accomplis: car après ce moment il n'y a rien à espérer. Quelle angoisse! quelles sueurs à la vue de ce maître rigoureux, qui vous pressera de rendre compte! Vous payerez par le dernier et inévitable supplice ce que vous n'aurez pas volontairement payé par vos bonnes œuvres.

LXXXVII. JOUR.

L'économe fidèle et prudent: sa récompense. Ibid.

PIERRE lui dit: Seigneur, est-ce pour nous que vous dites cette parabole, ou pour tout le monde (3)? Nous tromperez-vous comme les autres, nous qui sommes les dispensateurs de vos mystères ? Nous

(1) Apoc. 111. 17. (2) Matth. XXIV.

44.

(3) Luc. XII. 41.

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serez-vous un voleur qui nous surprendra, ou un maître impitoyable qui arrivera tout d'un coup pour nous punir? Il lui répond par la parabole de l'économe, ou de l'intendant d'une maison, à qui le maître a donné la charge de tout, et en particulier celle de ses conserviteurs. C'est la figure des supérieurs et supérieures, chacun selon son degré, et le poste où il est établi.

Le maître a établi cet économe, cet intendant, ce dispensateur, pour être fidèle: pour être prudent: pour donner la nourriture à sa famille : pour la lui donner dans le temps pour la lui donner avec mesure (1). Te voilà, ô Pierre! Vous voilà, pasteurs? Il faut être fidèles : donner fidèlement ce que le maître a mis en vos mains pour le distribuer, les instructions, les sacremens. Voilà ce que c'est qu'être fidèles ne s'attribuer rien; ne rien retenir de ce qu'il a voulu que vous donnassiez. O économe! ô intendant spirituel! tu n'as rien à toi, tu n'as rien pour toi, puisque toi-même tu es tout aux autres : Tout est à vous, soit Paul, soit Céphas, tout est à vous et vous êtes à Jésus-Christ, disoit saint Paul (2). Tout est à vous. Il faut donc être fidèle, et se donner tout entier au peuple de Dieu. Mais outre la fidélité, il faut la prudence, pour donner dans le temps, pour donner avec mesure prendre les momens favorables d'une affliction, du ralentissement d'une passion, d'une maladie, d'une grande perte; être attentifs à ce moment: voyez, Dieu vous avertit; Dieu vous frappe; Dieu vous réveille. Voilà le premier effet de la prudence prendre le

(1) Luc. XII. 42. - (2) I. Cor. 111. 22, 23.

temps: sinon on rendra compte à Dieu du moment perdu, et de la damnation de son frère. Le second: donner avec mesure; pas plus qu'on ne peut porter : ne donner pas le saint aux chiens, ni les perles aux pourceaux (1): ne prêcher pas les hauts mystères de la communication avec Dieu aux ames encore impures, qui ont besoin qu'on les étonne, qu'on les effraie: ne donner pas l'absolution ni la communion précipitamment : ne la donner pás aux chiens et aux pourceaux, aux ames encore impures: aller par degrés gagner peu à peu. Mais néanmoins il vient un temps qu'il n'y a point de temps, qu'il n'y a point de mesure à garder. Ici on dit: Ne reprenez pas, mais avertissez (2) : là, il faut reprendre avec modestie (3): ailleurs: Reprenez durement (4): ailleurs: Dans le temps, hors du temps, à propos, et hors de propos (5): autrement tout est perdu. Voilà donc la fidélité et la prudence d'un bon serviteur.

Deux choses nécessaires à régler, le fond et la manière. Le fond, il faut donner: soyez fidèle. La manière : il faut donner à propos, et avec les proportions, les convenances requises autrement vous n'êtes pas ce serviteur digne que le maître l'emploie à gouverner sa famille; parce que vous ne donnez rien par infidélité, ou lorsque vous donnez, ce que vous donnez tourne à rien par votre imprudence.

Remarquez ici un faux zèle. Un supérieur, un pasteur ne prêche pas : il est infidèle. Il prêche, il

(1) Matth. vu. 6. — (3) I. Tim. v. 1.

(4) Tit. 1. 13. (5) II. Tim. iv. 2.

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(3) II. Tim. 11. 25.

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