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Ne jugez donc pas celui dont vous n'êtes pas le juge.

Ce que saint Paul ajoute, juge téméraire, vous ferme encore plus la bouche. Vous prononcez sur l'état du serviteur d'autrui, et vous dites, ou qu'il tombe, ou qu'il va tomber. Mais il ne tombera pas, dit saint Paul (1): Dieu est assez puissant pour l'affermir. Ne jugez donc pas qu'il va tomber.

Saint Paul continue: Pourquoi jugez-vous votre frère ? ou pourquoi méprisez-vous votre frère (2)? C'est votre frère, c'est votre égal: il ne vous appartient pas de le juger. Vous êtes tous deux justiciables du grand Juge, devant qui tous les hommes ont à comparoître : Nous avons tous à comparoître devant le tribunal de Jésus-Christ....... Chacun y rendra compte pour lui-même (3). Ne songez donc point à juger les autres: songez au compte qu'il vous faudra rendre de vous-même.

Saint Jacques n'est pas moins fort. Il n'y a dit-il (4), qu'un législateur, et qu'un juge, qui peut perdre un homme, ou le délivrer. D'où il conclut : Qui étes-vous donc vous qui jugez votre frère ? Ce qu'il tire de ce beau principe: Celui qui juge son frère, ou qui médit de son frère, juge la loi, et médit de la loi (5). Car la loi vous a interdit ce jugement que vous usurpez. Mais, poursuit ce grand apôtre (6), si vous jugez la loi, vous ne voulez donc pas vous en rendre l'observateur, mais le juge. Vous vous élevez au-dessus de votre règle : la loi (1) Rom. XIV. 4. (2) Ibid. 10.— (3) Ibid. 10, 12. — (4) Jac. iv. (5) Ibid. 11.- (6) Ibid.

12.

retombera bientôt sur vous de tout son poids, et vous en serez accablé. Voyez en deux versets de cet apôtre, quelle force et quelle lumière de la vérité contre vos jugemens téméraires.

Vous voyez que vous jugez sans pouvoir: mais vous jugez encore sans connoissance. Vous ne connoissez pas celui que vous jugez vous n'en voyez pas l'intérieur : vous ne savez pas son intention, qui peutêtre le justifie; et si son crime est manifeste, vous ne savez pas s'il ne s'en repentira point, ou s'il ne s'en est pas déjà repenti, et s'il n'est point un de ceux dont la conversion réjouira le ciel. Ne jugez donc pas.

La charité n'est point soupçonneuse : elle ne pense pas le mal: elle est douce: elle est patiente: elle souffre tout: elle croit tout: elle espère tout: elle ne se réjouit pas du mal d'autrui; mais elle se réjouit quand tout le monde fait bien en vérité (1). Ainsi elle ne se plaît pas à juger.

D'autant plus qu'en jugeant les autres, elle se jugeroit et se condamneroit elle-même. Vous étes inexcusable, ô tout homme qui jugez; parce qu'en ce que vous jugez les autres, vous vous condamnez vous-même ; puisque vous faites les mêmes choses que vous condamnez (2). Vous êtes jugé par votre propre bouche, mauvais serviteur, et vous-même vous prononcez votre sentence. En telle forme que vous jugerez, vous serez jugé : et la mesure que vous aurez faite aux autres, sera votre règle (3). Quelle joie à un criminel d'entendre de la propre (1) I. Cor. XIII. 4, 5, 6, 7.- (2) Rom. 11. 1. —

-

(3) Matth. vII. 2.

bouche de son juge: Vous ne serez pas jugé (1)! Mais pour cela, il faut qu'il ne juge pas.

XXXVII. JOUR.

Voir les moindres fautes d'autrui, et ne voir pas en soi les plus grandes. Matth. vii. 3, 4, 5.

Voici une autre raison de ne juger pas, que Jésus-Christ nous explique; c'est que votre crime est plus grand, que celui que vous condamnez. Pourquoi voyez-vous un fétu? Une poutre vous crève les yeux, et vous ne la voyez pas (2).

Hypocrite! La plus mauvaise hypocrisie, c'est de condamner tout le monde. On fait par-là le vertueux, on prétend faire admirer la régularité de ses mœurs, la sévérité de sa doctrine : c'est un homme incorruptible, qui ne flatte, et qui n'épargne personne; mais l'hypocrite qu'il est, il ne songe pas seulement à se corriger. Il épilogue sans cesse sur les défauts les plus légers des autres : et il ne songe pas seulement aux vices énormes qui l'accablent. Il n'y a point d'hommes plus indulgens pour euxmêmes, que ces impitoyables censeurs de la via des autres.

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XXXVIII. JOUr.

:

La chose sainte Discernement dans la prédication de l'Evangile. Matth. vii. 6.

LA chose sainte, c'est le corps de Jésus-Christ; il ne le faut pas donner aux chiens (1), aux impurs, aux impudens, à ceux qui jappent indifféremment contre tout le monde ; à ceux qui retombent dans leurs péchés, et que saint Pierre nous a figurés sous l'image d'un chien qui retourne à son vomissement, et d'un pourceau qui, s'étant lavé, se vautre de nouveau dans la boue (2). Nous en avons parlé dans les méditations précédentes, à l'occasion d'un passage de saint Pierre.

En général, la chose sainte signifie tous les mystères que les pasteurs de l'Eglise sont avertis de donner avec beaucoup de discernement; et de ne les pas donner à profaner aux indignes.

Les perles devant les pourceaux, sont les saints discours devant ceux qui sont incapables de les goûter; et qui pour cette raison se tournent avec une espèce de fureur, contre ceux qui leur présentent une chose si peu convenable à leur nature.

Considère, chrétien, à quoi tu te réduis par ton péché! Dieu qui t'avoit fait à son image, et qui avoit mis ton ame, renouvelée par la grâce au rang de ses épouses, te met au rang des chiens et des pourceaux. Aies pitié de ton état, et songe à t'en retirer, ayant (1) Mauh. vii. 6. — (2) II. Pet. u. 21, 22.

recours à la prière, dont il va être encore parlé ci

après.

XXXIX. JOUR.

Prier avec foi: demander: chercher : frapper.
Matth. vII. 7.

APRÈS avoir fait voir au pécheur l'état déplorable et honteux où il tombe, notre Seigneur lui montre dans la prière le moyen d'en sortir.

Demandez: cherchez: frappez (1): Ce sont trois degrés, et comme trois instances qu'il faut faire persévéramment, et coup sur coup. Mais que faut-il demander à Dieu pour sortir de cet état plus que bestial où le péché nous avoit mis? Il faut l'apprendre de ces paroles de saint Jacques (2): Si quelqu'un manque de sagesse, qu'il la demande à Dieu, qui, donne abondamment à tous, sans jamais reprocher ses bienfaits: mais il la faut demander avec foi, et sans hésiter.

C'est ce que notre Seigneur nous apprend luimême: En vérité, je vous le dis: Si vous avez la foi, et que vous n'hésitiez pas; vous obtiendrez tout, jusqu'à précipiter les montagnes dans la mer. Et je vous le dis encore un coup: Tout ce que vous demanderez dans votre prière, croyez que vous le recevrez, et il vous arrivera (3).

Regardez donc où vous en êtes par votre péché,

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