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Bien que cette matière touche moins directement les nations que la personne des monarques, qu'elle repose presque entièrement sur de simples usages, et ne renferme guère que des règles de décence, il semble qu'en traitant du droit des gens positif on ne peut se dispenser de s'en occuper, d'autant plus que si, d'un côté, les souverains ont introduit le principe que les brouilleries et les guerres des États n'influent point sur les sentiments et la conduite envers la personne des souverains qui en sont les chefs (a), d'un autre côté, on ne peut se dissimuler combien souvent les sentiments personnels, soit de haine ou d'amitié entre les souverains, ont influé sur le sort des nations entières.

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Comme entre particuliers les membres d'une famille sont censés prendre part à tous les événements qui concernent un de leurs parents, et ont coutume de se le témoigner, de même il est reçu entre la plupart des souverains de l'Europe de se notifier les événements, soit tristes, soit heureux, qui ont lieu par rapport à la personne ou à la famille du souverain, tels que le décès du monarque, de son épouse, des princes ou princesses du sang, l'avène

(a) A la suite de ce principe, observé pendant des siècles, antérieurement à la révolution française, les nations se respectaient trop pour ne pas observer à l'égard de la personne des souverains avec lesquels elles étaient en guerre les dehors de la décence et de la politesse; et on se sou venait à regret d'un très-petit nombre d'exemples postérieurs aux siècles de barbarie où ces dehors avaient été enfreints.

Il faut tirer aujourd'hui un voile sur toutes les horreurs qui, au mépris de ce principe, ont été vomies contre les souverains étrangers dans les premières années de la révolution française.

ment au gouvernement, les mariages (a), les grossesses, les naissances, etc. Ces notifications se font ou simplement par écrit, ou verbalement par un ministre ordinaire ou extraordinaire. On y répond par des compliments de condoléance ou de félicitation, que, entre égaux, on a coutume de rendre sur le même pied sur lequel la notification a été faite. Quelquefois, d'après les circonstances, on y ajoute d'autres démonstrations de la part qu'on prend à la nouvelle, par exemple, en prenant le deuil (b), en faisant des cérémonies funèbres, ou en ordonnant des prières publiques, des fêtes, etc.

[Du principe de la souveraineté internationale résulte cette conséquence, quant à l'avénement au gouvernement, qu'une reconnaissance préalable de la part des puissances étrangères n'est nullement nécessaire; le seul fait de la détention du pouvoir est suffisant. Mais l'usage et des considérations politiques ont amené les notifications qui sont faites, aux changements de règne, aux nations amies et alliées ou à leurs représentants. Les notifications sont suivies ordinairement, comme le fait observer HEFFTER (le Droit international public de l'Europe, traduction de M. Bergson, § 51), de la promesse d'une continuation de bons procédés et de l'expression du désir d'en obtenir de semblables en retour. Lorsque le pouvoir est nouveau, ajoute-t-il, lorsqu'il n'est pas le résultat d'un droit de succession garanti, lorsqu'il est douteux ou contesté, il est aussi d'usage de demander une reconnaissance expresse aux puissances étrangères. Cette reconnaissance ne peut être valablement exigée à aucun titre que comme condition

(a) Mémoires historiques des négociations de 1761, p. 181 et suiv., édit. in-8.

(b) Même en temps de guerre. Louis XIV porta le deuil pour Léopold Ier et Joseph Ier, qui moururent pendant la guerre; de même l'empereur Charles VI, ordonna, en 1712, le deuil et les cérémonies funèbres lors de la mort du dauphin, de la dauphine et du duc de Bretagne.

de la continuation des rapports internationaux. V. également le baron Charles DE MARTENS, le Guide diplomatique, t. I, p. 221. CH. V.]

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Nul doute qu'entre les souverains le choix des époux ne dépende du libre vœu des deux parties, et qu'en exceptant les cas rares de traités (a), ou ceux d'une promesse de mariage déjà faite, de tierces puissances n'ont point le droit de gêner ce choix. S'il est des cas où de telles puissances ont franchi les bornes de simples représentations à l'amiable, c'est à la politique plutôt qu'au droit des gens à les expliquer. Même le cas d'une mésalliance n'offre point aux étrangers le droit de se refuser à reconnaître les époux ou les héritiers qui en sont issus (b). Ils sont également peu autorisés à se mêler des différends qui pourraient s'être élevés entre les époux, ou entre d'autres membres de la famille, si ce n'est pour offrir leurs bons offices.*

Les usages relatifs à la demande en mariage, à la signature des contrats, aux mariages par procuration, etc., diffèrent d'après les cours et d'après les circonstances.

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Il est d'usage entre les souverains, particulièrement entre les cours de famille, de s'inviter réciproquement à tenir leurs enfants sur les fonts de baptême (a). Dans le choix de ces parrains ou marraines on n'a pas aujourd'hui les

(a) Traité de 1493, entre la France et l'Espagne.

(b) GUNTHER, E. V. R., t. II, p. 483.

(a) F.-C. DE MOSER, von den Gevatterschaften grosser Herren, dans ses Kleine Schriften, t. I, p. 291.

mêmes égards qu'autrefois à la parité de religion (b). Les souverains étrangers étant rarement dans le cas de paraître en personne à cette cérémonie, ils s'y font représenter par un ministre, ou par quelque autre personne, dont surtout le père de l'enfant a fait choix en les invitant. On invite quelquefois des républiques ou autres personnes morales à être marraines. Il est encore d'usage entre les souverains que les parrains fassent des présents. Mais ce n'est qu'en allemand, et quelquefois en latin, que le titre de parrain se continue dans les écrits.

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Souvent les souverains se font des présents destinés à servir de gages d'amitié. Cet usage est fort ancien (a); et, quoiqu'on ne saurait réduire à des règles fixes un point qui, généralement parlant, est si arbitraire, on peut cependant observer, 1o que l'on s'engage quelquefois par traité à faire des présents, soit unilatéralement, soit mutuellement (b); 2o que dans quelques rapports individuels l'usage a introduit des présents mutuels (c); 3° qu'il est des occasions où

et

(b) Exemples de la reine Élisabeth, invitée par Charles IX, en 1573, Henri IV. Exemple du baptême de Pierre II. V. MOSER, loc. cit.,

par

p. 321.

(a) Exemple de 879, dans DUMONT, Corps diplom., t. I, p. 20, savoir: Litteræ H. Ludov. regis Franciæ Ludovico regi Galliarum, Aquitaniæ... et Hispaniæ... Ut fœdus inter nos maneat firmum, mittimus vobis pro arrhabone cavallum viribus et velocitate, non staturâ et carnibus probabilem et sellam qualem nos insidere solemus...

(b) Traités avec la Porte, de 1739 et de 1791; traités avec les États barbaresques.

(c) Présents de faucons que firent les rois de Danemark et l'ordre de Malte aux rois de France. MOSER, Versuch, t. I, p. 347. Sur les disputes élevées, en 1788, entre le pape et le roi des Deux-Siciles, au sujet

l'on ne manque guère de se faire des présents (d); 4o que d'autres présents sont purement arbitraires (e).

169. Des Ordres.

A l'exemple des ordres religieux et militaires que les croisades ont vus naître, et dont les chevaliers portaient des marques distinctives, les monarques commencèrent à établir dans leurs cours des confréries de chevaliers, auxquels les marques distinctives dont ils les décoraient servaient de témoignage de ce qu'ils étaient admis dans la société la plus intime des amis du prince. On a étendu dans la suite l'idée, l'usage et le nombre de ces ordres, en les faisant servir souvent de récompense pour les services militaires ou civils. La plupart des rois, plusieurs électeurs et princes, et même quelques républiques, ont établi un ou plusieurs de ces ordres (a), plus ou moins estimés, d'a

de la présentation de la haquenée et de la cavalcade, V. Historisch politisches Magazin, t. IV, p. 910.

(d) Langes sacrés du pape. Présents de parrains; présents dans les entrevues personnelles; présents aux États barbaresques; à chaque changement dans la personne des monarques, etc.

(e) Exemples dans DE LA TORRE; Mémoires du comte DE HARRACH, t. II, p. 222; MOSER, Versuch, t. I, p. 344; Beyträge, t. I, p. 469; F.-C. VAN MOSER, von der Staatsgalanterie, dans ses Kleine Schriften, t. I, part. I, p. 36 et suiv.

(a) RAMMELSBERG, Beschreibung aller Ritterorden, Berlin, 1744, in-4; Abbildung und Beschreibung aller hohen Ritterorden, Augsbourg et Leipsick, 1772, in-12. Ces deux ouvrages sont très-insuffisants, vu surtout le grand nombre d'ordres nouvellement créés. Entre les États monarchiques souverains, il y en a aujourd'hui très-peu qui n'aient pas fondé un ordre. Beaucoup d'entre eux en ont établi plusieurs, souvent divisés en classes. On peut en voir entre autres la liste, et une histoire abrégée, dans G. HASSEL, Allgemeines europäische Staats-und Address-Handbuch für das Jahr 1816, 2 vol., Weimar, 1818, in-8, sous le 1er chapitre, De la plupart des puissances.

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