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douteux, sans que cependant on puisse le dire arbitraire, ainsi qu'il le serait s'il ne dépendait que de la protection de la cour ou de la faveur du souverain.

» Ce que M. de Martens remarque au sujet de la suppression des distinctions accordées autrefois aux ambassadeurs des cours de famille, prouve que les ambassadeurs, aussi bien que les envoyés et les chargés d'affaires, ne représentent rien de ce qui est personnel à leur souverain, qu'ils ne représentent que les intérêts de la nation, dont ils sont, moyennant la nomination du monarque, des mandataires auprès des gouvernements étrangers. » Et plus loin :

« Il est fort remarquable que cet ouvrage étant destiné à faire connaître les principes du droit positif des nations, l'auteur y ait débuté pour affirmer (§ 9) qu'il n'existe point de droit des gens positif universel, ce qui veut dire qu'il n'existe point du tout de droit des gens positif; car, si ce qui en existe n'est pas universel, ce n'est plus du droit des gens; ce n'est qu'un certain nombre de conventions et d'usages isolés et souvent contradictoires de telles ou telles nations entre elles. Ce n'est donc pas d'un droit des gens positif, mais des conventions et des usages de quelques nations entre elles que M. Martens nous donne le précis, et il nous y fournit à chaque page des preuves de la disparité et même des contradictions qui règnent entre les conventions et les usages des différentes nations. Mais c'est surtout dans le chapitre du cérémonial et des préséances que ces disparités se font remarquer. Ce n'est pas à dire qu'il n'y ait point de principes fixes d'après lesquels on puisse régler le rang que les différents agents diplomatiques doivent observer entre eux; mais c'est que l'amourpropre, et des individus, et des gouvernements surtout, lorsqu'ils ont pu faire valoir leurs prétentions par la force, a toujours préféré laisser dans le vague la détermination des rangs que les représentants d'un pays appartenant à l'un des ordres diplomatiques devaient occuper relativement à ceux d'un autre pays appartenant à ce même ordre.

» Nous disons qu'on a laissé cette question dans le vague, parce que les règles qu'on a voulu établir n'ont servi qu'à embrouiller davantage les questions qu'elles étaient destinées à éclaircir. Nous n'en citerons ici que les principales.

» Un des premiers principes qu'on invoqua à cet égard, c'est

l'ancienneté de l'indépendance de l'État; mais comme l'histoire de chaque peuple nous montre que tous ont passé alternativement de l'asservissement à l'indépendance, on pressent combien de questions non-seulement compliquées, mais odieuses, ce principe, chaque fois qu'on voudra en faire usage, doit nécessairement soulever.

» Un autre titre de prééminence souvent allégué par les gouvernements, c'est l'ancienneté de la famille régnante; mais, outre l'inconvenance de subordonner la dignité réelle de la nation à la dignité purement conventionnelle de son chef, ce principe rendrait les rangs des nations sujets aux changements toujours éventuels des dynasties.

>> La troisième règle invoquée par les publicistes, est qu'on doit fixer le rang de la puissance d'après le titre d'empereur, de roi, de duc, etc., dont jouit le souverain. Mais cette règle est une véritable pétition de principe; car si on demande pourquoi tel souverain doit avoir le titre d'empereur plutôt que celui de roi, ou ce dernier plutôt que celui d'archiduc, de duc, etc., on ne saurait en donner d'autre raison que la supériorité de rang que les nations commandées par les premiers ont droit à prétendre sur celles gouvernées par les seconds.

>> Une troisième règle, encore plus irrationnelle que les précédentes, est celle qui place au dernier rang les nations dont le gouvernement est républicain. On peut cependant juger de la solidité de ce principe lorsqu'on pense aux exceptions qu'il a bien fallu y faire en faveur du protectorat de Cromwell et du consulat de Napoléon, et à celle qu'on fera aujourd'hui en faveur des États-Unis, toutes les fois qu'une question de rang vaudra la peine que le bon sens américain mette de l'intérêt à sa décision.

>> Le lecteur entrevoit déjà sans peine où nous voulons en venir; car l'analyse seule de ces différentes opinions démontre que les rangs des puissances, en tant que gouvernements, ne sauraient se régler que d'après la puissance des nations ; et dès lors la question se réduit à savoir lequel des éléments dont se compose la puissance des nations est le plus propre à en servir d'indice et de mesure incontestable.

» Réduit à cette simple expression, le problème de statistique dont nous nous occupons ne saurait rester longtemps indécis ; car personne n'ignore qu'une nation populeuse ne peut rester station

naire ou elle rétrograde, et la chute des grandes masses est aussi rapide qu'effrayante, ou elle avance à pas de géant en civilisation et en puissance.

>> C'est donc d'après la force de la population des États, et non pas d'après les faux principes jusqu'à présent adoptés par la diplomatie, qu'on doit régler la hiérarchie des nations, et par conséquent l'ordre de la préséance de leurs chefs.

>> Quant au principe adopté au congrès de Vienne pour mettre un terme aux questions des préséances entre les ministres d'un même ordre, savoir, qu'ils prendraient rang d'après la date de la notification officielle de leur arrivée, ce principe est tout aussi erroné que ceux adoptés par la classification des puissances représentées par ces agents. C'était un aveu de l'insuffisance de ces principes; car si l'on croyait que les rangs des puissances étaient fixés, il était contradictoire de chercher encore à déterminer ceux de leurs représentants.

>> Aussi est-il évident que du moment où la diplomatie, se conformant aux dictées du sens commun, aura classé les nations d'après les données de la statistique, qui prend pour base la population, les agents diplomatiques d'un même ordre ne sauraient se ranger que d'après l'ordre hiérarchique des nations qu'ils sont appelés à représenter. » CH. V.]

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Les simples agents pour les affaires privées (a), et ceux qui n'ont que le seul titre de résident, de conseiller de légation, d'agent, ne sont pas membres du corps diplomatique, et, sans pouvoir demander un cérémonial ou des prérogatives et immunités diplomatiques, sont sujets de l'État dans lequel ils vivent (b).

(a) Ceux-ci n'ont jamais de lettres de créance, mais seulement des lettres de provision, ou tout au plus des lettres de recommandation. (b) PESTEL, Commentarii, p. I, cap. v, 3 66. Ce que de petits États leur accordent quelquefois ne suffit pas, à beaucoup près, pour en faire une règle.

[« Il y a dans cet alinéa, dit Pinheiro-Ferreira, plusieurs erreurs l'une, c'est de confondre les résidents avec les conseillers de légation; l'autre, de classer ces deux sortes d'employés parmi les agents pour affaires privées; la troisième, c'est d'affirmer que tous ces agents sont sujets de l'État dans lequel ils vivent.

» Les résidents, ainsi que nous venons de le voir, sont des chefs de mission, ministres du second ou du troisième ordre, selon la manière de compter actuellement en usage.

» Les conseillers de légation sont des agents que les gouvernements attachent quelquefois aux missions pour assister de leurs avis le ministre dans les affaires d'une certaine importance, ou qui exigent des connaissances spéciales que l'ambassadeur n'est pas censé posséder. Dans la suite, comme on abuse de tout, on ne vit dans les conseillers d'ambassade que des attachés d'une catégorie supérieure aux attachés proprement dits, et inférieure aux secrétaires de légation, et on accorda ce titre à de simples élèves de diplomatie.

» Il ne sera pas inutile de faire observer ici que dans l'ordre hiérarchique ils sont inférieurs aux secrétaires de légation, puis, que ceux-ci, pendant l'absence du ministre, sont appelés à devenir des chefs de mission, et, par là, les supérieurs de tous les autres employés à la légation.

>> Loin de pouvoir dire que ces deux sortes d'employés, les résidents et les conseillers de légation, sont ordinairement des sujets du pays où ils vivent, il y a une sorte d'incompatibilité entre la qualité de national et celle d'attaché au service diplomatique d'une puissance étrangère, 'ainsi que nous aurons l'occasion de le montrer ci-après, au § 200. »

Ajoutons que les agents, dont il est ici question, n'ont jamais de lettres de créance, mais seulement des lettres de provision, ou de recommandation. V. le baron Ch. DE MARTENS, le Guide diplomatique, t. I, p. 65. CH. V.]

2197. Des Députés et des Commissaires.

On appelle quelquefois députés, des ministres envoyés vers un congrès, ou accrédités de la part d'une assemblée d'états (comme les ci devant Provinces-Unies des Pays-Bas,

de la Ligue helvétique, du corps germanique). Ce titre seul ne leur donne ni ne leur ôte les prérogatives de ministres ; ils peuvent être ministres (du premier?) du second ou du troisième ordre. Il en est de même des commissaires, qui, comme tels, ne sont pas ministres en titre, lors même qu'ils sont envoyés à l'étranger, mais auxquels cette qualité peut être attribuée par leurs souverains, ainsi que cela se pratique quelquefois pour des commissaires envoyés par des États pour régler les limites ou pour arranger des liquida'tions. Tout dépend de la question de savoir jusqu'à quel point leur constituant a pu et voulu leur attribuer un caractère ministériel.

2198.

Du Droit d'envoyer des Ministres du premier Ordre.

La distinction entre les différents ordres de ministres, la diversité du cérémonial dont ils jouissent, et l'idée du caractère représentatif proprement dit, étant d'institution positive, on peut reconnaître à un État le droit de légation en général, sans lui accorder le droit d'envoyer des ministres de chacun de ces trois ordres, et surtout d'envoyer des ambassadeurs : c'est aussi ce qu'on a vu arriver en Europe.

Entre les États monarchiques et souverains, toutes les têtes couronnées jouissent de ce droit, quoique quelquesunes d'entre elles s'en servent peu ou ne s'en servent point du tout. Entre les républiques, déjà avant la révolution qui changea la France pour quelque temps en république, celles de Venise, des Provinces-Unies des Pays-Bas et de la Ligue helvétique (a) en jouissaient, de même que,

(a) État et délices de la Suisse, t. I, chap. XIII; DE RÉAL, t. V, p. 50.

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