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>> Il nous semble cependant qu'à ces détails historiques l'auteur aurait dû ajouter, pour l'instruction de la jeunesse à laquelle son ouvrage était destiné, la doctrine qui pourrait servir à justifier ou à combattre de pareilles pratiques.

>> Cette doctrine, ajoute Pinheiro-Ferreira sur le dernier alinéa du présent paragraphe, est beaucoup trop évidente pour qu'elle ait besoin d'aucun éclaircissement de notre part, si nous n'avions pas entendu avec une sorte d'indignation le ministre Canning affecter de soutenir une opinion contraire, lorsque, interrogé dans le parlement sur les motifs qui avaient empêché l'admission d'un envoyé de l'un des nouveaux États de l'Amérique méridionale, il répondit que c'était parce qu'il était destiné à représenter son gouvernement à la fois auprès de deux gouvernements, français et anglais, tandis que la Grande-Bretagne, ajouta-t-il, se croyait en droit d'exiger un envoyé tout entier. Ce n'est pas que ce ministre ignorât ou pût mettre en doute qu'il appartient à chaque gouvernement de confier à un seul individu ses intérêts auprès d'autant de gouvernements qu'il le croira convenable; mais c'est que, par une plaisanterie aussi mal assortie à la gravité du sujet qu'à la dignité de la chambre, licence qu'il se permettait assez souvent, il a voulu éviter de dire tout haut que le gouvernement britannique trouvait les États de l'Amérique méridionale assez consolidés pour y envoyer des chargés d'affaires, mais pas assez pour recevoir les leurs. >> CH. V.]

@ 200.

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Du choix de la personne du Ministre.

De même, c'est de l'État qui envoie le ministre qui dépend, dans la règle (a), le choix de l'individu qu'il veut charger d'une telle commission. La naissance (b), les charges, la religion (c), le sexe même (d), n'en excluent pas.

(a) Sur le droit des puissances catholiques de concourir au choix des nonces, V. HÆBERLIN, Römisches Conclave, p. 23.

(b) Réponse du président JEANNIN à Philippe II; Lettres, mémoires et négociations du chevalier D'ÉON De Beaumont, p. 65.

p. 287.

(c) Mémoires de DE HARRACH, par DE LA TORRE, t. I, (d) MOSER, die Gesandtinn nach ihren Rechten und Pflichten, dans

Mais tout État auprès duquel on veut l'accréditer conserve le droit de se refuser à la réception d'un ministre qui lui déplaît (e), ou qui n'est pas admissible d'après les lois (f)

du pays.

D'ordinaire, on prévient d'avance de ce choix l'État auquel on veut envoyer un ministre, pour s'assurer de son agrément.

[<< Quoique M. de Martens n'ait eu l'intention de nous donner, dans cet ouvrage, qu'un précis du droit des gens positif, dit Pinheiro-Ferreira, cela ne saurait le dispenser d'annoncer sur chaque article les doctrines générales et les notions historiques les plus essentielles, au lieu de se borner à renvoyer le lecteur à d'autres écrivains, sans rien énoncer de positif sur la doctrine en question. C'est cependant ce qui lui arrive très-souvent, et notamment lorsque dans ce paragraphe il nous renvoie aux auteurs cités dans la note (f) pour y voir quelles sont les lois des différents pays qui ne permettent point d'y envoyer tels ou tels individus en qualité de ministres diplomatiques. Deux mots auraient suffi cependant pour ne pas laisser ses lecteurs en suspens. Une des qualités les plus essentielles d'un agent diplomatique est sans doute celle de pouvoir soutenir les intérêts dont il est chargé, sans la crainte de compromettre aucune sorte de devoirs dont il ait d'ailleurs contracté l'engagement. Tel est le cas de celui qui, s'étant expatrié pour aller se faire naturaliser dans un autre pays,

ses Kleine Schriften, t. III, n. 2; MAUBERT, Histoire du siècle, p. 370.

(e) V. cependant Mémoires du comte D'ESTRADES, t. I, p. 237, 263. Sémonville refusé en 1792 par le roi de Sardaigne. Exemple d'un autre genre, dans SCHLÖTZER, Staatsanzeigen, liv. IV, p. 458; MOSER, Zusätze, t. III, p. 1192.

(f) Sur les lois de la France, de la Suède, des Provinces-Unies des Pays-Bas, etc., etc., V. mon Guide diplomatique, ch. 1, sect. III, des diverses Puissances, et mes Erzählungen merkwürdiger Fälle, t. I, Supplém., p. 330 et suiv.; t. II, p. 334 et suiv.

serait chargé par le gouvernement de celui-ci d'aller en représenter les intérêts auprès de son ancien gouvernement. On ne saurait mettre en doute que cet agent, lors d'un conflit entre les intérêts des deux pays envers lesquels il a des obligations de plus d'un genre et les obligations les plus sacrées, ne se voie dans la fâcheuse alternative de paraître déchirer les liens qui l'unissent indissolublement, soit à la première, soit à la seconde de ses deux patries. >> CH. V.

CHAPITRE III.

DE CE QU'IL FAUT AU MINISTRE POUR ENTRER EN
FONCTION.

201. De la Suite et de l'Ameublement du Ministre.

Le ministre étant désigné, et ses appointements (a) fixés, il faut encore pourvoir à sa suite, à son ameublement, et surtout le munir des pièces nécessaires pour entrer en fonction.

Le cortége militaire dont la cour fit autrefois accompagner ses ambassadeurs n'a plus guère lieu aujourd'hui que dans ces missions solennelles qui suivent ordinairement la paix avec la Porte, ou bien quelquefois en temps de guerre. De même, on ne permet plus aux ambassadeurs d'avoir

(a) F.-C. VAN MOSER, Von dem Appointement oder Gehalt eines Gesandten, dans ses Kleine Schriften, t. I, p. 182, LE BRET, Magazin, t. II, p. 206. Sur la Hollande, V. KLUIT, Hist, fœd., t. II, p. 571, et mes Erzählungen merkw. Fälle, Appendice, t. II, p. 373. Ce n'est pas sous ce point de vue seul qu'il importe d'observer que jusqu'à ce jour même les missions permanentes ont été considérées presque partout comme des commissions, et non comme des charges.

dans le lieu de leur résidence leur garde militaire (b), si ce n'est quelques Suisses.

Du reste, le train du ministre est très-différent, surtout d'après le genre de mission. La suite complète d'un ambassadeur supposait jusqu'à présent plusieurs gentilshommes et pages d'ambassade, plusieurs secrétaires d'ambassade, une chancellerie, un ou plusieurs secrétaires interprètes (truchements à la Porte), un aumônier, des gens de l'office, une livrée nombreuse, etc. Dans l'ameublement d'un ambassadeur on comprend une vaisselle, plusieurs attelages de six chevaux, etc.

La suite des ministres du second ordre est ordinairement beaucoup moins nombreuse : le plus souvent sans gentilshommes attachés à la légation, rarement plus d'un secrétaire de légation; cependant tout dépend des circonstances. Celle des ministres du troisième ordre est encore plus limitée, ou peut l'être, du moins.

Les frais et les difficultés de cérémonial que font naître les missions du premier ordre sont cause que plusieurs, même des cours royales, n'envoient que peu ou point d'ambassadeurs; en général, il ne serait pas surprenant d'en voir diminuer encore le nombre (c).

[On ne comprend plus aujourd'hui dans la suite d'un ministre que 1o les secrétaires d'ambassade ou de légation de diverses

(b) Capitulation impériale, art. 28, 32; MOSER, Anmerkungen zur Wahlcapitulation Joseph II, t. II, p. 364.

(c) En temps de paix on comptait, jusqu'à la guerre de la révolution, environ quarante missions permanentes du premier ordre, outre les nonciatures du pape. Le plus grand nombre de ces ambassadeurs étaient envoyés par l'Autriche, la France, l'Espagne et la Grande-Bretagne.

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