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ESTHER,

TRAGÉDIE,

TIRÉE DE L'ÉCRITURE SAINTE.

Tome III.

A

PRÉFAC E.

LA célèbre Maifon de Saint-Cyr ayant été principa

lement établie pour élever dans la piété un fort grand nombre de jeunes Demoiselles raffemblées de tous les endroits du Royaume, on n'y a rien oublié de tout ce qui pouvoit contribuer à les rendre capables de fervir Dieu, dans les différens états où il lui plaira de les appeller. Mais, en leur montrant les chofes effentielles & néceffaires, on ne néglige pas de leur apprendre celles qui peuvent fervir à leur polir l'efprit & à leur former le jugement. On a imaginé pour cela plufieurs moyens, qui, fans les détourner de leur travail & de leurs exercices ordinaires, les inftruisent en les divertiffant. On leur met, pour ainfi dire, à profit leurs heures de récréation. On leur fait faire entre elles, fur leurs principaux devoirs, des conversations ingénieufes, qu'on leur a compofées exprès, ou qu'elles-mêmes compofent fur le champ. On les fait parler fur les Hiftoires qu'on leur a lues, ou fur les importantes vérités qu'on leur a enfeignées. On leur fait réciter par & déclamer les plus beaux endroits des meilleurs Poëtes; & cela leur fert, fur-tout, à les défaire de quantité de mauvaises prononciations qu'elles pourroient avoir apportées de leurs Provinces. On a foin auffi de faire apprendre à chanter à celles qui ont de la voix, & on ne leur laisse pas perdre un talent qui les

cœur,

peut amufer innocemment, & qu'elles peuvent em❤ ployer un jour à chanter les louanges de Dieu.

Mais la plupart des plus excellens vers de notre langue ayant été compofés fur des matières fort profanes, & nos plus beaux airs étant fur des paroles extrêmement molles & efféminées, capables de faire des im、 preffions dangereuses fur de jeunes efprits, les perfonnes illuftres qui ont bien voulu prendre la principale direction de cette Maifon, ont fouhaité qu'il y eût quelque Ouvrage, qui, fans avoir tous ces défauts, pût pro duire une partie de ces bons effets. Elles me firent l'honneur de me communiquer leur deffein, & même de me demander fi je ne pourrois pas faire fur quelque fujet de piété & de morale une efpèce de Poëme, où le chant fût mêlé avec le récit; le tout lié par une action qui rendît la chose plus vive & moins capable d'ennuyer.

Je leur propofai le fujet d'Efther, qui les frappa d'abord, cette Hiftoire leur paroiffant pleine de grandes leçons d'amour de Dieu, & de détachement du monde. au milieu du monde même. Et je crus, de mon côté, que je trouverois affez de facilité à traiter ce fujet ; d'autant plus qu'il me fembla que, fans altérer aucune des circonftances tant foit peu confidérables de l'Ecriture, Sainte, ce qui feroit, à mon avis, une espèce de facri, lège, je pourrois remplir toute mon action avec les feules fcènes que Dieu lui-même, pour ainfi dire, a préparées.

J'entrepris donc la chofe, & je m'apperçus qu'en traVaillant fur le plan qu'on m'avoit donné, j'exécutois en

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