Il éblouït plus qu'il n'éclaire. Dans une épaiffe obfcurité Il fait briller des étincelles. Il a gravement débité
Un tas brillans d'erreurs nouvelles, Pour mettre à la place de celles De la bavarde antiquité. Dans fa cervelle trop féconde, Il prend, d'un air fort important, Des dez pour arranger le monde ; Bridoye en aurait fait autant.
Adieu. Je vais chez ma Silvie ; Un efprit fait comme le mien, Goûte bien mieux fon entretien, Qu'un roman de philofophie. De fes attraits toujours frappé, Je ne la crois pas trop fidelle. Mais puifqu'il faut être trompé, Je ne veux l'être que par elle.
ous, qui de la chronologie
Avez réformé les erreurs;
Vous dont la main cueillit les fleurs
De la plus belle poëfie; Vous qui de la philofophie Avez fondé les profondeurs, Malgré les plaifirs féducteurs Qui partagérent votre vie; HENAUT, dites-moi, je vous prie, Par quel art, par quelle magie, Parmi tant de fuccès flateurs, Vous avez défarmé l'envie; Tandis que moi, placé plus bas, Qui devrais être inconnu d'elle, Je vois chaque jour la cruelle Verfer fes poifons fur mes pas; Il ne faut point s'en faire accroire, J'eus l'air de vouloir m'afficher Aux murs du temple de mémoire, Aux fots vous fûtes vous cacher; Je parus trop chercher la gloire, Et la gloire vint vous chercher.
Qu'un chêne, l'honneur d'un bocage, Domine fur mille ärbriffeaux, On refpecte fes verds rameaux, Et l'on danfe fous fon ombrage; Mais que du tapis d'un gazon Quelque brin d'herbe ou de fougére S'éléve un peu fur l'horizon, On l'en arrache avec colére. Je plains le fort de tout auteur, Que les autres ne plaignent guéres; Si dans fes travaux littéraires Il veut goûter quelque douceur, Que des beaux efprits ferviteur Il evite fes chers confreres Montagne, cet auteur charmant, Tour-à-tour profond & frivole, Dans fon château paifiblement, Loin de tout frondeur malévole, Doutait de tout impunément, Et fe moquait très-librement Des bavards fourés de l'école; Mais quand fon éleve Charon, Plus retenu, plus méthodique, De fageffe donna leçon, Il fut prêt de périr, dit-on, Par la haine théologique. Les lieux, les tems, l'occafion Font votre gloire ou votre chute: Hier on aimait votre nom, Aujourd'hui l'on vous perfécute. La Grece à l'infenfé Pyrrhon Fait élever une ftatue,
Socrate prêche la raison,
Et Socrate boit la cigue.
Heureux qui dans d'obscurs travaux
A foi-même fe rend utile;
Il faudrait, pour vivre tranquille, Des amis & point de rivaux. La gloire est toujours inquiette, Le bel efprit eft un tourment, On eft dupe de fon talent; C'est comme une époufe coquette, Il lui faut toujours quelque amant. Sa vanité qui vous obféde, S'expofe à tout imprudemment ; Elle eft des autres l'agrément, Et le mal de qui la pofféde. Mais finiffons ce trifte ton, Eft-il fi malheureux de plaire? L'envie eft un mal néceffaire, C'eft un petit coup d'aiguillon Qui vous force encor à mieux faire; Dans la carrière des vertus L'ame noble en est excitée, Virgile avait fon Mævius, Hercule avait fon Euriftée, Que m'importent de vains difcours, Qui s'envolent & qu'on oublie; Je coule ici mes heureux jours Dans la plus tranquille des cours, Sans intrigue, fans jaloufie, Auprès d'un roi fans courtisans *), Près de Bouflers & d'Emilie, Je les vois & je les entends, Il faut bien que je faffe envie.
MARECHAL
DUC DE RICHELIEU, A qui le fénat de Gène avait érigé une statuë *)
la verrai cette ftatuë, Que Gène éleve justement Au héros qui l'a défenduë. Votre Grand-Oncle, moins brillant, Vit fa gloire moins étenduë;
Il ferait jaloux à la vuë
De cet unique monument.
Dans l'âge frivole & charmant Où le plaifir feul eft d'usage, Où vous reçûtes en partage L'art de tromper fi tendrement. Pour modèler ce beau vifage, Qui de Vénus ornait la cour, On eût pris celui de l'amour, Et fur-tout de l'amour volage; Et quelques traits moins enfantins Auraient été la vive image Du dieu qui préfide aux jardins. Ce double & charmant avantage Peut diminuer à la fin;
Mais la gloire augmente avec l'âge. Du fculpteur, la modefte main Vous fera l'air moins libertin ; C'est dequoi mon héros enrage.
* A Luneville le 18. Novembre 1748.
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