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On chante un peu, comme après une pluie
L'oiseau mouillé dont l'aile se ressuie

Sous un rayon;

On chante aussi comme un rayon qui tremble,
Qui craint qu'au ciel le fuyant tourbillon
Ne se rassemble.

Que si l'amie, heureuse d'écouter,
Osait encore après moi répéter
Ce mot Je t'aime!

Si tout son cœur, à la fin découvert,
Tombait au mien dans un aveu suprême
D'un seul concert,

Chant du bonheur! ô quelle hymne de fête Pour couronner et bénir la conquête

A deux genoux!

A moins, à moins qu'à ce chant qui s'élance Ne se mêlât le murmure plus doux,

Ou le silence!

VI

RONDEAU.

A une belle chasseresse.

Doux Vents d'automne, attiédissez l'amie!
Vaste Forêt, ouvre-lui tes rameaux !

Sous les grands bois la douleur endormie,
En y rêvant, souvent calma ses maux.
Aux maux plus doux tu fus hospitalière,
Noble Forêt! ici vint La Vallière,
Ici Diane *, en ces règnes si beaux;
Et la charmille éclatait aux flambeaux.
La chasse court, le cerf fuit, le cor sonne.
Pour prolonger ce que l'ombre pardonne,
Vous ménagiez le feuillage aux berceaux,
Doux Vents d'automne.

O ma Beauté, n'y soupirez-vous pas?
Pourquoi ce cri vers le désert sauvage?
Sur son coursier la voilà qui ravage
Rocs et halliers, et franchit tous les pas.
Cœur indompté, l'air des bois l'aiguillonne,

* Diane de Poitiers: il s'agit de Fontainebleau.

L'odeur des pins l'enivre. Ah! c'est assez;
Quand la forêt la va faire amazone,

Soufflez sur elle et me l'attiédissez,

Doux Vents d'automne.

VII

HÉROÏDE.

A une chasseresse encore.

O pereant sylva!...

TIBULLE, liv. Iv, élég., III.

Chez Tibulle, autrefois, Sulpicie à Cérinthe

Criait : « Quitte tes bois, reviens, ô Bien-Aimé!
Quelle fureur te tient, et quel zèle allumé?
Gravir des monts, des rocs, et sur leur cime étreinte
Pousser au sanglier en tes pieux enfermé!

Imprudent! et sans moi!... Ton plaisir fait ma crainte. »

Et Phèdre, un peu moins haut, disait également,
(Oh! qu'elle eût voulu dire aussi : Farouche Amant!)
Elle disait : « Cruel, descends aux doux ombrages,
Aux ombrages d'en bas, faciles, sans outrages

Pour tes membres légers tout sanglants des buissons,
Au sommeil de midi, plaisance des gazons,
Quand la Beauté confuse, à petit bruit venue,
Entr'ouvre les rameaux, penche une épaule nue,
Et, mêlée au zéphyr, ose à peine poser,

A ce beau front qui dort, une haleine, un baiser! >>

Et moi je viens à vous, ô belle Chasseresse,
A vous qui l'oubliez, rappeler la tendresse.

Les monts vous ont reprise; et, perdue en vos bois,
Vous ne m'écrivez plus que sauvages exploits,
Torrents franchis, galop lancé dans les ravines,
Vos gazons plus mouvants que les plages marines,
Et dont le vert manteau dans un seul de ses plis
Noya prince et cortège ensemble ensevelis *.
Vous errez, vous régnez; sur ces herbes perfides
L'infini vous attire à des chasses rapides;
Votre écharpe éperdue, aux endroits du danger,
Prête au coursier son aile et le fait plus léger.
Le passant n'ose croire, et de loin il vous jure
Un beau jeune homme en blanc, à longue chevelure.
Où cela mène-t-il? et quel sera le prix?

A la fin de vos jours vous serez Thomyris,
Reine, mais en Scythie, et sans ce qu'on adore.
Sur vos steppes là-haut quand l'hiver plane encore,
Quand vous livrez votre âme aux éclatants frimas,
Le printemps est ici, dont je ne jouis pas.

* Tradition du lieu, dans le Limbourg.

Je soupire, j'invoque un retour un peu tendre :
Viendra-t-il à la fin? Vous aimiez à m'entendre,
Vous sembliez me le dire, et mieux que de la voix !
Rien ne nous rendra-t-il nos coins bleus d'autrefois?

Oh! revenue encore en la chambre amoureuse,
Diane désarmée et plus douce à l'espoir,
Près du balcon fleuri d'où votre tubéreuse
Exhale un chaud soupir à la tiédeur du soir;
Quand le petit parfum que votre robe envoie,
Reconnu dès le seuil, m'aura troublé de joie;
Un jour qu'en me voyant vous aurez repentir;
Que nous nous serons dit tout ce qu'on peut sentir;
Que le passé, bien loin avec ses violences,
Ne sera qu'un écho mourant dans nos silences;
Qu'Hippolyte et Cérinthe, à voix basse nommés,
Serviront de murmure à des noms plus aimés;
Que, les mots hésitant sur la lèvre ravie,
Plus de langueur aussi rapprochera nos fronts,...
Oh! dans ces courts moments que l'orgueil sacrifie
Sous le divin éclair que nous ressaisirons,
Puisqu'il n'est que d'aimer pour oublier la vie,
Oublions et mourons!

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