Images de page
PDF
ePub

Et, pour mieux couronner ma jeune Fiancée,
Amour qui fait tout bien, docile à ma pensée,
Mêle à ses noirs cheveux quelque neige de fleurs.

VI

LES LETTRES BRULÉES.

Oh! ne les pleure point ces lettres inquiètes
Qu'il te faut, pauvre Amie, à tes heures secrètes
Dévorer en tremblant et vite anéantir;

Ne désire jamais t'y plus appesantir;

Ce qu'en mots égarés tour à tour je t'envoie
D'épanchement amer, de tristesse ou de joie,

-

Prends-le, puis brûle, oublie; et, si c'est un trésor, Mon âme intarissable en peut donner encor.

L'arbre est là, fais un signe, et les fleurs trop heureuses Sur chacun de tes jours vont pleuvoir plus nombreuses. Vis donc, et laisse aux vents aller chaque débris.

- Et ces pages, vois-tu ! qu'aiment tes yeux chéris, Plutôt qu'un coin les cache à loisir conservées,

C'est mieux pour moi, c'est mieux, qu'aussitôt arrivées, Tu les lises, émue, en une heure cent fois,

[ocr errors]

Humides de mes pleurs, brûlantes sous tes doigts;

Que l'effet s'en imprime en images plus tendres;
Que, tièdes de ton sein, elles volent en cendres;
Et que dans ta mémoire, adorable tombeau,
Le sens, ainsi qu'une âme, échappant au flambeau,
Survive pur et flotte entouré d'auréoles,

Et retrouve par toi de plus fraîches paroles.
Au lieu d'un froid tiroir où dort le souvenir,
J'aime bien mieux ce cœur qui veut tout retenir,
Qui dans sa vigilance à lui seul se confie,
Recueille, en me lisant, des mots qu'il vivifie,
Les mêle à son désir, les plie en mille tours,
Incessamment les change et s'en souvient toujours.
Abus délicieux! confusion charmante!

Passé qui s'embellit de lui-même et s'augmente!
Forêt dont le mystère invite et fait songer,
Où la Réminiscence, ainsi qu'un faon léger,
T'attire sur sa trace au milieu d'avenues

Nouvelles à tes yeux et non pas inconnues!

VII

LA BOUCLE DE CHEVEUX

Donnée en retour d'autres lettres rendues

Je ne regrette rien: ces lettres que je pleure,
M'en voilà tout payé, bien plus riche à cette heure!
Quoi? tous ces souvenirs lentement amassés,
Ces purs commencements que rien n'a dépassés,
Et qui, par longs détours déroulant leur nuance,
Au cœur qui les revoit n'ont laissé nulle offense;
Quoi? ces bonjours charmants, mille fois variés,
Ces gracieux appels l'un à l'autre liés,

Ces demi-mots parlant au rêve du poète,
Où j'achevais le sens sous la page discrète;
Ces mots plus sérieux qui s'annonçaient d'abord,
Écrits à certains soirs tout près d'un lit de mort,
Et d'où, pour épurer ce qui tient à la terre,
Un éclair m'arrivait du terrible mystère;
Ces bons propos souvent quand j'étais affligé;
Cette plainte parfois si je semblais changé;
Mais surtout la douceur de ce courant que j'aime,
Ce flot continuel, la belle âme elle-même;

*j'ai un doute: est-ce bien au même objet que s'adresse cette autre Élégie, douce de ton et moins vive?

Quoi? tous ces chers trésors, à peine dévoilés,
Voilà que je les perds, et vous m'en consolez!
Même en les retirant, vous savez me les rendre
Par le plus chaste gage et non pas le moins tendre;
Je les pleure, et pourtant je n'en regrette aucun :
Je les respire là tous en un seul parfum.

O cheveux odorants! ô ma boucle adorée
Qu'elle noua longtemps sur sa tête sacrée,
Qui, dans ses belles nuits, dormait sous le réseau,
Reployée à demi comme une aile d'oiseau,
Et qui chaque matin, quand l'âme aussi se lève,
S'échappait sur son front et caressait le rêve!
Anneau léger, le noeud le plus sûr de sa foi!
Feuille de l'arbre saint, cueillie exprès pour moi!

VIII

Tantôt une vapeur où son âme est baignée
L'enveloppe au réveil et, toute la journée,
La tient, et jusqu'au soir prolonge un négligé
Où des grâces d'hier sa main n'a rien changé.
En vain elle s'est dit que la campagne est belle,
Que l'air a des parfums, et qu'au dehors l'appelle
Promenade ou visite, ou qu'on doit recevoir
Un convive au logis; debout à son miroir,
Et contemplant longtemps, d'une prunelle avide,
Dans les plaines du ciel l'espace le plus vide;

Sa robe, tout d'un flot, tombant jusqu'à ses pieds;
Levant vers ses cheveux à peine dépliés

Un bras voluptueux qui s'y pose et s'oublie;
Passant vingt fois l'eau pure à sa joue embellie
(Tant son soin est ailleurs !); — ou par soudains ébats,
Et d'un air de chercher, parcourant à grands pas
Ses chambres, et rangeant à des places meilleures
D'indifférents objets durant de vagues heures;...

Ainsi le jour s'écoule, et l'on vient; il est tard,
Et la voilà surprise. · Oh! dites, quel brouillard,
Par un ciel si charmant, cache donc la vallée ?
Quel souffle éclaircira l'onde aux saules mêlée ?

Tantôt, dès le matin, au sortir des rideaux,
Vigilante, empressée, à des atours nouveaux
D'abord elle s'essaye, et ce sont des parures
Plein les tiroirs ouverts, et des choix de ceintures,
Dentelles, bracelets et ferronnière d'or;

Sous ses mains assemblés, ses cheveux, noir trésor,
Qu'en arrière abondants un peigne altier redresse,
Au devant, par anneaux crêpés ou qu'elle tresse,
S'épandent, ou s'en vont, simples bandeaux, unis;
Puis, la robe s'attache, et les choix sont finis;
Et, comme pour l'éclat de toute une soirée,
On la voit, dès midi, radieuse et parée.
Qu'a-t-elle ? quels projets sont les siens? et pour qui?
Est-ce un ciel de printemps? le soleil a-t-il lui?
Je ne sais, et peut-être elle-même l'ignore.

Viendra-t-il compagnie? Elle ne sait encore,

« PrécédentContinuer »